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Quatre secteurs menacées

Mercredi, 14 juin 2017

Quel sera l'impact économique de la crise diplomatique avec le Qatar ? Quatre secteurs-clés soulèvent désormais des inquiétudes : l'aviation, le secteur bancaire, le gaz naturel et les expatriés égyptiens.

Qatar Airways perd du terrain
Le Qatar n'a pris jusqu'ici aucune mesure contre les ressortissants égyptiens travaillant sur son territoire. Le gouvernement égyptien suit de près la situation.

Un comité d'urgence pour les travailleurs égyptiens

Les Egyptiens travaillant au Qatar s'inquiètent sur leur avenir suite à l'annonce de la rupture des relations diplomatiques entre Le Caire et Doha, ainsi que la suspension des vols entre les deux pays. « Nous craignons pour notre avenir, les Egyptiens ici ont peur d'être expulsés ou de se voir appeler par leur gouvernement à rentrer en Egypte, même si jusqu'à présent, rien n›a changé pour les travailleurs égyptiens », s'inquiète Mahmoud Gomaa, professeur égyptien au Qatar.

Ces craintes ne sont pas justifiées. Le Qatar n'a annoncé aucune mesure contre les ressortissants égyptiens, et le gouvernement égyptien a fait plusieurs déclarations visant à calmer les expatriés au Qatar, dont le nombre est estimé à 300 000. En plus, le gouvernement a formé un comité d'urgence de cinq ministères pour suivre leur situation. « Le comité d'urgence est en état d'alerte pour étudier toute décision possible de la part de Doha », a déclaré Mohamad Saafan, ministre égyptien de la Main-d'oeuvre. L'attaché de la Main-d'oeuvre à l'ambassade égyptienne au Qatar, Hicham Mohamad Kamel, a publié un communiqué niant les rumeurs autour d'une suspension des nouveaux contrats des travailleurs égyptiens. « Ne faites pas attention aux nouvelles publiées sur les réseaux sociaux ou les sites Internet qui publient des allégations.

Ces nouvelles n'ont aucun fondement, aucune déclaration officielle n'a été faite par le gouvernement qatari à cet égard », a-t-il souligné dans un communiqué, ajoutant que la délivrance des permis de travail émis pour la première fois ainsi que le renouvellement de contrats se poursuivent en Egypte, ainsi qu'à notre ambassade à Doha. Il explique que normalement durant cette période de l'année, soit la fin de l'année scolaire, les employeurs mettent fin à certains contrats, mais le gouvernement qatari a suspendu l'annulation des contrats pour le moment, de crainte qu'elle ne soit liée à la crise actuelle. Ce qui inquiète le plus les Egyptiens résidant au Qatar est la suspension de vols. Beaucoup de travailleurs visitent l'Egypte actuellement à l'occasion du mois du Ramadan et du petit Baïram. Le ministre de la Main-d'oeuvre avait déclaré au début de la crise que l'Egypte était prête à accueillir les Egyptiens travaillant au Qatar et à leur fournir des emplois. Cela dit, « le retour des employés égyptiens du Qatar affectera sans doute le marché du travail en Egypte qui est déjà restreint », affirme Ibrahim Awad, président du Centre des études sur la migration et les réfugiés à l'Université américaine du Caire. Cependant, il ajoute que ni l'Egypte ni le Qatar ne sont signataires des conventions internationales qui protègent les droits des employés. « Tout semble se passer normalement, mais l'on ne sait pas ce que l'avenir pourrait apporter », s'inquiète le jeune professeur.

Marwa Hussein

Gaz naturel : Un impact limité

Le flux de gaz naturel depuis le Qatar ne sera pas affecté par la crise diplomatique entre le petit émirat et ses voisins du Golfe d’une part et l’Egypte d’autre part. Le petit émirat du Golfe est le plus grand producteur mondial de Gaz Naturel Liquéfié (GNL), il exporte principalement son gaz vers l’Europe et l’Asie. Le Japon, l’Inde et la Corée du Sud sont ses trois plus grands clients. En outre, un tiers des importations de gaz du Royaume-Uni provient de ce petit Etat du Golfe.

Ces pays dépendent du gaz du Qatar et ne parviendront pas à s’en passer. « Le Qatar exporte surtout du gaz naturel liquéfié principalement à travers des navires et non à travers des pipelines, donc il serait difficile qu’un pays quelconque parvienne à les arrêter », explique Magdi Sobhi, vice-président du Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Sobhi ne prévoit pas un impact de la crise sur les prix. « Et si les prix sont affectés cela ne va pas durer longtemps, car il s’agit d’un différend diplomatique et non d’une guerre », explique-t-il. Or, le Qatar exporte également du gaz aux Emirats arabes unis qui importe le tiers de ses besoins en gaz de son voisin qatari. Jusqu’à présent, le flux de gaz qatari n’a pas été coupé et continue dans le pipeline sous-marin reliant les deux pays du Golfe en passant par Oman, qui n’a pas rompu ses relations diplomatiques avec le Qatar. Le pipeline achemine quotidiennement deux milliards de pieds cubes de gaz. Sans le gaz du Qatar, les Emirats sombreraient, à moins que le pays ne puisse remplacer le carburant qatari par un gaz naturel liquéfié plus cher.

Qatar Airways perd du terrain

Qatar Airways perd quatre de ses plus importants clients au Moyen- Orient. La compagnie aérienne qatari subit les conséquences directes de l’isolement diplomatique de Doha. L’Egypte, l’Arabie saoudite, les Emirats et Bahreïn, rejoints ensuite par d’autres pays, ont annoncé le 5 juin la rupture de toute relation diplomatique avec le Qatar. Les quatre pays ont ainsi décidé de fermer leurs espaces aériens, maritimes et terrestres au riche émirat. Un coup dur porté au géant Qatar Airways, l’une des compagnies les plus précieuses du riche émirat gazier. Ses avions se voient interdits l’accès à l’espace aérien de plusieurs pays voisins, et à leurs aéroports. Qatar Airways, dont la flotte dépasse les 180 appareils et qui opère dans les cinq continents, a annoncé dès le 6 juin avoir suspendu sine die tous ses vols vers ces quatre Etats, invitant les passagers ayant réservé des vols en provenance ou en direction de ces pays à récupérer leur argent. « La perte de l’espace aérien de l’Arabie saoudite, de Bahreïn et des Emirats affecterait sérieusement Qatar Airways », explique une étude établie par le centre CAPA pour l’aviation. D’après ce dernier, les pilotes des avions Qatar Airways se trouvent contraints désormais de modifier leurs itinéraires habituels pour s’adapter à ces décisions. Pour un vol à destination de la Jordanie, par exemple, le pilote doit passer par le seul couloir aérien offert par Bahreïn, qui donne accès à l’espace aérien iranien puis celui d’Iraq permettant ainsi de rejoindre la Jordanie.

Un trajet très long alors que, jadis, un passage par l’espace aérien saoudien suffisait. Pour un vol en direction du Maroc ou du sudouest de l’Europe, la mission est encore plus difficile pour Qatar Airways depuis Doha. La compagnie nationale qatari sera contrainte de survoler la Somalie, à l’est de l’Afrique pour éviter l’embargo aérien saoudien, égyptien et libyen. « Ce détournement va augmenter évidemment les coûts et rallonger la durée des vols », conclut l’étude de CAPA. Toujours selon cette étude, le Qatar est doté d’un très petit espace aérien, encerclé totalement par celui de Bahreïn, de l’Arabie saoudite et des Emirats. L’interdiction de survol faite à Qatar Airways comprend également les vols de transit passant par les aéroports de ces quatre pays, ce qui a entraîné une perturbation des vols asiatiques et intercontinentaux de la compagnie, contrainte d’annuler, de retarder ou de détourner ces vols.

Perte de marchés importants

Avant la crise, Qatar Airways réalisait chaque jour 25 vols à destination ou en provenance des Emirats, 20 vols de ou vers 9 villes d’Arabie saoudite, 5 de ou vers l’Egypte et 6 de ou vers Bahreïn. « La compagnie qatari avait la part du lion des vols dans la région. Mais l’embargo actuel révèle la vulnérabilité de la compagnie ainsi que du Qatar », analyse l’expert aérien, Chérif Al-Manawi. Selon lui, la superficie réduite du Qatar, sa faible population et son petit espace aérien mettent la compagnie à la merci des turbulences politiques dans la région. Selon CAPA, l’Arabie saoudite et les Emirats représentent les deux plus grands marchés de la compagnie qatari, même devant les Etats-Unis et l’Inde. Chaque semaine, plus de 67 000 passagers choisissent la compagnie qatari. « La perte de ces marchés va coûter très cher à la compagnie qatari », révèle l’expert .

Hossam Rabie

La QNB reste en Egypte

Dès l’annonce de la rupture des relations avec le Qatar, nombreux sont les clients de la QNB (Qatari National Bank) à s’être inquiétés et à s’être précipités vers les différentes succursales de la banque. Les plus inquiets, comme Ahmad, s’est empressé de retiter son argent pour le déposer dans une autre banque. « Il faut prendre ce pas pour conserver mes épargnes », note-t-il, en exprimant son inquiétude vis-à-vis des retombées de la décision de la coupure des relations diplomatiques entre l’Egypte et le Qatar sur les activités de la banque au Caire. Ahmad fait partie de ces milliers de clients de la seule banque qatari opérant en Egypte, et qui ont défilé pour liquider leurs dépôts. Une réaction aux rumeurs qui circulaient et selon lesquelles les échanges financiers entre les banques égyptiennes et qatari, ainsi que l’échange du riyal qatari en Egypte allaient s’arrêter.

Pour mettre fin aux rumeurs et calmer la situation, le gouverneur de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), Tareq Amer, les a niées en bloc. « Tout ce qui a été publié à ce propos est tout a fait faux », a assuré le gouverneur de la BCE le jour de la rupture des relations, en adressant un message aux clients de la banque QNB Al-Ahly. « Tous les dépôts des clients au sein de la banque sont sûrs et sous la supervision de la BCE ». De même, un communiqué de presse a été publié par la BCE, précisant que la « QNB est une société anonyme égyptienne qui possède la licence d’opérer en Egypte sous le contrôle de la BCE. La banque jouit d’une position financière forte et s’engage à offrir tous les services financiers à ses clients sans exception ». Le communiqué a aussi nié l’imposition de restrictions sur l’échange de la monnaie qatari en Egypte. « Le riyal est l'une des devises officielles échangées librement en Egypte », selon le communiqué.

La publication de ce communiqué a calmé un peu les inquiétudes des clients de la banque rendant l’activité au sein des filiales de la banque presque normale. « Les retombées de la décision politique ne sont pas significatives sur les échanges au sein de la banque. Nous essayons autant que possible de calmer les titulaires des comptes », a noté à l’Hebdo le directeur d’une des filiales de la banque préférant garder l’anonymat. QNB Al-Ahly (ex NSGB) a été acquise par la banque gouvernementale qatari QNB en décembre 2012 dans une transaction dépassant 1,5 milliard de dollars. D’après le site de la Bourse égyptienne, la banque a réalisé des profits nets de 1,2 milliard de L.E. pendant le premier trimestre de 2017 (de janvier à mars) contre 904 millions de L.E. durant la même période de l’année dernière, soit une hausse de 39 %.

Gilane Magdi

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