Al-Ahram Hebdo : L’ambassade de France, l’Institut français, la Mission économique française et l’Agence française de développement organisent une semaine d’événements autour de la question des villes durables. D’où vient le choix de ce thème et quelle importance la France lui accorde-t-elle ?
Stéphane Romatet : Tous les pays du monde font face actuellement au défi urbain, y compris l’Egypte qui connaît une forte croissance démographique. Surmonter le défi urbain est un enjeu essentiel pour le développement du pays. La manière avec laquelle cette question urbaine va être traitée conditionnera de très grande manière le développement du pays. Soit l’Egypte réussit à gérer ce défi urbain, et à ce moment-là, son développement pourra être assuré, soit cette question urbaine n’est pas prise en compte comme il le faudrait, et à ce moment-là, le coût social et économique, bref le coût pour l’ensemble du pays, sera extrêmement élevé.
La question des transports, la question des déchets, la question de l’approvisionnement en l’électricité, la question de l’habitat, toutes sont des questions fondamentales, et donc face à ces défis, il fallait avoir une nouvelle démarche, ce qu’on appelle la démarche des villes durables.
C’est un enjeu qui se pose pour l’Egypte et aussi pour tous les grands pays qui vont connaître une croissance démographique très forte : la Chine, l’Inde, les pays émergents, etc. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité organiser une semaine entière d’événements et de conférences sur la ville durable. Premièrement, pour débattre entre spécialistes de ce que représente ce défi urbain, partager un constat en somme, et deuxièmement pour trouver les solutions possibles aux défis qui se posent.
Les villes intelligentes modernes, le thème du jour, que nous pouvons concevoir dans l’avenir, soulignent l’importance de réfléchir à la ville durable. Ceci trouve un écho particulier dans un contexte où le président Al-Sissi a décidé de créer 13 villes nouvelles, comme la nouvelle ville d’Assiout ou celle d’Al-Alamein. La France a une expertise à apporter dans ce domaine et cet événement donne la chance aux deux pays de coopérer dans ce domaine, surtout avec la participation d’une vingtaine d’entreprises françaises expertes dans le domaine des villes durables.
— Quels sont les secteurs fertiles en Egypte ?
— Le secteur du transport ; l’Egypte est un pays qui connaît une forte congestion du trafic routier. C’est un handicap pour le développement du pays, pour la croissance économique, pour le business, etc. La question du transport moderne en Egypte est donc cruciale. Si Le Caire ne traite pas cette question du transport, tout le développement de l’Egypte sera entravé. Il y a aussi la question de la nouvelle capitale, comment va-t-on organiser la mobilité entre la nouvelle capitale et Le Caire ? Il faut combiner de nouvelles méthodes de transport. La gestion des déchets est un autre secteur fertile. J’imagine que l’Egypte produit énormément de déchets. Et aujourd’hui, avec la technologie moderne, il est facile de valoriser ces déchets. La question de l’approvisionnement en eau est également importante dans un pays comme l’Egypte où les ressources hydrauliques sont limitées.
Fattah Al-Sissi, s’est rendu le mois dernier à Paris. Cette première rencontre avec le président français, Emmanuel Macron, marque-t-elle une nouvelle phase de coopération entre les deux pays ? Et quels sont les dossiers qui ont été discutés lors de cette rencontre ?
— Ce qui était important dans cette visite, c’est qu’il a pu y avoir un contact personnel entre les deux présidents ainsi que l’établissement d’une relation personnelle forte et amicale entre les deux parties. Cet objectif a été atteint. La densité des relations a permis aux deux présidents d’établir une vraie relation de travail. Lors de leur rencontre, les deux présidents ont évoqué notamment les questions que les deux pays doivent traiter ensemble : la Libye, la migration et le terrorisme.
— La France et l’Egypte ont entamé un dialogue au sujet de la Libye. Les deux pays sont-ils sur la même longueur d’onde, ou bien y a-t-il des divergences sur la question libyenne ?
— Ce que les deux présidents ont convenu lors de leur rencontre à Paris est que le dossier de la Libye est fondamental pour la sécurité de l’Egypte et fondamentale pour la sécurité de l’Europe. A cet égard, nous avons donc intensifié le travail conjoint fait par la France et l’Egypte pour pousser à trouver une solution politique à la question de la Libye. Et de ce point de vue, la position de la France et celle de l’Egypte sont totalement convergentes, ce qui facilite les choses. Le vide politique qui se trouve en Libye est préoccupant, et pour cette raison, nos deux pays déploient des efforts importants pour contribuer à trouver une solution politique rapide.
— L’Egypte fait également face à un danger réel à cause du terrorisme. La France ne devrait-elle pas coopérer davantage avec l’Egypte dans la lutte antiterroriste ?
— Sur cette question qui engage la stabilité et la sécurité de la société, la France et l’Egypte travaillent ensemble. Et c’est ce que le président français a dit au président égyptien, que la sécurité de l’Europe commence en Egypte. La France et l’Europe ont besoin d’une Egypte stable. Nous avons une coopération de sécurité et une coopération antiterroriste très importante qui va s’intensifier plus encore. Nous allons assister à des horizons plus forts et plus profonds de coopération dans ce domaine.
— Passons à la coopération économique. Cette dernière n’est pas au même niveau de la coopération politique. La balance commerciale et le volume des investissements sont faibles. Pourquoi ?
— Vous avez raison. Il y a une relation économique qui n’est pas encore au niveau de notre partenariat politique. Je ferai trois remarques. La première est que l’économie égyptienne a subi un choc et est passée par une période difficile, mais aujourd’hui, l’économie égyptienne se porte mieux par rapport à l’année dernière et la croissance est de retour. Il faut que les entreprises françaises aillent chercher cette croissance. La deuxième remarque est que l’Egypte a des besoins très importants pour assurer son développement économique, notamment dans le secteur des transports, des infrastructures ou des énergies renouvelables. Dans tous ces domaines, la France possède une vraie expertise et les entreprises françaises peuvent trouver des opportunités d’investissements en Egypte. Il est important qu’elles les saisissent et c’est ce que nous visons, notamment, lors de cette semaine des villes durables. Une vingtaine d’entreprises prendront ainsi part à l’événement et pourront examiner les potentiels d’investissements en Egypte. Je ferai enfin une troisième remarque. C’est la question du tourisme. Le tourisme redémarre en Egypte. Le gouvernement égyptien a pris des mesures de protection des sites touristiques, des mesures de sécurité des aéroports, la sécurité du déplacement des touristes est beaucoup plus assurée. Notre message est donc : il faut que les touristes français reviennent en Egypte parce que le tourisme est un moteur de la croissance de l’économie égyptienne.
— Le gouvernement égyptien a pris, au cours de l’année dernière, une série de réformes économiques. Comment évaluez-vous ces mesures ?
— L’Egypte s’est engagée depuis un an dans des réformes structurelles qui n’avaient jamais été menées dans l’histoire du pays. Elles ont un impact social pour la population égyptienne, mais elles étaient nécessaires. Il faut saluer le courage qui a présidé à leur mise en oeuvre. L’Egypte a pris également plusieurs décisions pour faciliter l’investissement en Egypte, comme la mise en oeuvre d’une nouvelle loi pour l’investissement. Cette loi crée un cadre favorable pour relancer l’investissement en Egypte. Et c’est ce message que je transmets aux entreprises françaises, que face au besoin de l’Egypte de se développer, avec un cadre juridique qui facilite les procédures de l’investissement, les opportunités d’investissement sont multiples et garanties.
— Le président égyptien a tenu à organiser un Forum international pour les jeunes, pour la deuxième année consécutive, à Charm Al-Cheikh, sous le slogan « We need to talk », qu’en pensez-vous ?
— Il faut parler à la jeunesse. Parce ce que la jeunesse porte les espoirs d’une génération et elle se prépare à accéder aux responsabilités. Les jeunes vont devenir les dirigeants de demain. Donc, il est nécessaire de parler à la jeunesse. Et donc, ce Forum de Charm Al-Cheikh est une occasion de connaître les aspirations de ces jeunes, ce qu’ils attendent, et de s’en occuper pour les préparer aux responsabilités qu’ils vont assumer dans quelques années. Il faut préparer cette jeunesse pour qu’elle soit consciente de la responsabilité qu’elle va assumer dans quelques années, car elle devra prendre les rênes de l’économie. Bref, c’est une initiative importante et réussie.
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