Mohamed Bouabdallah, conseiller de coopération et d’action culturelle et directeur de l’Institut Français d’Egypte (IFE).
Al-Ahram Hebdo : Comment a surgi l’idée d’organiser une conférence franco-égyptienne dont le thème porte sur la ville durable, d’autant plus que ce concept est nouveau en Egypte ?
Mohamed Bouabdallah : Cette conférence est le fruit de deux idées. Première idée : la France et l’Egypte sont des pays différents, mais doivent faire face à des défis urbains similaires, que ce soit le risque de l’étalement urbain, la nécessité de rénover les quartiers délabrés ou encore la lutte contre le changement climatique en termes de mobilité et de construction. Deuxième idée : il est impératif de faire rencontrer l’ensemble des parties prenantes, que ce soit les experts (architectes et urbanistes), les décideurs et les entreprises pour réfléchir ensemble et non pas séparément. D’où la coopération inédite à cette échelle de l’Institut français d’Egypte (IFE), du Service économique de l’ambassade de France et de l’Agence française de développement.
— Comment la France peut-elle aider à la création d’une ville durable en Egypte ?
— Je pense que nos deux pays peuvent beaucoup apprendre l’un de l’autre en échangeant autour de leurs expériences respectives. En réalité, la coopération en matière urbaine entre la France et l’Egypte est très ancienne, que l’on pense à la construction du Caire khédivial au XIXe siècle par exemple ou la construction, plus récente, du métro du Caire par des entreprises françaises. Notre objectif est donc d’offrir un forum pour cet échange d’expériences afin que des projets communs puissent être imaginés, et un jour réalisés !
— Lors de la dernière visite du président Sissi en France, c’est surtout les discussions qui portaient sur la coopération dans les domaines militaire et économique qui ont été relayées par les médias. Où en est le culturel de cette visite ?
— La culture a en réalité été très présente lors de cette visite. Pour preuve, la seule déclaration signée à l’Elysée, en présence des deux présidents, concerne la culture, l’éducation, l’université et la francophonie. Trois autres accords ont été signés entre les deux gouvernements. Nous avons plusieurs projets en commun : célébrer les 150 ans du Canal de Suez en 2019 à travers plusieurs événements culturels en France et en Egypte ; refonder l’Université française d’Egypte pour en faire un centre d’excellence académique et de recherche ; préparer un accord entre l’Ecole nationale d’administration et l’Académie nationale des jeunes pour former les futurs hauts fonctionnaires égyptiens ; créer un pôle d’excellence francophone à Alexandrie ; créer une Maison de l’Egypte à la Cité internationale universitaire de Paris, etc. Il y a plein d’autres projets !
— L’IFE joue un rôle important dans la diffusion de la langue et de l’éducation française en Egypte, notamment dans le domaine scolaire et universitaire. Quels sont les défis qu’affronte ce domaine actuellement dans le pays, surtout après la dévaluation de la livre égyptienne ? Et quels sont les efforts déployés par l’IFE pour surmonter ces problèmes ?
Le Centre franco-égyptien d'étude des temples de Karnak effectue des fouilles depuis plus d'un siècle et a été officialisé depuis 1967.
— L’IFE joue, en effet, un rôle-clé dans la diffusion de la langue et de la culture françaises. Près de 20 000 élèves, jeunes et adultes, viennent apprendre le français dans l’une de nos trois antennes (Le Caire, Héliopolis et Alexandrie) ainsi qu’à l’Alliance française de Port-Saïd. Nous supervisons également les 14 écoles à programme français qui accueillent plus de 8 000 élèves, ainsi que les 50 écoles bilingues francophones qui accueillent plus de 37 000 élèves. Enfin, les filières francophones universitaires accueillent près de 2 000 étudiants égyptiens et 2 500 sont en mobilité en France. Face aux défis de la dévaluation, notre réaction a été de trois ordres : élargir notre offre pour répondre à la demande qui a augmenté ; maintenir les tarifs à un niveau raisonnable ; développer notre politique de bourses.
— La France accorde beaucoup d’intérêt à l’archéologie. Qu’en est-il de la collaboration avec les missions et les institutions fouillant dans les différents chantiers de l’Egypte ?
— La France est en effet l’un des plus grands partenaires de l’Egypte en matière d’archéologie avec environ 35 chantiers de fouilles, dont les plus importants sont les temples de Karnak, par exemple. Nous avons surtout une présence permanente très importante, à commencer par l’Institut Français d’Archéologie Orientale (IFAO) qui est une institution à la renommée mondiale, ainsi que le CEAlex (Centre d’études alexandrines) qui est l’organisme phare d’Alexandrie et le CFEETK à Karnak, créé par Malraux et Okacha. L’IFE joue un rôle d’accompagnement de nos collègues archéologues, à la fois pour diffuser leurs travaux au grand public, avec l’organisation de conférences mensuelles appelées Les Rendez-vous de l’archéologie, et pour renforcer les liens avec les archéologues égyptiens à travers des cours de français et des formations.
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