Vendredi, 20 septembre 2024
Dossier > Dossier >

Mohamed Mégahed: «Nous avons besoin de plus de transparence »

Samar Al-Gamal, Mardi, 23 avril 2013

Mohamed Mégahed, ancien vice-président des services de renseignements et directeur adjoint du Centre des études du Moyen-Orient au Caire, affirme que le ministère de l’Intérieur a commis des erreurs dans le Sinaï.

Mohamed Meguahed

Al-Ahram Hebdo : Cela fait plus de 30 ans que l’on parle de développement du Sinaï. Mais aujourd’hui, le bilan est maigre. Pourquoi selon vous ?

Mohamed Mégahed : Parce qu’aucun des plans de développement n’a été mis en oeuvre. Le Sinaï souffre d’un vide démographique et sécuritaire et d’un manque d’intérêt international. La péninsule assume le fardeau d’un appui égyptien à la question palestinienne et du coup d’une exportation des problèmes de la bande de Gaza vers ce territoire égyptien. L’Etat égyptien a, au fil des années, bâclé la création d’infrastructures, la réinsertion des habitants et l’éducation de la société. Les projets sont restés lettre morte, surtout dans le nord. Le tourisme qui s’est développé dans le sud n’a pas son équivalent de développement dans le nord.

— Comment justifiez-vous cet abandon d’une région aussi importante sur le plan sécuritaire et stratégique ?

— La marginalisation est le mal dont souffrent toutes les régions frontalières en Egypte. Cette absence de vision stratégique dans tout le pays est d’ailleurs la raison de la chute du régime. Dans le Sinaï, particulièrement, les divers plans n’ont jamais été mis en oeuvre, même si on peut citer la fondation d’une université ou d’une cimenterie. Et lors des dix dernières années, ce statut d’abandon a été renforcé par une multiplication des activités djihadistes, poussant à une confrontation avec l’armée.

— Le Sinaï reste une région tribale. Pourtant, les chefs de tribus ont été, eux aussi, marginalisés. Comment l’expliquez-vous ?

— Les renseignements militaires avaient tendance à les considérer comme une sorte de rempart et ils connaissaient bien le poids des chefs de tribus, surtout que les soldats avaient longtemps vécu auprès des tribus. Mais depuis le transfert du dossier vers le ministère de l’Intérieur et la Sûreté d’Etat, les choses ont changé. La police ne connaissait pas toutes les spécificités de la région, et les tribus ont été souvent pointées du doigt, vu surtout l’augmentation de la contrebande. Des affrontements entre habitants et policiers ont marqué le quotidien.

— Cette relation a-t-elle changé avec la chute de Moubarak et de son très influent ministre de l’Intérieur ?

— Un des atouts de la révolution de janvier 2011 est qu’elle a attiré l’attention vers le Sinaï et l’importance de traiter le dossier d’une manière plus approfondie. La question désormais est de savoir comment régler la question des frontières.

— Comment peut-on parler des frontières et de l’éradication de la contrebande si les habitants du Sinaï n’ont pas d’autres ressources pour vivre ?

— La sécurité doit aller de pair avec un début de développement. De nouvelles idées sont en cours d’examen, dont surtout celle de créer un troisième gouvernorat dans le centre du Sinaï.

— Pensez-vous qu’il y ait une contradiction entre la vision de la présidence et celle de l’armée sur la question ?

— Les arrestations ne font pas l’unanimité, mais tous s’accordent sur l’importance de régler la question sécuritaire. Pas question de faire marche arrière. Alors y a-t-il un ralentissement ? Je ne sais pas mais les indices le démontrent. Il y a eu une médiation menée par des dirigeants salafistes demandant à l’armée de cesser ses opérations pour laisser le champ libre à une négociation avec les tribus. Cela a-t-il touché les opérations militaires ? L’armée confirme que non. Mais personne ne dévoile les détails. Je crois que nous avons besoin de plus de transparence.

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique