Les festivités célébrant la réconciliation entre les mouvements Fatah et Hamas sont terminées. Commence à présent la phase visant à régler les différends. Il est question de concrétiser la réconciliation interpalestinienne par des mesures et des politiques concrètes.
Le déplacement du gouvernement palestinien, présidé par Rami Al-Hamdallah le 2 octobre à Gaza, traduit l’enthousiasme des Palestiniens, qui veulent mettre un terme à des divisions qui ont fait de la dernière décennie la pire depuis 1967. Il est tout à fait normal de se demander : quel est l’avenir de cette réconciliation ? Va-t-elle tenir compte des divergences qui opposent les deux belligérants ? Qu’est-ce qui va changer sur le terrain si la réconciliation aboutit ?
Pour répondre à ces questions, il faut tenir compte de la fatigue qui marque les deux mouvements palestiniens. Chacun d’eux assume un remarquable fardeau alors que les options d’entente semblent s’éclipser. Il semble que le mouvement Hamas soit le plus rongé par la fatigue, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, l’embargo qui asphyxie Gaza, le blocage de toute perspective, et enfin la défaite du projet de l’islam politique auquel le Hamas prenait parti. Cet échec est le résultat du coup dur porté à la filiale des Frères musulmans en Egypte. Coup qui a affaibli les organisations qui soutenaient la confrérie depuis des années, entre autres le mouvement palestinien des Frères dont le porte-parole est le Hamas depuis 1988.
La fatigue politique ne représente qu’une seule dimension. Elle a entraîné d’autres échecs en cascade sur les plans économique et social à Gaza. L’échec politique est, en fait, la responsabilité des deux parties, et leur faillite s’est reflétée dans les actions du gouvernement à Ramallah, lorsqu’il a décidé de suspendre les salaires d’un nombre de fonctionnaires vivant dans le secteur.
Une autre crise a frappé le pouvoir du Fatah, un pouvoir vieillissant désormais cantonné dans une posture de rigidité. Ceci sans parler des divisions qui ont gagné ses rangs et les figures de proue qu’il a perdues et qui étaient opposées à ses positions tel Mohamad Dahlan. Il va sans dire que les arrangements conclus entre le mouvement Hamas et le courant de M. Dahlan, le courant de la réforme du Fatah, étaient l’un des facteurs qui ont incité le Fatah à accepter la médiation égyptienne en vue d’une réconciliation palestinienne. Le mouvement Fatah craint aussi les pressions internationales et régionales pour le contraindre à faire de nouvelles concessions qui pourraient l’amener à renoncer à Jérusalem-Est et quelques lots de terres en Cisjordanie.
Les problèmes qui opposent les deux mouvements palestiniens sont de nature administrative et politique. Il est tout à fait normal qu’une priorité soit accordée aux problèmes administratifs à cause de la fusion que le gouvernement Hamdallah entend opérer entre les différents organismes et appareils, après que le Hamas eut pris l’initiative de dissoudre le comité administratif qui servait de gouvernement parallèle à Gaza. En général, de telles fusions comprennent beaucoup de détails d’importance variable, mais le plus compliqué est le dossier sécuritaire à Gaza, et au niveau duquel il n’y a toujours pas de consensus. Le Hamas a resserré l’étau sécuritaire autour du secteur. La méthode qui sera adoptée pour unifier les appareils sécuritaires n’est pas encore claire. Y aura-t-il une soft fusion ? Ou bien une restructuration ? Et selon quels critères ? Que ferait le Fatah si le Hamas revendiquait une restructuration des appareils de sécurité en Cisjordanie également ?
Un autre problème majeur est la position des brigades d’Al-Qassam qui sont devenues une grande armée contrôlant des positions sensibles du secteur, et qui possèdent un dépôt d’armes et des camps d’entraînement en plus de 10 000 combattants. On peut s’interroger sur la relation entre le gouvernement qui a pris les rênes du pouvoir à Gaza et ses forces qui ne se plieront pas facilement à ses ordres. D’ailleurs, le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a été très lucide lorsqu’il a mis en garde contre une éventuelle reproduction de la situation libanaise, où le Hezbollah agit seul hors de tout contrôle gouvernemental. La situation palestinienne est de loin plus compliquée. La diversité des acteurs au Liban atténue en quelque sorte les effets négatifs de la présence d’une entité militaire ne dépendant pas du gouvernement, et cela empêche toutes sortes de polarisation aiguë. Ce qui n’est pas le cas du statu quo palestinien qui est vivement polarisé par les deux forces majeures, le Hamas et le Fatah. Même avec la flexibilité manifestée par le nouveau chef du Hamas à Gaza, Yehia Al-Senwar, il sera difficile de parler d’une nouvelle phase si de nouvelles règles ne sont pas établies pour gérer la situation sécuritaire et les prérogatives du Hamas à Gaza.
Outre le problème de la sécurité à Gaza qui a une dimension politique, la réconciliation sera confrontée à d’autres problèmes politiques, notamment en ce qui a trait aux élections et aussi à la manière de traiter avec Israël. En effet, la question des relations avec l’Etat hébreu est l’une des plus sensibles. Comment, en effet, régir la coordination entre le pouvoir palestinien à Ramallah et les appareils israéliens ? Il est clair que la réconciliation palestinienne sera confrontée à de nombreux obstacles.
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