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Médiation égyptienne au Soudan du Sud

Amani Al-Tawil , Lundi, 27 novembre 2017

La Déclaration du Caire pour la paix au Soudan du Sud marque le début d’un engagement de l’Egypte en vue de trouver une issue à la crise qui sévit dans ce pays depuis 2013. Une crise qui a fait plus de 1,6 million de déplacés ainsi que des milliers de morts, et qui représente une menace directe pour les institutions de l’Etat fondé en 2011. Une crise qui peut également contribuer à l’effritement des pays voisins comme l’Ouganda et le Kenya.

La Déclaration du Caire constitue un message important adressé aux habitants du Soudan du Sud selon lequel l’Egypte n’est pas loin de leurs soucis, surtout qu’elle possède d’excellentes relations avec le chef de l’Etat, Silva Keir, qui appartient à l’une des plus grandes tribus du Soudan du Sud. Ces relations ont permis à l’Egypte de participer aux forces de maintien de la paix au Soudan du Sud. L’Egypte n’est pas loin non plus de Riek Machar, l’ex-vice-président, limogé après les heurts militaires de 2013, surtout que ses partisans vivent en grand nombre au Caire et entretiennent d’étroites relations avec son élite politique.

Par cette déclaration, Le Caire adresse aussi un message aux pays du bassin du Nil, selon lequel l’Egypte n’est pas loin des tentatives visant à instaurer la paix et la sécurité régionales, et prend en considération les efforts déployés pour résoudre le problème du Soudan du Sud, surtout que les pays du bassin du Nil se sont engagés dans une tentative visant à rapprocher les points de vue depuis la guerre civile au Soudan du Sud (1983-2005) et le conflit politique et tribal qui sévit depuis 2013.

Par cette déclaration, l’Egypte lance enfin un troisième message, adressé à la communauté internationale pour lui dire que le continent africain représente une seule entité qui ne peut être dissociée pour des considérations religieuses ou ethniques, et que le nord se soucie des problèmes de toutes les autres parties du continent. Ceci afin que celui-ci puisse s’engager dans le plan de développement durable lancé par l’Union africaine et connu sous le nom de plan 2013-2063. La coopération régionale entre l’Egypte et l’Ouganda dans ce domaine est un soutien aux efforts égyptiens.

Il est certain que la mission du Caire ne sera pas facile. L’un des plus grands défis est le Soudan pour qui les tentatives du Caire sont indésirables, voire même inacceptables. Ceci bien que l’Egypte ait toujours entretenu des relations privilégiées avec la région du Soudan du Sud sous l’ombrelle du Soudan uni. En effet, la première école secondaire au Soudan du Sud a été créée par l’Egypte en 1947. De plus, l’Egypte a joué un rôle important dans le rattachement du Sud à l’Etat du Soudan, après la bataille d’indépendance vis-à-vis de l’occupation britannique dans les années 1950, lorsque la Grande-Bretagne avait avancé l’idée d’une indépendance du Nord, alors que le Sud restait sous le pouvoir du gouverneur général. Une proposition que Le Caire a catégoriquement refusée dans les pourparlers qui ont eu lieu entre 1953 et 1956. C’est ainsi que l’occupation britannique a évacué la totalité des territoires soudanais. Par ailleurs, les habitants du Soudan du Sud ont de tout temps bénéficié de bourses d’études gratuites dans les universités égyptiennes.

Le second défi est l’influence éthiopienne dans les régions que l’Egypte a abandonnées après la tentative d’assassinat de Moubarak à Addis-Abeba. Un fait qui a permis à l’Ethiopie d’étendre son pouvoir et d’augmenter son poids dans les pays de l’Est de l’Afrique et du bassin du Nil à tel point que les forces de maintien de la paix entre les deux Soudans sont purement éthiopiennes avec un total de 4 200 soldats. Ceci a donné lieu à une bataille muette en 2016 autour de la présence égyptienne dans les forces de maintien de la paix, décidée par le Conseil de sécurité après le déclenchement de la guerre en 2013.

Cependant, le plus grand défi que doit affronter Le Caire est certes la nature même du conflit au Soudan du Sud. En effet, les dimensions du conflit au Soudan du Sud sont complexes et enchevêtrées. Les dissidences militaires et tribales sont monnaie courante, et le respect des accords politiques et militaires ne fait pas partie de la culture du pays. Ce respect est régi par des intérêts divergents et instables. L’accord de paix conclu entre les deux parties en août 2015 devait former l’arrière-plan des efforts égyptiens actuels.

L’Ethiopie et le Soudan vont conjuguer leurs efforts pour entraver les efforts égyptiens. Dans ce contexte, il incombe à la communauté internationale de soutenir les efforts du Caire pour trouver une éventuelle issue à ce conflit qui porte, entre autres, sur les ressources pétrolières. En effet, il ne faut pas oublier que la responsabilité morale de la division du Soudan retombe partiellement sur l’Occident, qui a parié sur un Etat de droit au Soudan du Sud basé sur l’unité ethnique, ce que contredit la réalité tribale et culturelle sur le terrain. C’est ainsi qu’une catastrophe humaine a explosé menaçant la sécurité dans toute la région de l’Est de l’Afrique

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