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Terrorisme : S’attaquer aux racines du problème

May Al-Maghrabi, Mercredi, 02 août 2017

Le président de la République a annoncé la création d’« un Conseil national pour la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme ». Un dispositif salué par les spécialistes dans la mesure où il permettra de combattre le terrorisme sur plusieurs fronts.

Terrorisme : S’attaquer aux racines du problème
« Il faut combattre le terrorisme sur tous les fronts », a déclaré le président Al-Sissi.

Un « Conseil national pour la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme » vient d’être mis en place, le 26 juillet, par décret présidentiel, et ceci à un moment où le pays est confronté à une importante menace terroriste. L’idée de sa création était intervenue dans le sillage des attaques terroristes du 9 avril dernier contre deux églises coptes, faisant des dizaines de morts parmi les coptes. Le nouveau conseil a pour objectif de « limiter les causes du terrorisme et de traiter ses conséquences au niveau sécuritaire, idéologique et social », indique le décret présidentiel. Pour ce faire, le conseil adoptera « une stratégie nationale globale de lutte contre le terrorisme à l’intérieur et à l’extérieur. Il coordonnera avec toutes les instances concernées pour propager un discours religieux modéré, fournir des offres d’emploi aux jeunes, notamment aux zones frappées par le terrorisme, revoir les législations relatives au terrorisme et renforcer la coordination entre les différentes institutions sécuritaires et politiques en Egypte avec la communauté internationale, tout en oeuvrant à former une entité régionale pour la lutte contre le terrorisme et le crime organisé », selon le texte.

En vertu du décret, le président Abdel-Fattah Al-Sissi est censé convoquer le conseil à se réunir tous les deux mois ou en cas de besoin. Le nouveau conseil sera dirigé par le président de la République en personne. Il regroupe des ministères, des instances concernées de la lutte antiterroriste ainsi que des personnalités publiques. Citons parmi ses membres le premier ministre, le président du parlement, les ministres de la Défense, de l’Intérieur, de la Justice, de l’Education et de l’Enseignement supérieur, ceux des Waqfs, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse et du Sport. Il inclut aussi le chef du service de renseignements, celui de l’Organisme du contrôle administratif, le grand imam d’Al-Azhar, le pape de l’Eglise orthodoxe ainsi qu’un nombre des personnalités publiques et des experts en matière de la sécurité. Entre autres, l’ancien mufti Ali Gomaa, le poète Farouq Goweida, le politologue Abdel-Moneim Saïd, le spécialiste des groupes islamistes Diaa Rachwan, l’expert sécuritaire Khaled Okacha, l’ancien ministre de la Culture, Mohamad Ezz Al-Arab, ainsi que l’acteur Mohamad Sobhi.

Quelle portée ?

Khaled Okacha, membre du conseil et directeur du Centre national pour les études sécuritaires, se félicite de la composition « diversifiée » du nouveau conseil qui servira le but de sa création. Il se dit optimiste des portées envisagées de ce conseil qui élaborera une stratégie globale dans la lutte contre le terrorisme et pas uniquement une stratégie basée sur le facteur sécuritaire. « Les campagnes militaires et sécuritaires ont, certes, eu leurs fruits et ont pu endiguer le terrorisme. Mais dans ce combat, il faut savoir qu’on est aussi face à une idéologie et une doctrine et non pas simplement face à des éléments armés. Il est évident qu’il est nécessaire de s’attaquer à long terme au substrat idéologique qui nourrit le terrorisme », estime Okacha, selon lequel le combat idéologique est un axe primordial dans la lutte contre le terrorisme. « En parallèle avec les campagnes sécuritaires, il faut oeuvrer à corriger les fausses interprétations des textes religieux qu’utilisent les groupes terroristes pour recruter de nouveaux éléments », souligne l’expert. Il faut aussi savoir que le conseil sera en mesure de mettre des stratégies médiatiques visant à lutter contre le radicalisme. Okacha ajoute que le rassemblement de toutes les instances sécuritaires, politiques, religieuses et culturelles en une seule entité permet surtout d’assurer une meilleure coordination en vue de se doter d’une stratégie globale basée sur des informations exactes et des recherches approfondies.

Vision partagée par Ahmad Ban, spécialiste des groupes islamistes, qui note qu’il s’agit d’un pas important, même s’il a beaucoup tardé. Selon lui, l’étude de la nature de l’extrémisme violent et des moyens potentiels de lutte et de prévention est nécessaire pour focaliser au mieux les efforts des professionnels de la lutte antiterroriste. « Certes, la lutte est plus pressante que la prévention, car le besoin est immédiat. Ces groupes terroristes sont armés d’RBG, de roquettes ou de bombes, mais aussi des fausses idées religieuses dont ils sont convaincus. En prenant la police et l’armée comme cible, ces terroristes sont à 100 % convaincus qu’ils sont des apostats qu’il faut lutter contre eux. Face à de telles mentalités, la solution sécuritaire ne peut pas, à elle seule, éradiquer le terrorisme sans s’attaquer idéologiquement à leurs fausses convictions. Parce que, simplement, ces terroristes souhaitent la mort », décrypte Ban. C’est dans ce contexte qu’il juge important de « faire la distinction entre les programmes permettant de contrer les menaces immédiates et les efforts à long terme permettant de saper les fondations de l’extrémisme », ajoute-t-il.

A cet égard, la sociopolitologue Hoda Zakariya, membre du conseil, met en relief l’importance de la présence des pédagogues, des sociologues et des experts de la criminologie dans la composition du nouveau conseil. « Cela permettra d’effectuer des études approfondies sur les raisons de la prolifération du phénomène du terrorisme et les moyens d’y faire face. C’est ainsi que le mal pourra être traité à la racine », estime-t-elle.

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