Les habitants des régions kurdes syriennes ont voté vendredi à l’occasion de leurs premières élections locales, un scrutin qui vient renforcer leur semi-autonomie acquise à la faveur du conflit qui ravage le pays. Estimés à 15 % de la population syrienne, longtemps opprimés sous le régime de Damas, les Kurdes ont profité de la guerre déclenchée en 2011 pour établir une autonomie de facto dans les territoires qu’ils contrôlent, dans le nord et nord-est syrien. Vendredi, les électeurs ont participé à des élections dites «
communales », organisées pour élire l’équivalent d’un comité dirigé par des «
maires ». Il s’agit de la première étape d’un scrutin en trois phases et qualifié de «
blague » par le régime de Bachar Al-Assad, mais qui, pour les Kurdes, sert à renforcer le système fédéral qu’ils ont adopté. En mars 2016, les territoires semi-autonomes avaient annoncé la création d’une «
région fédérale » composée de trois cantons : Afrine, dans la province d’Alep (nord), Fourat, entre Alep et la province de Raqqa (nord) et Jaziré, qui correspond à la province de Hassaké (nord-est). Le scrutin, dont les résultats ne sont pas encore sortis, devrait être dominé par le Parti de l’union démocratique kurde (PYD), principale formation kurde en Syrie — considéré, avec sa branche armée, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), comme une émanation en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan turc (PKK), classé «
organisation terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux.
Mais ce scrutin a surtout une valeur symbolique, même s’il n’aboutira à rien pour le moment. Les Kurdes syriens se défendent de toute velléité de partition. Cela dit, dans un contexte régional déjà en ébullition, ce scrutin passe mal. Si les Kurdes syriens font profil bas par rapport à leurs voisins iraqiens, ils poursuivent leur projet : le 3 novembre, les électeurs seront de nouveau appelés aux urnes pour un nouveau vote qui doit faire émerger des « conseils municipaux ». Le 19 janvier, ils éliront des conseils législatifs pour chaque canton, ainsi qu’une assemblée législative pour l’ensemble de la région fédérale. « Les Kurdes syriens veulent profiter de la guerre qui a ravagé le pays depuis 6 ans pour mettre fin à une situation dans laquelle ils se sont toujours considérés comme opprimés par le régime baassiste de Damas », explique un diplomate qui a requis l’anonymat. Mais il ajoute que « toute indépendance des Kurdes, soit en Iraq, soit en Syrie, est une ligne rouge pour la Turquie, et la position des Etats-Unis va être décisive à cet égard ».
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