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Cameroun : Velléités indépendantistes dans la partie anglophone

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 02 octobre 2017

La tension est à son comble au Cameroun suite à la proclamation symbolique d’indépendance des partis anglophones du pays et aux incidents qui s'y sont suivis.

Cameron

Dimanche 1er octobre, les anglophones du Cameroun ont proclamé leur indépendance symbolique, une ambition qu’ils caressaient depuis des années. Mais de là à une vraie indépendance, le chemin est long. Car cette proclamation passe mal auprès des autorités camerounaises. Au moins sept personnes ont été tuées dans des incidents séparés qui ont eu lieu samedi et dimanche dans les régions anglophones du Cameroun, quadrillées par les forces de l’ordre camerounaises, en marge de la proclamation symbolique d’« indépendance » vis-à-vis de Yaoundé. Les séparatistes anglophones avaient choisi le 1er octobre, jour de la réunification officielle des parties anglophone et francophone du Cameroun, en 1961, pour proclamer unilatéralement cette « indépendance ». La déclaration symbolique d’« indépendance » a été faite sur les réseaux sociaux dimanche matin par Sisiku Ayuk, « président » de l’Ambazonie, du nom de la République séparatiste que les indépendantistes entendent créer. « Les habitants des régions anglophones ne sont plus des esclaves du Cameroun. Aujourd’hui, nous affirmons l’autonomie de notre héritage et notre territoire », a-t-il dit. Auparavant, Yaoundé avait pris des mesures fortes : couvre-feu instauré dans les deux régions anglophones, interdiction des réunions de plus de quatre personnes dans l’espace public et des déplacements entre les localités. L’accès à Internet y était perturbé depuis vendredi dernier, selon un journaliste de l’AFP, malgré les assurances données mercredi 27 septembre par le gouvernement qu’il n’y aurait pas de coupure d’Internet dans les régions anglophones.

A l’origine de ce désir séparatiste, le sentiment d’être victime d’injustice. Depuis novembre 2016 en effet, la minorité anglophone, qui représente environ 20 % des 22 millions de Camerounais, proteste contre ce qu’elle appelle sa « marginalisation » dans la société.

Or, le scénario de cette « indépendance » est catégoriquement rejeté par Yaoundé qui a déployé d’importantes forces de sécurité cette semaine dans les régions anglophones, notamment à Buea, chef-lieu du sud-ouest, et Bamenda, chef-lieu du nord-ouest, où plusieurs personnes ont été admises à l’hôpital de la ville dimanche, selon une source médicale, après des échauffourées entre les manifestants et la police. « Au moins, une personne a été blessée par balle » dimanche, selon une source proche des autorités sur place citée par l’AFP, qui a fait état d’une situation « très tendue ». A Bamenda, « les forces de sécurité ont dû recourir au gaz lacrymogène et parfois aux coups de feu pour disperser les manifestants », selon la source citée par l’AFP. Et, toujours selon l’agence de presse française, des habitants de Bamenda, contactés par l’AFP au téléphone, ont fait état de « tirs » par les forces de sécurité.

Les autorités pointées du doigt
Réagissant sur les réseaux sociaux, le président camerounais, Paul Biya, a condamné « de façon énergique tous les actes de violence, d’où qu’ils viennent, quels qu’en soient les auteurs », appelant au dialogue. Mais les positions sont antagonistes : certains anglophones exigent le retour au fédéralisme, une minorité réclame la partition du Cameroun, deux scénarios que Yaoundé ne veut pas entendre. Ainsi, nombreux sont ceux qui, au sein de la classe politique, estiment que l’intransigeance de Yaoundé ne fait qu’exacerber la crise. Cité par l’AFP, le vice-président du Social Democratic Front (SDF, principal parti d’opposition), Joshua Osih, s’est insurgé contre les « forces de l’ordre » qui « tirent à balles réelles sur les manifestants ». « Lever un drapeau ne mérite pas la mort », a-t-il déclaré tout en soulignant être contre toute sécession. « Depuis le début de la crise c’est le durcissement du gouvernement qui a radicalisé la population. Ils se sont rendu compte que les sécessionnistes ne sont pas que sur Facebook et qu’ils ne sont pas si minoritaires que ça. D’où une surréaction du régime qui est depuis une décennie sur la défensive », analyse Hans de Marie Heungoup, chercheur sur le Cameroun à l’ICG, également cité par l’AFP.

Exprimant son inquiétude, l’Union européenne a appelé cette semaine « tous les acteurs à faire preuve de retenue et de responsabilité ». Jeudi dernier, le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres, avait, lui, exhorté les autorités camerounaises « à promouvoir des mesures de réconciliation nationale » .

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