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Idriss Ben Tayeb : Aucune partie ne sera exclue de la scène libyenne, à l’exception des terroristes

Samar Al-Gamal, Mercredi, 02 août 2017

Idriss Ben Tayeb, diplomate et chercheur libyen, estime que l'accord entre Al-Sarraj et Haftar, est une étape importante pour régler les différends entre le Conseil de l'Etat et le parlement.

Al-Ahram Hebdo : En quoi la rencontre sous l’égide du président français est-elle différente de la dernière rencontre entre les deux hommes à Abu-Dhabi ?

Idriss Ben Tayeb : Elle est très importante puisqu’elle a débouché sur un accord signé par Fayez Al-Sarraj et Khalifa Haftar.

— Mais il s’agit plutôt de promesses énoncées dans un communiqué et non pas d’un accord signé ...

— Cela fait office d’accord. Il s’agit d’un premier document depuis l’accord de Skhirat du 17 décembre 2011. C’est un communiqué de dix points et qui peut servir de feuille de route pour résoudre la crise libyenne, notamment sur les points qui font l’objet de différends entre les parties. C’est un pas vers la réconciliation, puisqu’il aborde la question majeure qui est la fin de la période de transition à travers des élections en 2018. Son importance provient aussi du fait qu’il coïncide avec l’aval accordé par la constituante, dimanche, à une version de la Constitution. Celle-ci a été remise au parlement qui doit plus tard promulguer une loi sur un référendum.

— Les 10 points du communiqué que la France cherche à faire entériner par le Conseil de sécurité de l’Onu remplacent-ils l’accord de Skhirat ?

— Je crois plutôt que c’est un prolongement de Skhirat, surtout que ce nouvel accord aborde les points de différends dans l’ancien accord comme l’article 8 contesté par le parlement (l’article délègue au gouvernement le contrôle des armes). Selon cette nouvelle entente, deux comités représentant le parlement et le Conseil de l’Etat vont ainsi se rencontrer pour discuter de ces clauses et les amender. Plus tard, un nouveau gouvernement sera probablement formé, pour remplacer le gouvernement intérimaire et préparer des élections au début de l’été 2018.

— Des pays voisins ou des pays occidentaux avaient tenté de discuter avec les différentes parties des points de discorde, mais sans succès. Quelle est la garantie que ce nouveau document changera la donne ?

— Ces médiations n’étaient pas neutres, elles représentaient tout le temps une seule partie et le parlement et le Conseil présidentiel ne se sont jamais rencontrés pour discuter face à face. Et le plus important point aujourd’hui serait l’application de l’article 35 de l’accord politique sur les dispositifs sécuritaires et le désarmement des milices, et l’incorporation de leurs membres dans l’armée. C’est une condition principale pour préparer le terrain aux élections.

— L’absence de pays comme l’Italie, la Grande-Bretagne et des pays arabes de la rencontre de Paris a-t-elle une signification selon vous ?

— L’Europe parle d’une seule voix, et l’Italie a immédiatement nié qu’elle est gênée par son absence. Rome et Londres coordonnent aujourd’hui devant l’Onu sur ce dossier. Quant aux pays du voisinage, ils ont déployé beaucoup d’efforts et ont largement pris leur temps mais sans parvenir à résoudre les différends. Il a fallu une nouvelle intervention.

— Emmanuel Macron est le premier président européen à rencontrer Haftar, est-ce une reconnaissance internationale de son rôle sur la scène libyenne ?

— Haftar est le commandant de l’armée et c’est son rôle. Il représente ainsi le côté militaire et Sarraj représente l’aspect politique. Haftar lui-même reconnaît désormais cette situation, et l’Europe en est aujourd’hui consciente. Haftar est une partie de la solution et non pas la solution, d’où cette nouvelle entente. Aucune partie ne sera exclue, à l’exception des groupes terroristes.

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