L'opposition appelle à une journée de mobilisation le 15 novembre. Des manifestations, comme celles tenues fin 2016, sont à craindre.
Le président de la République Démocratique du Congo (RDC) s’est vu donner une seconde chance après être sur le point de partir. La Commission électorale de la République démocratique du Congo (Ceni), avec l’approbation de la communauté internationale, a donné au président du pays, Joseph Kabila, la chance de rester un an de plus au pouvoir. Samedi dernier, les Nations-Unies, les Etats-Unis et l’Union européenne ont relâché leur pression sur la République Démocratique du Congo (RDC) en se ralliant — sous conditions — au calendrier électoral annoncé par les autorités. Ces derniers ont mis en avant la situation sécuritaire pour justifier leur décision de n’organiser le prochain scrutin qu’en 2018. Tout au long de la semaine, le chef de l’Etat congolais a enregistré sa première victoire diplomatique depuis longtemps : aucun des grands partenaires de la RDC n’a frontalement critiqué le chronogramme présenté le 5 novembre par la Commission électorale. Ce calendrier renvoie au 23 décembre 2018 la présidentielle pour désigner son successeur. Au pouvoir depuis 2001, élu en 2006 et 2011, M. Kabila aurait dû quitter le pouvoir à la fin de son deuxième mandat fin 2016. La Constitution interdit au président de se représenter, mais l’autorise à rester en fonction jusqu’à l’élection de son successeur. L’Union européenne a estimé vendredi dernier que le calendrier électoral « doit mener à une transition démocratique » en RDC, ce qui serait une première dans ce pays à l’histoire tourmentée. « Il est primordial de mettre en oeuvre les mesures de décrispation politique nécessaires », insiste aussi l’Union européenne.
En fait, depuis quelques mois, les Etats-Unis et l’Union européenne avaient décrété des sanctions (gels des avoirs, interdiction de voyager ...) envers une dizaine de ses proches pour « entrave au processus électoral ». Même si en privé les grandes chancelleries ne se font aucune illusion sur le pouvoir en place, accusé de détournement de fonds publics par des lanceurs d’alerte, elles ont classiquement joué la carte de la « realpolitik », emboîtant le pas aux Etats-Unis. C’est en effet Washington qui mène le bal sur le dossier congolais depuis la visite de l’émissaire de Donald Trump, Nikki Haley, à Kinshasa fin octobre. La représentante des Etats-Unis à l’Onu avait exigé des élections en 2018, faute de quoi Washington retirerait son soutien à la RDC. Avec la satisfaction d’avoir été entendu, le département d’Etat a été le premier à donner le ton des réactions occidentales. « Les Etats-Unis saluent le calendrier et préviennent le président Kabila qu’il ne doit pas chercher à exercer un troisième mandat » et qu’il doit « quitter le pouvoir après les élections ». Les Etats-Unis demandent aussi « la fin des poursuites motivées par des raisons politiques, la libération des prisonniers politiques et le respect du droit de réunion et d’association pacifiques ». Un opposant-candidat, Moïse Katumbi, se trouve en exil en Belgique après sa condamnation dans une affaire immobilière, et les manifestations sont encore souvent réprimées.
Depuis l’indépendance du pays en 1960, les Etats-Unis — et la CIA — ont toujours eu de grands intérêts dans l’ex-Congo belge, en raison de sa place stratégique au coeur de l’Afrique, et de ses immenses ressources en minerais (coltan, cobalt, etc.). Les Nations-Unies ne peuvent pas non plus se désintéresser du Congo, où elles entretiennent leur mission la plus nombreuse et la plus coûteuse. La mission des Nations-Unies au Congo (Monusco) a fait savoir qu’elle « regrettait que les élections soient encore reportées », alors qu’un accord pouvoir-opposition du 31 décembre 2016 prévoyait un scrutin au plus tard en décembre 2017.
La Monusco offre néanmoins son assistance pour organiser les élections à la date prévue. La prochaine résolution sur la RDC en mars consacrera donc sans doute un large chapitre — et des moyens — à la préparation des scrutins présidentiels, législatifs et locaux, en plus de l’habituel chapitre sur la protection des civils. En outre, et à titre individuel, la France avait communiqué avec prudence mais la Belgique n’a encore pas réagi.
L’opposition isolée
Kinshasa peut aussi se targuer du soutien de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), dont un émissaire a rencontré la Commission électorale jeudi dernier. Par ailleurs, si elles ne représentent pas un chèque en blanc pour le pouvoir, ces positions isolent l’opposition et les acteurs de la société civile qui rejettent le calendrier électoral et le trouvent un moyen pour que le président et ses proches s’accrochent au pouvoir pour piller le Congo. « Ce calendrier fantaisiste est une manoeuvre de plus d’un régime prédateur qui veut s’accrocher indéfiniment au pouvoir », a réagi un des principaux opposants, Moïse Katumbi, et d’ajouter : « Avec sa famille et ses proches, ils continuent leur pillage du Congo ». Félix Tshisekedi, le fils du leader historique de l’opposition Etienne Tshisekedi, décédé à Bruxelles le 1er février, essaie de rassembler les Congolais, mais il ne semble pas être en mesure de mobiliser les foules comme son père. « Peu importe la Ceni. Son calendrier sonnera le glas de ce régime malfaisant. Préparez-vous, Congolais, l’heure est venue de chasser J. Kabila », a-t-il cité sur Twitter. Mais l’annonce du calendrier électoral n’a pour l’instant suscité aucune manifestation populaire hostile, même si l’opposition a toujours appelé à « une transition sans Kabila » à partir du 1er janvier prochain et des élections dès le premier semestre 2018. Le vrai test est annoncé pour le 15 novembre, où une première journée de mobilisation sera organisée par le mouvement citoyen la Lucha .
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