
Les Etats-Unis ont envoyé des signaux montrant qu'ils ne lâchaient pas totalement le Qatar.
Lorsque la crise a éclaté le 5 juin, sur fond d’accusations de terrorisme contre Doha, l’Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et Bahreïn avaient donné 14 jours aux Qatari pour quitter leurs territoires. Refusant de répliquer à l’identique, le Qatar vient de déclarer que les détenteurs de passeports de ces pays, (ils seraient 11 000 selon des chiffres officiels de Doha), peuvent rester dans l’émirat. « Doha ne prendra pas de mesures contre des résidents du Qatar possédant la nationalité des pays ayant rompu les relations ou réduit leurs relations diplomatiques avec l’Etat du Qatar, sur fond de campagnes hostiles et tendancieuses », selon un communiqué officiel. Répondant à ces décisions, les autorités d’Arabie, des Emirats et de Bahreïn ont légèrement assoupli leur position. Elles ont donné des directives pour que soient pris en compte des cas humanitaires de familles mixtes, susceptibles d’être séparées en raison de la crise.
Un mini-apaisement de façade. Car au-delà de ces mesures, les tensions restent vives. En effet, les nouveaux amis du Qatar ont commencé à agir. Tout d’abord, l’Iran, ennemi juré de l’Arabie, a annoncé avoir envoyé des tonnes de fruits et de légumes vers le Qatar, un pays qui dépend principalement de l’importation. Un geste par lequel Téhéran se positionne clairement avec l’ennemi de son ennemi. Depuis le début de la crise, l’Iran a également ouvert son espace aérien aux vols vers et en provenance du Qatar. Selon les responsables iraniens, une centaine d’avions supplémentaires traversent le ciel d’Iran, soit une augmentation de 17 % des vols internationaux, selon un responsable de l’aviation civile, cité par l’agence officielle Irna.
Téhéran pêche donc en eaux troubles. Pourtant, officiellement, l’Iran prône un règlement basé sur le dialogue pour régler la crise. Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Ghasemi, avait affirmé dans un communiqué que la résolution des différends entre le Qatar et ses voisins du Golfe n’était possible que par des moyens politiques et pacifiques et un dialogue franc entre les parties. Officieusement, Téhéran compte bien tirer partie de cette crise. « L’Iran est devenu le premier pays à aider et soutenir le Qatar, il saisit toutes les occasions pour s’opposer à son principal adversaire régional, l’Arabie saoudite. Il saute sur l’occasion pour montrer qu’il est en position de force et qu’il est plus puissant. Mais ce n’est pas tout. L’Iran a aussi d’importants liens économiques avec ce petit émirat, surtout dans le domaine du gaz naturel. Il cherche donc aussi à protéger ses intérêts », explique Dr Ahmad Youssef, politologue et directeur du Centre des recherches et des études arabes et africaines au Caire.
Autres pays qui essayent de soutenir cet émirat : la Turquie et la Russie. Considérée comme le principal soutien de Doha, la Turquie a appelé le Qatar et ses voisins à mettre fin à la crise avant la fin du mois du Ramadan. En même temps, le parlement turc a approuvé le déploiement de troupes turques sur une base au Qatar en vertu d’un accord de 2014. La Russie, quant à elle, s’est mise en avant pour appeler au dialogue et éviter l’escalade. « Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’une situation où les relations entre nos partenaires se détériorent », a déclaré le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, en recevant son homologue qatari, samedi 17 juin. Lavrov avait de même affirmé au secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, qu’il soutenait l’initiative de Washington. Ce dernier avait appelé Riyad et ses alliés à alléger le blocus. Mais plus tard, le président Donald Trump avait cependant adopté un ton plus ferme, exhortant Doha à arrêter immédiatement de financer le terrorisme. La position américaine est donc un peu hésitante, car le Qatar héberge une immense base militaire américaine cruciale dans la lutte contre le groupe Etat islamique. En effet, après quelques jours de négociations tacites, les Etats-Unis ont envoyé des signaux montrant qu’ils ne lâchaient pas totalement le Qatar. Deux navires de l’US Navy sont arrivés au port Hamad, au sud de Doha, pour « participer à un exercice conjoint avec la marine » du Qatar, a indiqué le ministère de la Défense de ce pays. Parallèlement, le Pentagone a annoncé que le secrétaire américain à la Défense, Jim Mattis, et son homologue qatari, Khaled Al-Attiyah, avaient conclu un accord pour la vente d’avions de combat F-15. « La vente (d’un montant) de 12 milliards de dollars va donner au Qatar une technologie de pointe et augmenter la coopération sécuritaire entre les Etats-Unis et le Qatar », a indiqué le ministère de la Défense .
Lien court: