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Les verdicts de la justice sont-ils sacrés ?

Dimanche, 06 août 2017

Je ne sais exactement ni celui qui a dit que les verdicts de la loi étaient sacrés ni comment la société égyptienne a accepté cette idée. Si une parole prononcée par un juge est sacrée, qu’en est-il alors des paroles de Dieu ? Le juge est un être humain qui peut se tromper, il est donc courant qu’il soit prouvé que des verdicts sont erronés et ensuite corrigés par les instances suivantes.

Ce qui me pousse à penser de la sorte c’est le verdict dernièrement prononcé par un tribunal secon­daire à Alexandrie contre Dr Ismaïl Séragueddine, ex-directeur général de la Bibliothèque d’Alexandrie. Celui-ci a été jugé à 3 ans et demi de prison pour avoir commis une infraction aux statuts bureaucra­tiques gouvernementaux et qui ne devraient pas être appliqués à la Bibliothèque d’Alexandrie. Comme le fait d’avoir loué la café­téria sans adjudication comme il est habituellement fait dans les établis­sements gouvernementaux. Et aussi l’achat de véhicules pour la biblio­thèque dont le prix dépasse 1 mil­lion de L.E., une somme qui n’est pas très élevée en comparaison avec le prix de véhicules de marque beaucoup plus chers comme Ferrari, Jaguar ou Rolls Royce. Dr Ismaïl est également accusé d’avoir nommé des conseillers dont la bibliothèque n’avait pas besoin et d’avoir effectué des voyages privés aux frais de la bibliothèque. Qui, à part l’administration de la biblio­thèque, peut juger des besoins du travail alors que toutes les déci­sions sont révisées puis accréditées ou refusées par le conseil d’admi­nistration ? Et aussi qui d’autre peut juger de la nature des voyages et dire si le directeur général faisait des rencontres concernant la biblio­thèque ou bien faisait du ski aux Alpes ?

Dr Ismaïl Séragueddine ne fait pas partie des personnes qui atten­dent d’occuper un poste important pour partir à l’étranger ou pour se mettre au volant d’une voiture de luxe. Effectivement, l’ex-directeur général de la Bibliothèque d’Alexandrie a travaillé pendant de longues années à l’étranger et a occupé de nombreux postes émi­nents dont celui de vice-président de la Banque mondiale. Ce qui lui a permis de vivre dans un niveau de vie très élevé aux Etats-Unis, et ses enfants ont étudié dans les plus grandes universités américaines. Tout ceci, il l’a réalisé grâce à ses efforts personnels sans avoir besoin de se baser sur son arrière-plan familial. A-t-il laissé tout ceci pour venir en Egypte dans l’objectif de gaspiller les fonds publics dans une des plus grandes institutions égyp­tiennes qui occupe une position importante au niveau international ?

J’ai l’honneur d’être membre au Conseil des curateurs de la Bibliothèque d’Alexandrie, qui regroupe des souverains, des prési­dents, des ministres et des person­nalités éminentes, et je sais à travers les registres de la bibliothèque que Dr Ismaïl Séragueddine a fait un don de 3 millions de L.E. à cette institution. Et dans le musée de la bibliothèque se trouvent des tapis persans rares que Dr Ismaïl a offerts à la bibliothèque et qui font partie de la célèbre collection de son grand-père Dr Ali Ibrahim, qui pos­sédait une des plus rares collections de tapis au monde. De plus, il a offert toute la bibliothèque de sa mère qui était professeure célèbre de l’art islamique. Cette collection comprend des ouvrages rares qui constituaient un héritage familial très ancien.

Le savoir et la culture du Dr Ismaïl Séragueddine lui ont permis de réaliser une position internatio­nale éminente au point que quand le Burkina-Faso, et non l’Egypte, l’a présenté comme candidat à la direction de l’Unesco, 200 person­nalités internationales, dont 30 lau­réats de prix Nobel, avaient signé un communiqué de soutien pour lui. Et durant la dernière réunion du Conseil des curateurs à laquelle a assisté le président Abdel-Fattah Al-Sissi, tous les membres, sans exception, ont fait l’éloge des réa­lisations de Séragueddine à la bibliothèque pendant 15 ans. Et le président a assuré que l’Egypte ne lâchait pas ses hommes et qu’il fallait profiter de son expérience exceptionnelle. Effectivement à peine quelques jours se sont écou­lés que le président a annoncé que Dr Ismaïl était devenu membre du Conseil national pour la lutte contre le terrorisme. Et le Conseil des curateurs de la bibliothèque a décidé de créer un Centre de recherches et d’études portant le nom du Dr Ismaïl Séragueddine.

Il y a quelques jours, j’ai reçu un appel de la part d’un ami archéolo­gue français qui est passionné de l’Egypte et de son histoire. Celui-ci était très en colère après avoir lu dans la presse la nouvelle de la détention du Dr Séragueddine. Je lui ai alors assuré qu’il n’était pas en prison et que le verdict n’était pas final. Ce cher ami a exprimé sa volonté de témoigner devant le tri­bunal pour parler de la position internationale éminente du Dr Séragueddine et comment il a servi son pays à travers la direction d’un édifice grandiose. Puis il a dit : « l’Egypte n’est pas le pays du ter­rorisme et de la violation des droits de l’homme, c’est le pays de la civi­lisation, des arts et de la culture, le pays de Naguib Mahfouz, d’Ahmad Zoweil, de Youssef Chahine et d’Is­maïl Séragueddine, le pays des pyramides et de la Bibliothèque d’Alexandrie, il faut sauvegarder l’Egypte au lieu de permettre à ses ennemis de lui nuire ». Et là, je n’ai pas pu répondre.

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