Al-Ahram Hebdo : Comment analysez-vous ce dernier attentat de l’Etat Islamique (EI) à Minya ?
Khaled Oukacha : Cet attentat est un nouveau drame qui marque le renforcement de l’organisation terroriste Daech à l’intérieur de l’Egypte. L’organisation cherche désormais à s’étendre vers le Delta et dans d’autres gouvernorats du pays. Ce dernier acte révèle que ces groupes terroristes ont une stratégie précise et sont bien entraînés.
— Comment expliquez-vous que cet attentat survient quelques jours après le sommet antiterroriste tenu à Riyad ?
— Ce n’est bien sûr pas un hasard. Cet attentat vient répondre au Sommet arabo-américain tenu à Riyad, qui a donné lieu à la formation d’un nouveau front arabe pour combattre le terrorisme. Il vient provoquer le président Abdel-Fattah Al-Sissi au moment précis où il a annoncé la lutte contre le terrorisme sous toutes ses formes.
— La méthode utilisée dans ce dernier attentat représente-t-elle une évolution de la tactique de l’EI ?
— Certes. Cette opération a été planifiée dans ses moindres détails. Ses auteurs ont étudié la région, ses routes, ses accès ainsi que la présence sécuritaire. C’est ainsi qu’ils ont pu choisir le lieu et le moment adéquats pour attaquer le bus. Ils ont ouvert le feu sur ce dernier à un lieu désertique où il n’y a ni réseau téléphonique ni postes de sécurité. Pire encore, grâce à leur observation de la zone, ils ont pu entrer et sortir de la scène du crime sans être inquiétés.
— Pourquoi les coptes sont-ils devenus la nouvelle cible des attaques terroristes ?
— Ces groupes terroristes visent les coptes pour tenter de déstabiliser le pays. D’une part, ils cherchent à frapper l’unité nationale entre musulmans et chrétiens pour créer des affrontements confessionnels. De l’autre, ils veulent discréditer les efforts de la lutte contre le terrorisme que mène l’Etat.
— Comment expliquez-vous l’augmentation des actes terroristes hors Sinaï, dans le Delta et en Haute-Egypte ?
— L’augmentation des actes terroristes en Haute-Egypte est due à la prolifération d’éléments terroristes, de trafiquants de drogue et d’armes bédouins qui opèrent dans le désert entre Minya et la Haute-Egypte, et près de la frontière avec la Libye.
— Pourquoi ces frontières ne sont-elles pas sécurisées ?
— Nous ne pouvons pas fermer les frontières et les sécuriser à 100 %. Même un pays comme les Etats-Unis n’arrive pas à maîtriser totalement ses frontières. Il faut ajouter que les forces armées font de plus en plus d’efforts pour sécuriser ces espaces. Seulement il faut également que le pays limitrophe participe à cet effort sécuritaire, et malheureusement, la situation en Libye ne le permet pas.
— Le président Al-Sissi a, à maintes reprises, appelé à agir contre les pays qui soutiennent le terrorisme. Qui sont ces pays ?
— On sait très bien par exemple que le Qatar soutient les Frères musulmans et les organisations terroristes, et qu’il est suspecté de soutenir le terrorisme au Yémen, en Libye, en Egypte et en Syrie.
— L’Egypte est engagée dans une guerre sans merci contre le terrorisme. Que lui reste-t-il à faire pour venir à bout de ce phénomène ?
— Le terrorisme, devenu un phénomène mondial, nécessite une coopération internationale et une stratégie globale capable d’assécher les ressources du terrorisme et de poursuivre les pays qui le soutiennent. C’est dans cet effort conjugué que l’Egypte réussira à mettre un terme au terrorisme. Car, en effet, si le terrorisme frappe à l’aveugle partout dans le monde c’est à cause de l’inertie de la communauté internationale. Après que l’ex-administration Obama eut été accusée de soutenir des organisations terroristes, l’Egypte voit en la nouvelle Administration de Donald Trump un climat propice à un combat international contre le terrorisme.
— Le président Abdel-Fattah Al-Sissi a appelé à punir les pays qui soutiennent le terrorisme. Que pensez-vous de cette position ?
— On ne peut lutter efficacement contre le terrorisme sans s’attaquer à ses origines et assécher ses ressources. En fermant les yeux sur les pays qui financent, soutiennent et abritent des groupes terroristes, on permet leur prolifération. C’est pourquoi il est en effet temps de punir les pays qui soutiennent le terrorisme comme l’a assuré le président Abdel-Fattah Al-Sissi.
— Pouvez-vous nous décrire la forme que prendra, d’après vous, cette coopération internationale, et la façon dont certains pays seront punis ?
— La coopération est prioritairement une coopération militaire et d’échange d’information. La peine imposée aux pays finançant le terrorisme serait premièrement l’isolement de la communauté internationale. Ils pourraient subir des blocus et des sanctions de la part des Nations-Unies et seraient jugés devant les instances internationales comme la Cour pénale internationale.
— Pensez-vous que le moment soit favorable pour mettre en place ces sanctions ?
— Oui, c’est le moment idéal, et c’est pour cela que l’Egypte est si active. En mettant en place ces sanctions, nous allons lutter efficacement contre le terrorisme et y mettre un terme.
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