L’armée mène depuis quelques mois une vaste campagne visant les fiefs terroristes dans le Sinaï.
Le terrorisme a de nouveau frappé. 18 policiers sont morts lundi 11 septembre, dans l’attaque d’un convoi des forces de sécurité dans le nord du Sinaï. Selon le ministère de l’Intérieur, une voiture a explosé au passage du convoi dans la ville de Bir Al-Abd, dans le nord de la péninsule. L’attaque s’est produite sur la route reliant Al-Qantara à Al-Arich, alors que les forces de sécurité menaient une opération de ratissage dans la zone. Un véhicule s’est introduit dans le convoi avant d’exploser, a indiqué le ministère. Des tireurs embusqués ont ensuite ouvert le feu, faisant également plusieurs morts et blessés, a ajouté le ministère. La police a ensuite bouclé le secteur pendant quelques heures. L’organisation terroriste Daech a revendiqué l’attentat via son agence de propagande Amaq, menaçant de multiplier les attaques contre les forces de sécurité et l’armée. Le Parquet général a, pour sa part, ouvert une enquête sur l’attentat. Des funérailles populaires et militaires seront organisées pour les victimes de cet attentat qui «
ne dissuadera pas l’Etat de poursuivre sa lutte contre le terrorisme coûte que coûte », selon le premier ministre, Chérif Ismaïl. «
La répétition de ces attentats terroristes nécessite une position internationale unie contre les pays qui abritent, financent et soutiennent le terrorisme », a souligné le premier ministre. Plusieurs pays ont condamné l’attentat, affirmant leur «
solidarité avec l’Egypte dans son combat contre le terrorisme », dont les Etats-Unis, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Arabie saoudite, le Koweït, la Jordanie, la Tunisie et l’Algérie. En Egypte, les forces politiques et le parlement ont de même dénoncé l’attentat, exprimant la détermination de l’Egypte à mener le combat contre le terrorisme jusqu’au bout.
Depuis la destitution en 2013 du président islamiste Mohamad Morsi, les groupes extrémistes multiplient les attaques contre la police et l’armée. C’est surtout au nord du Sinaï que les terroristes opèrent. Le groupe Province du Sinaï, loyal à Daech, a revendiqué la plupart des attaques terroristes. L’armée mène depuis quelques mois une vaste campagne visant les fiefs terroristes. La destruction d’un grand nombre de tunnels reliant Rafah à la bande de Gaza ainsi que l’installation d’une zone tampon aux frontières de Rafah sont d’autres mesures prises pour neutraliser la menace terroriste au nord du Sinaï, où les groupes terroristes essuient de lourdes pertes. Des centaines de terroristes ont été liquidés et des dizaines de dépôts d’armes ont été détruits.
Représailles
Selon l’expert sécuritaire Khaled Okacha, membre du Conseil national de lutte contre le terrorisme, cet attentat vient en représailles à la liquidation d’une cellule terroriste au Caire, dépendant du groupe Daech, dimanche 10 septembre, et qui planifiait des opérations terroristes d’envergure. « Les campagnes militaires dans le Sinaï et les coups sécuritaires adressés par les services de sécurité aux groupes et aux groupuscules terroristes ont fragilisé leurs capacités organisationnelles. C’est pourquoi ils cherchent à faire acte de résistance en commettant ces attentats retentissants », pense Okacha. Il affirme que les terroristes dans le Sinaï sont plus que jamais acculés grâce aux opérations militaires et sécuritaires réussies. « Il faut avouer que pour plusieurs raisons, il est impossible d’éviter à 100 % les attaques terroristes. Ces attentats ne sont pas synonymes de défaillance sécuritaire », estime l’expert, ajoutant qu’éradiquer le terrorisme du Sinaï « n’est pas une tâche simple comme on le pense ». Décryptant les raisons de la persistance de la menace terroriste dans le Sinaï en dépit des efforts déployés par les forces armées et la police, il estime que le terrorisme dans le Sinaï est lié au soutien financier et logistique fourni par certains pays aux groupes terroristes. « C’est une guerre dans le vrai sens du terme. Dans son combat contre les groupes et les groupuscules terroristes implantés dans le Sinaï, l’armée affronte maintes difficultés qui compliquent sa tâche. Entre autres la nature désertique et montagnarde du Sinaï, sa position frontalière avec la bande de Gaza où il existe des centaines de tunnels facilitant l’infiltration d’armes en provenance de Libye et de Syrie, sans oublier le financement et le soutien logistique fournis par des pays comme le Qatar et la Turquie », indique Okacha. Pour lui, même si la guerre s’annonce longue et compliquée, l’Egypte finira par vaincre le terrorisme.
L’écrivain sinawi Abdel-Qader Moubarak, cité par le quotidien Al-Wafd, a, quant à lui, fait un lien entre le timing de cet attentat et la visite cette semaine en Egypte d’une délégation du mouvement palestinien le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza, présidée par Ismaïl Haniyeh. La délégation du Hamas négocie maintes questions dont la coordination sécuritaire avec l’Egypte. Cherchant à améliorer ses relations avec Le Caire, le Hamas a entamé en juin dernier la construction d’une nouvelle zone tampon le long de la frontière sud avec l’Egypte. Cette zone de sécurité, large de 100 mètres, s’étendra sur 12 kilomètres le long de la frontière entre l’enclave palestinienne et l’Egypte, et sera équipée de caméras de surveillance et de postes militaires. Un dispositif visant à empêcher l’infiltration des combattants et des armes à travers les tunnels reliant Rafah à la bande de Gaza. « Avec cet attentat, Daech cherche à avorter toute chance de coordination sécuritaire entre Le Caire et le Hamas. La rupture entre Le Caire-Hamas est dans l’intérêt du groupe terroriste pour qu’il ne se voie pas privé d’une artère axiale lui permettant de se procurer des armes et des combattants », estime Moubarak.
Appel à la vigilance
Quels que soient les motifs de cet attentat, Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes, pense qu’il faut tirer les leçons de cet attentat pour éviter plus de victimes. Il ne nie pas l’importance des efforts déployés dans le Sinaï, mais cet attentat indique, selon lui, que malgré la liquidation de centaines de membres et leaders de Daech et malgré la campagne réussie menée par l’armée depuis 4 ans, ce groupe terroriste reste actif. « Il faut revoir l’ensemble de la stratégie sécuritaire en place et détecter les failles qui favorisent ces attaques. Il est surtout nécessaire de réviser les plans de déploiement et de sécurisation des forces dans le Sinaï. Lors de l’attentat de cette semaine, la voiture piégée a pu non seulement s’introduire au sein du convoi sécuritaire, mais aussi après l’échange de tirs avec les forces de sécurité, les terroristes ont attaqué les ambulances pour les empêcher de transporter les victimes. Cela montre qu’il n’y avait pas de points de renforts proches sur le lieu de l’attentat », analyse Ban. Il n’exclut pas non plus l’existence d’un lien entre les terroristes et les trafiquants d’armes et de drogue, ce qui explique, selon lui, le réarmement des groupes terroristes malgré les efforts des appareils de sécurité contre le trafic d’armes. Des données qui prouvent, selon Ban, que le terrorisme représente toujours une menace qu’il faut contrarier via une stratégie sécuritaire plus vigilante. « Même si le terrorisme a beaucoup régressé, la menace terroriste persiste. La mise en place d’une stratégie sécuritaire plus ferme et plus vigilante est indispensable », conclut Ban.
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