Constatant que la situation en Libye continue à représenter une menace pour la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité a adopté, jeudi, la résolution 2 362 qui proroge le mandat du groupe d’experts sur l’embargo des armes imposé à la Libye jusqu’au 15 novembre 2018. Ce prolongement dévoile l’impasse politique qui sévit en Libye, que la nomination d’un nouvel envoyé spécial onusien, le Libanais Ghassan Salama, est loin de débloquer. Le plan de paix et la carte d’entente libyenne avaient été établis par l’ancien envoyé du secrétaire général des Nations-Unies, également libanais, Tarek Mitri, après les élections de juin 2012. Mitri avait alors essayé de rassembler quelques-unes des parties en conflit, avant l’explosion de la situation politique et sécuritaire en mai 2014, mais il n’a pas réussi à mettre en place une approche claire.
Son successeur, Bernandino Leon, a mené un long processus de négociation donnant naissance à une feuille de route, qui représente les caractéristiques les plus importantes de la scène libyenne, à savoir le Conseil présidentiel et le Conseil suprême de l’Etat, ainsi que les arrangements de sécurité mis en place à Tripoli et ses environs. C’est Leon lui-même qui avait développé l’accord de Skhirat et travaillé sur ses différentes versions avant que son successeur, Martin Kobler, n’achève la tâche et ne parvienne à signer la version finale de l’accord par certaines des parties impliquées dans le conflit et non pas tous, en décembre 2015 au Maroc.
Cinq envoyés spéciaux depuis 2011
Cinq envoyés spéciaux du secrétaire général de l’Onu ont prêché dans le désert libyen depuis la nomination, dans la foulée des événements de février 2011, du Jordanien Abdelilah Al-Khatib. Le nouvel envoyé prend ses fonctions à un moment extrêmement difficile de la crise libyenne. Le Parlement n’a pas ratifié l’accord de Skhirat et a également refusé de donner confiance au gouvernement formé par le Conseil présidentiel à deux reprises, ce qui limite l’autorité réelle du Conseil exécutif émanant de Skhirat à la seule capitale, en dépit du soutien de la plupart des villes de l’Ouest et du Sud. Le Parlement et l’armée continuent à adopter une attitude hostile à l’accord et ses résultats. Le maréchal de l’Est, Khalifa Haftar, s’oppose aux milices ralliées à Fayez Al-Sarraj, le premier ministre, appuyé par la communauté internationale. Les efforts déployés pour rapprocher les deux hommes se sont avérés jusqu’à présent inutiles. Il semblerait que l’atmosphère optimiste qui a prévalu après leur rencontre à Abu-Dhabi se soit dissipée. Haftar, encouragé par ses avancées militaires à Benghazi et dans le sud, a ralenti un peu ce rapprochement et il semblerait qu’il ait été encouragé à ne pas faire les concessions promises à Abu-Dhabi.
Un autre conflit oppose le général Haftar au chef du parlement, Aquila Saleh, surtout que ce dernier s’oppose à la militarisation du pouvoir et insiste sur l’idée d’une entente avec une transition pacifique. Il rejette de facto le transfert du pouvoir à un conseil militaire sous le commandement de Khalifa Haftar comme gouverneur militaire du pays. Haftar, lui, insiste sur l’option militaire comme seule issue à la crise. Ses partisans vont même jusqu’à avancer l’idée de le nommer comme roi pour répondre aux idées lancées par des tribus libyennes appelant à restaurer la royauté et à nommer un successeur à l’ex-roi Senoussi. Les trois protagonistes, Serraj, Haftar et Saleh, ont accepté, sur initiative des députés du parlement, de tenir une réunion tripartite pour tenter un ultime rapprochement. Aucune lueur d’espoir n’est pourtant à l’horizon. L’accord politique lui-même est agonisant, le parlement a épuisé les possibilités d’extension et il n’existe dans l’accord aucune clause qui donne une légitimité à une extension des institutions, y compris le Conseil présidentiel. Cela dit, le nouvel envoyé onusien se trouvera dans une situation critique qui risque de ramener le dossier libyen à la case départ.
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