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La réforme passe aussi par les femmes

Samar Al-Gamal, Mardi, 17 octobre 2017

La décision de l'Arabie saoudite de lever l'interdiction faite aux femmes de conduire reflète les changements socioculturels auxquels est sujet le Royaume wahhabite.

La réforme passe aussi par les femmes
(Photo : AFP)

Le Royaume saoudien a pris une série de décisions laissant à prévoir une certaine ouverture dans ce pays. La clé est celle d’une voiture, dit-on. Le gouvernement a officielle­ment annoncé qu’il allait lever l’in­terdiction imposée aux femmes de conduire. L’Arabie saoudite était le seul pays au monde qui interdisait aux femmes de conduire. D’autres restrictions commencent timide­ment à être levées. Le Royaume wahhabite a ainsi décidé de diffuser des chansons et des concerts sur la chaîne culturelle de la télé de l’Etat, et pour la première fois en un quart de siècle, un concert de musique a été organisé à Djeddah. Une pre­mière aussi dans le pays, les Saoudiennes ont été autorisées à célébrer la fête nationale dans un stade. Une scène inédite où hommes et femmes se trouvaient ensemble sur l’espace public. « Délivrer des permis de conduire pour les femmes n’est pas nouveau en Arabie saou­dite. Les femmes saoudiennes et étrangères pouvaient conduire dans certaines régions comme à Zahrane. La tradition et les hommes de reli­gion radicaux empêchaient la géné­ralisation de cette mesure », explique Anouar Magd Ichki, ancien général aux renseignements saoudiens.

Selon lui, le governement saou­dien a pris connaissance de la place de la femme dans le développement de la société et a donc issu ce décret royal. Ichki, qui dirige aujourd’hui le Centre des études stratégiques du Moyen-Orient à Djeddah, place ce changement sur la scène interne saoudienne dans le cadre de l’évolu­tion historique du Royaume qui « s’étale sur trois phases ». « La première est celle de la fondation et coïncide avec les règnes des rois Abdel-Aziz, Saoud, Fayçal et Khaled. Durant cette phase, l’appartenance était au roi et l’Etat était le tuteur et assurait tous les services ». Intervient ensuite, toujours selon lui, la « phase de l’autonomisation sous les rois Fahd et Abdallah, et où la loyauté passe plutôt au système et où les Saoudiens ont commencé à participer au développement de l’Etat. On passe de la tutelle à la citoyenneté ». Sous l’actuel roi Salman, « le Royaume passe à la phase de décollage, qui se base sur la reconstruction interne avec un décollage militaire et un décollage socioéconomique », pré­cise Ichki, qui sert aussi de conseiller au gouvernement saoudien.

Une population jeune

Ce dit décollage est apparemment lié de près au prince héritier Mohamed Bin Salman. Dans ce pays où la moitié de la population a moins de 25 ans, le leadership était jusqu’à présent restreint aux octogénaires, et aujourd’hui, il est en train de passer pour la première fois à une généra­tion plus jeune avec un prince héri­tier qui n’a que 32 ans et qui a lancé sa « Vision 2030 » avec laquelle il cherche à réformer et moderniser le pays, notamment en matière d’éco­nomie. Le Royaume wahhabite, qui possède la deuxième plus importante réserve de pétrole du monde, se classe pourtant derrière la Lituanie et le Chili dans l’indice de développe­ment humain des Nations-Unies de 2016.

Jusqu’à présent, le pays avait échappé aux appels externes de modernisation, devenus grandissants depuis les événements du 11 sep­tembre. « Les changements internes en Arabie se passent le plus souvent indépendamment de sa politique étrangère. Il y a toujours une sorte de zone tampon entre les deux dos­siers », explique Iman Ragab, expert en sécurité régionale au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. En dépit de la puissance du clergé qui voit l’Occi­dent comme apostat, l’Arabie entre­tient de très bonnes relations avec les Etats-Unis.

« Mais depuis 2002, il existe une certaine dynamique interne qui pousse en faveur d’une réforme et plus de liberté, et paradoxalement, les pressions internes sont plus fortes que les pressions externes », explique-t-elle. « Nous sommes devant une nouvelle Arabie », croit Ichki. Peut-être. Il faudrait pourtant encore des années et davantage de mesures pour la voir.

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