Ces femmes qui se parlent, de Takideen.
A défaut de trouver un public savourant les arts plastiques contemporains au Soudan, Mutaz Elemam a choisi de résider en Egypte depuis 2004. Né en 1971, il insiste souvent, dans ses multiples interviews, sur la pauvreté du marché de l’art dans son pays natal et sur les règles « communautaires » qui régissent les ventes dans ce domaine. Il a alors jugé que l’Egypte voisine serait une terre propice à son travail, tout comme Al-Assmaa Takideen qui y est venue faire des études en beaux-arts, vers 1999. Et depuis, elle n’a jamais voulu quitter. Née en 1981 au Koweït, de mère turque et de père syrien, Takideen a dû faire ses premiers pas professionnel grâce à la manifestation Salon des jeunes, en 2012, servant comme pépinière à pas mal d’artistes locaux et régionaux. Avec Elemam, elle partage le même sentiment d’appartenance quant à sa terre d’accueil et de prédilection. En fait, tous les deux se disent parfaitement intégrés au sein du monde artistique. Lui, il expose au Printemps des artistes des êtres asexués qui peuvent être de n’importe où, mais qui demeurent très africains quand même, notamment de par leurs couleurs criardes. Quant à Takideen, elle montre des femmes et toujours des femmes qui ont un côté assez contemporain, mais cela se voit qu’elles viennent de cette région du monde. Et c’est à elle de raconter : « Mon père a toujours eu beaucoup d’admiration pour l’Egypte, très riche culturellement. Une fois sur place, nous avons ouvert à Maadi une galerie spécialisée en art arabe : design d’intérieur, accessoires, vêtements, etc ».
Takideen rejette le modèle qui exprime exclusivement des sentiments de souffrance, de misère et de guerre. L’artiste favorise plutôt la peinture du monde intime des femmes, avec des protagonistes aux regards intrigués. Elles ont l’air de chuchoter entre elles, de se raconter des choses.
Un fleuve, sans conflits
De même, Elemam est loin de faire écho direct aux conflits qui ont ravagé le Soudan. Tout est paisible, dans ses peintures abstraites. En 2010, il a dû faire un voyage de trois mois, traversant l’Ouganda, l’Ethiopie et la Somalie, pour peindre les scènes du Nil, le plus long fleuve du monde qui relie l’Egypte au Soudan. Dans Printemps des artistes, il a alors exposé une oeuvre intitulée Le Fleuve, un fleuve tranquille ne faisant place ni aux conflits ni au chaos.
Elemam aime se balader dans les rues du centre-ville cairote. L’ambiance n’est pas sans lui rappeler sa terre d’origine, le Kassala, au nord-est du Soudan, lorsqu’il dégustait un bon café traditionnel, au pied du mont Totil. Il habite et travaille, cependant, loin de ce Caire cosmopolite d’autrefois, puisqu’il a installé son atelier dans le nouveau quartier de Haram City, au 6 Octobre. Takideen, pour sa part, vit bien entourée de la communauté très cosmopolite de Maadi. « Cela me donne l’impression de vivre dans l’Egypte d’autrefois. J’aime aussi le centre-ville. Encore étudiante, j’avais l’habitude de me balader à pied, faisant régulièrement le trajet entre Zamalek, où il y a la faculté des beaux-arts, et le centre-ville, abritant tant de galeries », conclut-elle, comme pour résumer son train de vie .
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