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Le général Gamal Youssef : Les dimensions religieuses et idéologiques sont une façade utilisée par les organisations terroristes

Ahmed Eleiba, Mardi, 28 novembre 2017

Le général Gamal Youssef, ancien sous-secrétaire des renseignements généraux et membre du Conseil égyptien des affaires étrangères, revient sur l'attentat d'Al-Arich. Pour lui, les organisations terroristes n'ont qu'un seul objectif : porter atteinte à l'Etat.

Le général Gamal Youssef : Les dimensions religieuses et idéologiques sont une façade utilisée par l
Le général Gamal Youssef

Al-Ahram Hebdo : Quelles sont, selon vous, les dimensions de l’acte terroriste qui a ciblé la mosquée d’Al-Roda dans le Sinaï ?

Le général Gamal Youssef : On ne peut pas cantonner la scène dans les dimensions apparentes d’une simple organisation terroriste dépendant de Daech, ayant pris au dépourvu et tué des fidèles soufis en train de faire leur prière du vendredi. Une autre dimension vient s’ajouter à nos analyses, selon laquelle ces meurtriers ne sont que de simples outils aux mains d’un instigateur caché, qui fomente les plans. Le groupe salafiste et les adeptes du wahhabisme ont été les premiers à viser les mausolées et les lieux d’adoration soufis, et ceci dans le cadre d’un différend idéologique de longue date qui oppose soufis et salafistes djihadistes. Mais, cette fois-ci, il faut enquêter pour connaître l’identité du planificateur de cet attentat. Ce qui est visé c’est l’Etat même. Ils veulent le briser avec ce massacre humain commis en plein jour. Le message transmis est que l’Etat a échoué dans cette confrontation sanglante.

— L’objectif est donc le soufisme. L’organisation terroriste veut justifier devant ses partisans le fait qu’elle a changé de cible en s’en prenant à des civils au lieu d’attaquer l’armée et la police ...

— Les dimensions religieuses et idéologiques sont une simple façade utilisée par ces organisations. Tout le monde sait que les soufis sont pacifiques et aident l’Etat dans sa lutte contre le terrorisme. Ces organisations terroristes ont échoué dans leur confrontation avec les forces de l’ordre. Après l’incident d’Al-Berth dans le Sinaï au sud de Rafah, qui a été un échec, ces organisations ont lancé une opération qui n’a pas eu l’écho souhaité. Raison pour laquelle ils ont orienté leur cible vers les civils pour parvenir à leur objectif. Ces organisations veulent prouver qu’elles sont toujours capables de mener des frappes fortes. Ajoutons à cela que les tribus refusent ces organisations et que celles-ci ne trouvent donc pas d’environnement propice à leur développement. Les tribus soutiennent l’Etat pour contrer les menaces et les risques.

— Certaines analyses disent que la structure tribale sinawie a témoigné, au cours des années qui ont suivi la révolution, de changements qui ont affecté sa cohésion. Cela s’est reflété sur la guerre menée par l’Etat contre le terrorisme. Qu’en pensez-vous ?

— En effet, la structure tribale a été secouée par une crise il y a plus de 17 ans, et non pas seulement au lendemain de la révolution de 2011. Ce sont les autorités policières sous Moubarak qui ont pris en charge le dossier sécuritaire du Sinaï. C’était une erreur, parce que cela a eu un impact négatif sur la relation entre l’Etat et les tribus. L’ancien service de sécurité de l’Etat a changé l’équilibre des forces au sein des tribus, car il ne connaissait pas leurs traditions, contrairement aux services de renseignements militaires, qui connaissent parfaitement ces traditions. Cela a donné lieu à un désaccord entre l’ancien ministre de la Défense, le maréchal Tantawi, et l’ancien ministre de l’Intérieur. J’ajouterais à ces facteurs les changements aux frontières et les tunnels, qui ont joué un rôle majeur dans le changement de la société tribale. Ces évolutions ont brisé l’autorité des cheikhs car elles ont donné lieu à l’émergence d’une nouvelle couche tribale basée sur les intérêts. Cependant, malgré toutes ces conditions, j’imagine que le dernier incident a consolidé les rangs tribaux.

— Après l’attentat, les communiqués du porte-parole militaire semblent confirmer que les tribus participent à la collecte d’informations dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. En outre, certains cheikhs de tribus, comme Ibrahim Al-Réfaï, ont laissé entendre qu’il y avait une coordination entre l’armée et les tribus. Qu’en pensez-vous ?

— Qu’il y ait une coopération au niveau de la sécurité et de la collecte d’informations, cela est possible et même requis. Mais l’implication des tribus dans des opérations militaires et le fait qu’elles portent les armes, cela ouvrira la porte à un nouveau type de terrorisme. Si l’Etat arme les tribus, plus tard, d’autres acteurs voudront eux aussi porter les armes. Ils disent que la situation est exceptionnelle car on est en lutte contre le terrorisme, c’est vrai, mais plus tard, ces armes pourraient être utilisées contre l’Etat, ce qui nous entraînera dans une spirale de violence.

— Mais tout le monde sait que les tribus possèdent des armes, et qu’elles veulent se venger …

— Oui, il est vrai que ces tribus possèdent des armes, mais elles sont seulement destinées à l’autodéfense et il ne faut pas qu’elles soient utilisées en dehors de la loi. Seul l’Etat a le monopole de la force et des armes. Le recours aux armes ne doit avoir lieu que dans un contexte très particulier et toujours sous l’autorité de l’Etat et des renseignements militaires, qui savent comment gérer cette question de manière professionnelle. Personne ne doit dire qu’il mène une confrontation, sauf l’Etat. Même si les tribus veulent se venger, elles doivent coopérer, seulement, logistiquement, et il incombe à l’Etat, et à lui seul, de mener les opérations de vengeance.

— Il est clair que le groupe responsable de l’attentat est Wélayat Sinaï (province du Sinaï), même s’il ne l’a pas revendiqué. Qu’en pensez-vous ?

— Province du Sinaï ou autres, ce ne sont que des appellations. Quelle différence y a-t-il entre Al-Qaëda, Daech ou autre? On peut appartenir à Daech un jour et faire partie d’Al-Qaëda ou du Front Al-Nosra un autre jour. Ce ne sont que des appellations. L’objectif est le même: porter atteinte à l’Etat égyptien.

— Le chef d’Etat, Abdel-Fattah Al-Sissi, a annoncé que l’Etat luttait contre le terrorisme au nom du monde entier. Est-ce que cela veut dire que nous sommes devant un nouveau type de confrontation et que nous menons, seuls, cette lutte ?

— Nous ne combattons pas le terrorisme au nom du monde, c’est le monde qui nous combat par le biais du terrorisme. Les Etats–Unis régissent le terrorisme en Iraq et en Syrie. Ils l’instrumentalisent selon leur vision. Nous avons des documents qui prouvent que des chasseurs américains ont assuré la protection de Daech. Il existe des Etats et des groupes qui négocient avec les terroristes. On l’a vu au Liban entre le Hezbollah et Al-Nosra, puis entre le Hezbollah et Daech. Nous ne nous engageons pas dans de telles transactions, même si certains veulent qu’on le fasse et disent que ce qui se passe dans le Sinaï est seulement une rébellion armée contre le régime. Quant à l’usage de la force, il relève de l’Etat, qui a pleinement le droit de frapper au coeur des foyers terroristes.

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