Al-ahram hebdo : Le mouvement Al-Ghad vient de tenir un congrès au Caire. Y a-t-il un lien entre la conférence de votre groupe et celle qui a regroupé l’opposition en Turquie ?
Monzer Aqbiq : La conférence du Caire n’a aucun lien avec celle de Turquie. Notre congrès était une réunion des différentes forces politiques syriennes. C’était donc une conférence spéciale qui a pu réunir un grand nombre de représentants de plusieurs factions et orientations politiques. Nous nous sommes tous mis d’accord pour trouver une issue à la crise syrienne en insistant sur la nécessité de mettre fin immédiatement aux combats. Nous revendiquons un règlement politique basé sur les résolutions et les plans de paix issus des conférences de Genève et des résolutions du Conseil de sécurité. Les participants ont décidé aussi de contacter les autres mouvements et partis de l’opposition pour s’unifier et s’organiser. Nous essayons aussi de rassembler le plus grand nombre d’opposants syriens pour coordonner nos efforts, afin de devenir un front uni et de réaliser la paix pour notre pays. Nous travaillons actuellement sur la tenue, au cours de cette année, d’une conférence qui rassemblera toute l’opposition syrienne sur une seule table de négociation. Nous espérons tenir ce sommet avant la prochaine conférence de Genève.
— Oui, mais dans l’état actuel des choses, est-il possible d’avoir une opposition syrienne unie ?
— L’opposition syrienne représente notre société. Elle représente toutes les factions et les communautés qui existent dans notre pays. C’est pour cela qu’elle est multipartite. Et tout ce que l’on veut, c’est que la vie politique en Syrie inclut tous les représentants de la société. Auparavant, la politique était un tabou, elle était interdite et limitée à une seule famille et son entourage. Et le régime a toujours appliqué une politique de division entre les opposants. Notre rôle aujourd’hui est d’écarter nos différends, coordonner nos positions, surtout en ce qui concerne les négociations de paix et le sort de Bachar Al-Assad. Ainsi, nous étudions les causes qui nous ont empêchés de construire une force armée organisée et capable de lutter contre le régime. L’inexistence de cette force a eu une influence négative sur la révolution syrienne et a provoqué une extension de la crise. Cela a aussi donné l’occasion au régime de combattre brutalement les Syriens qui réclamaient juste le changement.
— Y a-t-il des contacts ou une certaine coordination entre l’opposition de l’intérieur et celle de l’extérieur ?
— En effet, pour la première fois, des représentants de factions sont venus de Syrie pour assister à la conférence qui s’est récemment tenue au Caire. Et c’est un changement révélateur et significatif qui nous pousse à poursuivre notre stratégie. On essaye d’influencer la communauté internationale à travers les moyens légitimes. Nous oeuvrons avec la communauté internationale pour faire des pressions sur le régime de Bachar. Nous avons présenté des concessions aux médiateurs pour prouver à la communauté internationale nos bonnes intentions, nous sommes prêts à négocier jusqu’à l’obtention d’un règlement politique.
— Mais comment pouvez-vous, en tant que parti d’opposition siégeant à l’étranger, faire pression sur les vrais acteurs de la crise syrienne ?
— On ne possède pas de moyens de pression sur la communauté internationale, on ne possède que notre insistance et notre persévérance. En même temps, il est important de montrer à la communauté internationale que la crise syrienne a dépassé les frontières syriennes, avec la crise des réfugiés, l’extension du terrorisme, etc. En prenant conscience de cela, la communauté internationale a compris qu’il est de l’intérêt de tous de mettre fin à la guerre en Syrie. Reste maintenant les vrais actes.
— A ce sujet justement, le processus de Genève piétine. Qu’attendez-vous donc de la prochaine rencontre à Genève ?
— On est conscient qu’on est loin d’arriver à des résultats. Au contraire, la prochaine réunion de Genève sera difficile car le régime de Bachar Al-Assad poursuit ses crimes contre le peuple syrien. Mais on compte sur une entente entre les deux grandes puissances, la Russie et les Etats-Unis. Un éventuel accord entre eux fera pression sur le régime afin d'accélérer les négociations et d’aboutir à une vraie avancée.
— Cela dit, tout porte à croire, à l’heure actuelle, que Bachar n’est pas près de partir ...
— Bachar est le premier coupable dans cette catastrophe, c’est lui qui a entraîné la Syrie dans cette guerre pour protéger ses propres intérêts. Maintenant, il refuse de présenter des concessions ou d’accepter une transition politique ou un partage de pouvoir. Le règlement politique proposé par certains acteurs internationaux inclut un rôle pour Bachar, au moins pendant une période de transition. Et pour le moment, ceci est refusé par certains camps dans l’opposition. On travaille donc actuellement avec toutes les parties pour trouver une issue à ce point d’achoppement.
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