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Libye, un accord comme les autres

Mercredi, 02 août 2017

Etape vers la réconciliation ou initiative sans véritable avenir ? Al-Ahram Hebdo présente ici deux points de vue sur l’accord de Paris, conclu cette semaine entre le chef du gouvernement d’union national, Fayez Al-Sarraj, et le maréchal Khalifa Haftar.

Libye, un accord comme les autres
Points cardinaux de l'accord : la démobilisation des milices et la constitution d'une armée régulière.

Kamel Abdallah*

Le 25 juillet dernier, le président français, Emmanuel Macron, a annoncé la conclusion d’un accord entre les deux principaux rivaux de la crise libyenne : Al-Sarraj, le chef du gouvernement libyen d’entente national, et l’homme fort de l’est, et le commandant général de l’armée nationale de la Libye, maré­chal Khalifa Haftar. Le président français a accueilli Al-Sarraj et Haftar dans un palais dépendant du ministre français des Affaires étran­gères aux alentours de Paris. L’accord a pour but l’arrêt des hosti­lités en prélude à la tenue d’élections générales en Libye au prochain prin­temps. Plusieurs dossiers étaient également abordés, tels que l’inté­gration des militaires désireux d’ad­hérer aux institutions étatiques ainsi que la réconciliation nationale.

Cette rencontre entre Al-Sarraj et Haftar est la troisième depuis le début de 2017. La première a eu lieu au Caire en février, mais n’a pas été rendue publique après l’échec des tentatives de convaincre Haftar d’ap­paraître en compagnie d’Al-Sarraj dans les médias et son refus de signer un communiqué conjoint. La seconde a eu lieu à Abu-Dhabi sous le parrainage du prince souverain de l’émirat le plus engagé dans la crise libyenne, Mohamed Ben Zayed, qui soutient grandement Haftar. Alors que la troisième rencontre est le résultat d’une recommandation faite par Zayed aux Français au cours de sa récente visite à Paris.

Suite à la rencontre de Paris, le président Macron a annoncé l’accord des deux parties sur la nouvelle ini­tiative présentée par la France, afin de promouvoir le processus de paix en Libye. Haftar considère que l’ap­pui de la France est important, vu sa position internationale non négli­geable et son statut de membre per­manent du Conseil de sécurité. C’est d’ailleurs ce qui a été accentué dans les déclarations de Macron à la presse, selon lesquelles « Al-Sarraj détient la légitimité politique et Haftar la légitimité militaire ». Une déclaration qui vise à renforcer l’ini­tiative française et qui servira plus tard de point d’appui à Haftar pour se défendre face à ses détracteurs qui n’hésitent pas à le taxer de terroriste appartenant aux organisations d’Al-Qaëda et de Daech. Ceci est en soi un indice de l’avenir de l’accord qui pourrait s’aligner aux côtés d’autres conclus dans d’autres capitales mon­diales, et ainsi devenir caduc.

Outre cela, l’accord qui ressemble à ceux qui l’ont précédé comporte des formules sujettes à maintes interprétations dans ses clauses les plus importantes, surtout celles relatives au cessez-le-feu avec les non-terroristes. A noter également l’absence totale de solution pra­tique et technique pour faire appli­quer ses 10 clauses. Rien non plus n’a été mentionné sur les moyens adéquats de traiter avec les deux camps supportant et s’opposant à l’accord. Ceci laisse prévoir que l’accord permettra à Haftar de pour­suivre son combat armé contre ses adversaires tout en prônant la lutte contre le terrorisme. L’accord com­porte des clauses permettant à Haftar de le violer facilement et à tout moment.

Bien que les engagements inclus dans l’accord soient supposés être une obligation pour Haftar, il n’en demeure pas moins que la formula­tion des clauses validée par la France, en présence d’un nouvel émissaire onusien en Libye, l’ancien ministre libanais, Ghassan Salamé, lui permet de se désengager de l’ac­cord s’il le souhaite. Ce qui signifie que cette initiative risque de finir comme toutes les autres, c’est-à-dire avec peu de résultats. D’autant qu’après la rencontre de Paris, les deux parties n’ont pas mutuellement reconnu le titre officiel de l’autre. Ajoutons à cela que les conjonctures internationales et régionales ne sont pas favorables à la réussite d’un quelconque accord ou règlement en Libye.

Sur le plan international, la ren­contre a eu lieu dans un climat plutôt tendu, ce qui a amené le président français à arranger la tenue d’un mini-sommet réunissant avec le pre­mier ministre italien, Paolo Gentiloni, la chancelière allemande, Angela Merkel, et le premier ministre espagnol. Il est probable que cette rencontre, qui souligne à quel point le dossier libyen est deve­nu une préoccupation européenne, ait lieu fin août. Bien que le Conseil de sécurité ait annoncé dans son communiqué du 27 juillet son accueil favorable à la rencontre, il n’en demeure pas moins qu’il n’a rien proposé aux parties opposantes ayant profité de la poursuite des divergences en Libye.

En conclusion, je dirais que les initiatives proposées ne visent pas réellement à réaliser le règlement politique de ce pays déchiré par la guerre civile depuis sept longues années. Mais l’initiative pourrait être, en l’occurrence, un pas pour une restructuration de la scène libyenne. Un objectif qui sera diffici­lement réalisable à la lumière d’une compétition internationale et régio­nale de gestion de la crise. Cependant, il semble que ce sont les élections qui ont créé un consensus entre les différentes forces interna­tionales l

*Chercheur au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques d'Al-Ahram

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