
Plus de 1,3 million de Syriens se sont réfugiés dans les Etats voisins de la Syrie, selon le Haut Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés.
(Photo: Reuters)
Fayrouz Omar, docteur en psychologie
« J’ai vu une crise qui se manifeste par l’absence de nourriture et d’eau, malgré tous les efforts d’appui et de soutien déployés. On était aux frontières entre la Syrie et la Turquie. Pas de ventilateur, pas de réfrigérateur, pas de radio et pas d’électricité. Tous les jours après le coucher du soleil, le camp se transforme en tombeau noyé dans l’obscurité. Les réfugiés syriens utilisent des cuisinières à gaz pour préparer à manger, ce qui a déjà provoqué des incendies dans des tentes, des blessés et même des morts. Sous les tentes, une chaleur insupportable. Ce manque d’infrastructure et d’eau potable a engendré une recrudescence des maladies. Au camp, il n’y a presque pas de toilettes : on compte environ un cabinet de toilette pour 2 000 personnes. Les réfugiés ont fui sans avoir le temps de prendre le minimum vital. Ils n’ont pas de vêtements, et je n’exagère pas. L’absence de services inclut aussi l’absence d’éducation. Seule une formation primaire très médiocre est dispensée aux enfants.
Les Syriens ont pour la plupart perdu un proche, voire plusieurs, dans le conflit. Ils vivent dans la hantise que leur camp soit bombardé un jour. Ils gardent tous une mémoire vivace des bombardements et de bruit des tirs de fusils. Perdu ... on est perdu, c’est ce que j’ai entendu une dizaine de fois. J’ai dit à l’une des réfugiés : Que dieu vous récompense par le paradis. Elle a répondu : Notre place, la perte, est plus belle que le paradis. L’absence de soutien psychologique à ces personnes traumatisées est extrêmement préoccupante ».
Moustapha Al-Naggar, dentiste et ancien député au Parlement
« Au camp Qah à Adleb en Syrie, un soldat, dissident de l’armée syrienne, nous a raconté comment il a refusé de participer aux massacres contre son peuple. Il a quitté le pays avec sa famille de 8 personnes. Ils cherchent à fuir la mort, ils ont espéré trouver de l’aide dans ce camp de réfugiés. Il paraît que la mort nous suit partout, me disait le soldat.
Avec sa famille, il n’arrive pas à trouver une tente pour s’abriter. Couverts par les étoiles, ils passent la nuit au sommet d’une colline pour limiter le risque d’être piqués par un serpent ou un scorpion. Ceux qui ont une tente n’ont pas plus de chance. En l’absence de toilettes, les maladies se propagent facilement. En traversant le camp, j’ai croisé un enfant qui m’a demandé de l’argent. Un autre enfant du camp l’a interpellé et lui a dit : Les Syriens ne mendient pas. J’ai eu l’impression qu’un peuple dont les enfants pensent de la sorte ne peut pas être vaincu.
Je crois que nous devons commencer dans l’immédiat par former les responsables des camps à faire face aux problèmes et fournir des services sanitaires, ainsi que du travail à ces déplacés. Il faut surtout construire de nouveaux camps pour résoudre le problème de l’entassement des réfugiés qui peut conduire à une crise sanitaire. Pour ce faire, j’appelle la Ligue arabe à débloquer des fonds de soutien aux réfugiés syriens ».
Abdel-Rahman Ayach, chercheur
« Les dessins des enfants reflètent à quel point ils souffrent. Dans les camps, les enfants ne parlaient presque que d’histoires violentes tels la mort d’Assad, les bombardements, le sang. Durant notre visite, l’une des membres du convoi a décidé de chanter avec eux des chansons d’enfants. Ils ont chanté avec elle. Pendant quelques minutes, ils sont redevenus des enfants.
La politique extérieure égyptienne m’étonne, cette politique ne reflète pas l’Egypte d’après la révolution qui doit être le guide de la libération arabe des régimes autoritaires. Je suis parti du camp avec cette impression que l’aide égyptienne aux Syriens est, en fait, un moyen de défense de la sécurité nationale égyptienne. Damas se trouve à quelque 800 km du Caire, mais la crise syrienne pourrait bientôt avoir des influences majeures sur l’Egypte ».
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