Points cardinaux de l'accord : la démobilisation des milices
et la constitution d'une armée régulière.
Kamel Abdallah*
Le 25 juillet dernier, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé la conclusion d’un accord entre les deux principaux rivaux de la crise libyenne : Al-Sarraj, le chef du gouvernement libyen d’entente national, et l’homme fort de l’est, et le commandant général de l’armée nationale de la Libye, maréchal Khalifa Haftar. Le président français a accueilli Al-Sarraj et Haftar dans un palais dépendant du ministre français des Affaires étrangères aux alentours de Paris. L’accord a pour but l’arrêt des hostilités en prélude à la tenue d’élections générales en Libye au prochain printemps. Plusieurs dossiers étaient également abordés, tels que l’intégration des militaires désireux d’adhérer aux institutions étatiques ainsi que la réconciliation nationale.
Cette rencontre entre Al-Sarraj et Haftar est la troisième depuis le début de 2017. La première a eu lieu au Caire en février, mais n’a pas été rendue publique après l’échec des tentatives de convaincre Haftar d’apparaître en compagnie d’Al-Sarraj dans les médias et son refus de signer un communiqué conjoint. La seconde a eu lieu à Abu-Dhabi sous le parrainage du prince souverain de l’émirat le plus engagé dans la crise libyenne, Mohamed Ben Zayed, qui soutient grandement Haftar. Alors que la troisième rencontre est le résultat d’une recommandation faite par Zayed aux Français au cours de sa récente visite à Paris.
Suite à la rencontre de Paris, le président Macron a annoncé l’accord des deux parties sur la nouvelle initiative présentée par la France, afin de promouvoir le processus de paix en Libye. Haftar considère que l’appui de la France est important, vu sa position internationale non négligeable et son statut de membre permanent du Conseil de sécurité. C’est d’ailleurs ce qui a été accentué dans les déclarations de Macron à la presse, selon lesquelles « Al-Sarraj détient la légitimité politique et Haftar la légitimité militaire ». Une déclaration qui vise à renforcer l’initiative française et qui servira plus tard de point d’appui à Haftar pour se défendre face à ses détracteurs qui n’hésitent pas à le taxer de terroriste appartenant aux organisations d’Al-Qaëda et de Daech. Ceci est en soi un indice de l’avenir de l’accord qui pourrait s’aligner aux côtés d’autres conclus dans d’autres capitales mondiales, et ainsi devenir caduc.
Outre cela, l’accord qui ressemble à ceux qui l’ont précédé comporte des formules sujettes à maintes interprétations dans ses clauses les plus importantes, surtout celles relatives au cessez-le-feu avec les non-terroristes. A noter également l’absence totale de solution pratique et technique pour faire appliquer ses 10 clauses. Rien non plus n’a été mentionné sur les moyens adéquats de traiter avec les deux camps supportant et s’opposant à l’accord. Ceci laisse prévoir que l’accord permettra à Haftar de poursuivre son combat armé contre ses adversaires tout en prônant la lutte contre le terrorisme. L’accord comporte des clauses permettant à Haftar de le violer facilement et à tout moment.
Bien que les engagements inclus dans l’accord soient supposés être une obligation pour Haftar, il n’en demeure pas moins que la formulation des clauses validée par la France, en présence d’un nouvel émissaire onusien en Libye, l’ancien ministre libanais, Ghassan Salamé, lui permet de se désengager de l’accord s’il le souhaite. Ce qui signifie que cette initiative risque de finir comme toutes les autres, c’est-à-dire avec peu de résultats. D’autant qu’après la rencontre de Paris, les deux parties n’ont pas mutuellement reconnu le titre officiel de l’autre. Ajoutons à cela que les conjonctures internationales et régionales ne sont pas favorables à la réussite d’un quelconque accord ou règlement en Libye.
Sur le plan international, la rencontre a eu lieu dans un climat plutôt tendu, ce qui a amené le président français à arranger la tenue d’un mini-sommet réunissant avec le premier ministre italien, Paolo Gentiloni, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre espagnol. Il est probable que cette rencontre, qui souligne à quel point le dossier libyen est devenu une préoccupation européenne, ait lieu fin août. Bien que le Conseil de sécurité ait annoncé dans son communiqué du 27 juillet son accueil favorable à la rencontre, il n’en demeure pas moins qu’il n’a rien proposé aux parties opposantes ayant profité de la poursuite des divergences en Libye.
En conclusion, je dirais que les initiatives proposées ne visent pas réellement à réaliser le règlement politique de ce pays déchiré par la guerre civile depuis sept longues années. Mais l’initiative pourrait être, en l’occurrence, un pas pour une restructuration de la scène libyenne. Un objectif qui sera difficilement réalisable à la lumière d’une compétition internationale et régionale de gestion de la crise. Cependant, il semble que ce sont les élections qui ont créé un consensus entre les différentes forces internationales l
*Chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques d'Al-Ahram
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