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Une législation aux contours flous

Chahinaz Gheith et Abir Taleb, Lundi, 22 avril 2013

Depuis l’époque du roi, l’atteinte au chef de l’Etat est inacceptable. Il existait en effet le délit d’« atteinte à la personne d’Effendina ». Plus tard les Constitutions de 1956 et de 1971 ont rendu quasi impossible toute critique du président de la République. L’ancien président Sadate a même fait promulguer une loi en mai 1980 sur « la protection des valeurs et de l’éthique », qui visait à le protéger lui-même contre toute critique.

Si la critique du chef de l’Etat a toujours été une ligne rouge en Egypte, les libertés d’expression et de presse n’ont jamais été totalement respectées. Pourtant, la nouvelle Constitution de 2012 garantit les libertés de pensée et d’expression. Mais l’article 48 de cette même Constitution autorise les tribunaux à fermer les médias qui ne « respectent pas le caractère sacré de la vie privée des citoyens et les impératifs de la sécurité nationale ». Des termes vagues qui laissent la porte ouverte à tous les dépassements. Ainsi, selon le syndicaliste Yéhia Qallash, « la nouvelle Constitution est catastrophique au niveau des libertés, il y a un véritable recul à propos de ce sujet. De même, le texte est vague et confus, ce qui permet d’instaurer un système autoritaire, opposé au principe même de liberté. En fait, ce qui caractérise le plus la loi égyptienne à ce sujet est le manque de précision et l’utilisation d’une panoplie d’articles en vue de réprimer les libertés ».

Ainsi, le flou des cadres juridiques définissant le délit de presse conjugué à l’arbitraire des réactions de l’Etat rendent les libertés garanties par la Constitution presque inexistantes. Et les journalistes ne savent jamais quand le couperet tombera, ni comment, ni où. Pis encore, en vertu du code pénal en vigueur en Egypte, les journalistes peuvent être poursuivis pour divers délits. L’éventail des chefs d’accusation susceptibles de peines de prison, sur la base de l’article 179 du code pénal égyptien, est large : diffamation, insulte à la religion, incitation au chaos, diffusion de fausses nouvelles de nature à déstabiliser l’Egypte.

D’ailleurs, selon le magistrat Nabil Abdel-Latif, le même article en plus de l’article 128 qui sanctionne tout individu ayant porté atteinte à la personne du président, au Parlement, à la justice, aux autorités ainsi qu’aux institutions nationales, « constituent une véritable limite au droit à l’humour, intrinsèquement lié à la liberté d’expression ».

L’article 215, lui, fait disparaître le Conseil suprême de la presse, un organe élu, au profit d’un Conseil national des médias chargé de mettre en place « des mécanismes d’encadrement et des réglementations garantissant l’engagement des médias en faveur du respect de critères professionnels et éthiques ». Et il y a aussi l’article 216 qui prévoit la création d’une autre agence des médias, l’Association nationale de la presse et des médias. Mais, selon le Comité de protection des journalistes, cette disposition ne précise ni le mode de désignation des membres de cet organe, ni comment les médias respecteront les « critères éthiques » susmentionnés.

En tout, selon un nouveau rapport publié par le Réseau arabe pour l’information sur les droits de l’homme (ANHRI), le code pénal égyptien renferme au moins 77 articles relatifs à la liberté d’expression.

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