L'ambassadeur français, Stéphane Romatet (à droite), dans une franche discussion avec son homologue britannique,
John Casson (au centre)
La Grande-Bretagne et la France reconnaissent toutes les deux les défis régionaux et internationaux auxquels elles font face avec l’Europe. Pourtant, leurs points de vue divergent en ce qui concerne les meilleures politiques pour trouver des solutions àces défis, comme l’ont expriméles ambassadeurs britannique et français en Egypte, lors d’un débat organiséàl’Universitéaméricaine du Caire (AUC), au centre-ville, jeudi 14 décembre. En juin 2016, le Royaume-Uni avait tenu un référendum, afin de décider s’il allait quitter ou non l’Union Européenne (UE). 51,9 % des électeurs avaient voté«oui », dépassant de peu le pourcentage de «non », qui était de 48,1 %. Le 8 décembre, le Royaume-Uni et l’Union européenne sont arrivés àune entente post-Brexit sur les droits des citoyens expatriés du Royaume- Uni et de l’UE, le montant que le premier devra payer pour quitter l’UE —appelé«facture du divorce »—ainsi que sur la situation de la frontière avec l’Irlande du Nord. Il est toutefois encore trop tôt pour évaluer les répercussions de l’accord pour les deux parties. Lors du débat organiséàl’AUC, l’ambassadeur britannique, John Casson, et son homologue français, Stéphane Romatet, ont expriméles points de vue, divergents, de leur pays respectif sur le Brexit et la façon dont celui-ci est susceptible d’affecter la Grande-Bretagne ainsi que le projet européen.
Les positions des deux pays diffèrent également en ce qui concerne les politiques étrangères pro-européennes de la France, comme l’ont expliquéles deux diplomates. Romatet, qui a parléle premier, a commencéla discussion en soulignant les principaux défis auxquels l’Europe fait face, incluant notamment la montée de l’extrême droite, et qui réduisent le soutien au projet européen et affectent les liens entre les pays du vieux continent. Il a attirél’attention sur le fait que, lors des élections dans les pays européens, les eurosceptiques et l’extrême droite gagnent de plus en plus de terrain et que cela «signifie quelque chose ». Il en résulte une situation non confortable àla fois pour les partis socio-démocrates, menacés, et les partis conservateurs, qui se retrouvent dans une position délicate. Ce qui affecte également l’Europe, comme l’a expliquél’ambassadeur français, c’est le «processus de démantèlement »entrepris par certains pays.
A un niveau inférieur, Romatet a signaléla crise de l’Etatnation et du fédéralisme, évoquant notamment les récentes tentatives d’indépendance de la Catalogne ainsi que le référendum écossais sur l’autonomie en 2014. «Il y a aujourd’hui un manque d’esprit de ressemblance », a déclarél’ambassadeur de France, ajoutant qu’il était aussi inquiétant de voir que «la plupart des votes populistes europhobes viennent de la jeune génération ». «Je pense qu’aujourd’hui, il est devenu nécessaire de refonder le projet européen », a déclaréRomatet. Dans ce contexte, il estime que le Brexit entraînera le refondement de l’Europe sans la Grande-Bretagne, qui perdra en conséquence son influence régionale.
Trouver un nouvel équilibre
De son côté, l’ambassadeur britannique semblait plus optimiste, exprimant un point de vue différent quant aux conséquences du Brexit. Il y a des décennies, le Royaume-Uni considérait que les Etats-nations étaient trop puissants et que l’UE contribuait àatténuer leurs effets, tel l’étouffement de l’économie. Or, la Grande-Bretagne, aujourd’hui, «n’a plus tendance à considérer les Etatsnations comme le problème ». Au contraire, ils sont plutôt «trop faibles face à d’autres forces, comme le flux des capitaux, des emplois et des personnes », a déclaréCasson. Il a en outre expliquéque le crime organiséet l’extrémisme sont deux facteurs qui ont entraînéle Brexit, soulignant que les traités européens rendaient un pays incapable de contrôler ses propres frontières. «Il y a une réaction, c’est que peut-être l’Europe n’est pas la solution, mais fait partie du problème », a déclaréCasson. Le gouvernement britannique essaie de «trouver une nouvelle façon de gérer l’équilibre que nous cherchons tous à atteindre : entre maintenir les racines de l’Etatnation, maintenir notre société bien enracinée (...) et une attitude ouverte au monde, ouverte au côté positif de la mondialisation », a dit l’ambassadeur britannique. Et d’ajouter : «Nous faisons tous face au défi de refonder et de renouveler nos modèles nationaux. Le Brexit sera considéré comme un aspect technique de cet immense effort visant à refonder les Etats-nations ». Il a conclu par ces mots : «Je crois que nous allons travailler tous ensemble et continuer à nous intégrer dans les politiques et l’économie européennes ».
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