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Péril humanitaire et duels politiques

Abir Taleb avec agences, Mercredi, 19 avril 2017

Tandis que la violence contre les civils continue, et que l'offensive sur Raqqa se prépare, la situation sur le terrain reste périlleuse, et le bras de fer se poursuit entre les acteurs régionaux, engagés dans le conflit en Syrie.

Péril humanitaire et duels politiques
112 personnes sont mortes dans un attentat suicide contre un bus transportant les évacués, samedi dernier. (Photo : AFP)

Plus de 100 personnes ont péri dans un attentat sui­cide mené samedi 15 avril contre des bus transportant des personnes éva­cuées de localités syriennes loya­listes, selon un nouveau bilan de l’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH) fourni dimanche 16 avril. L’attentat a eu lieu alors que se poursuivait le processus d’évacuation de milliers de per­sonnes de diverses zones assiégées de la Syrie, en vertu d’un accord signé par le Qatar, soutien de la rébellion, et de l’Iran, allié du prési­dent Bachar Al-Assad. Les per­sonnes évacuées se sont retrouvées bloquées durant des heures samedi 15, prisonnières de leurs bus, près d’Alep, la grande ville du nord, et incapables d’arriver à leurs destina­tions finales, en raison de désac­cords entre les parties adverses. C’était le moment qu’a choisi un kamikaze pour faire exploser sa camionnette piégée à côté des 75 bus transportant des personnes éva­cuées de Foua et de Kafraya, deux localités pro-régime, causant un carnage. La télévision syrienne d’Etat a imputé aux « groupes ter­roristes » — terme utilisé par le régime pour désigner rebelles et djihadistes —la responsabilité de cet attentat. « Nous rejetons toutes les accusations mettant en cause l’opposition pour ce crime haineux. Notre rôle était d’assurer la sécu­rité des civils, pas de les tuer », a rétorqué le groupe rebelle Ahrar Al-Cham sur Twitter.

Peu après cette attaque sanglante, le processus d’évacuation a repris, a précisé l’OSDH. Les personnes évacuées des villes rebelles de Madaya et Zabadani sont reparties de la zone de Ramoussa, près d’Alep, où ils étaient bloqués sous le contrôle du régime. Les quelque 5 000 personnes de Foua et Kafraya — civils et combat­tants — doivent être réinstallées près de Damas et dans la province de Lattaquié (ouest), places fortes du régime, tandis que les 2 200 de Madaya et Zabadani doivent rejoindre la province rebelle d’Idleb. Un déplacement de popula­tion que le régime a proposé après des mois de siège, mais qui est dénoncé par l’opposition comme des « transferts forcés » constituant « des crimes contre l’humanité ».

Réunion des alliés de Damas

C’est dire que la situation sur le terrain est loin de s’améliorer, et qu’elle traduit une fois de plus les tiraillements entre les parties régio­nales prenant part au conflit. Tout comme le bras de fer qui oppose les grandes puissances, à savoir les Etats-Unis et la Russie quant à l’avenir de la Syrie. Un bras de fer qui s’est poursuivi cette semaine, une dizaine de jours après la frappe surprise américaine contre des posi­tions du régime du président syrien, Bachar Al-Assad, en représailles à l’utilisation présumée, par les forces de Bachar, de l’arme chimique. A ce sujet, la Russie a critiqué, vendredi 14 avril, l’Orga­nisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) pour son incapacité à enquêter sur le terrain en Syrie sur l’attaque chimique pré­sumée de Khan Cheikhoun, souhai­tant que des experts américains et russes se joignent à l’enquête. « Il est inacceptable que (l’OIAC) ana­lyse ce qui s’est passé à distance », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères. M. Lavrov estime par ailleurs qu’une enquête « transparente » de l’OIAC néces­site l’apport « d’experts indépen­dants, de groupes supplémentaires d’experts qui représenteront les pays de la région, la Russie, les Etats-Unis et l’Europe ».

Ces déclarations ont été faites lors d’une conférence de presse à Moscou conjointe entre les chefs de la diplomatie russe, iranien et syrien. Une façon pour le front pro-Bachar de montrer son unité, suite à la frappe américaine de la semaine dernière.

Les FDS s’approchent de Raqqa

Des combattants soutenus par Washington sont arrivés samedi 15 avril aux portes de Tabqa, ville du nord de la Syrie contrôlée par le groupe Etat Islamique (EI) et située sur la route menant à Raqqa, véritable objectif des forces anti-djihadistes. Il s’agit d’une importante avancée des Forces Démocratiques Syriennes (FDS) — alliance de combattants kurdes et arabes — car Tabqa, située à 55 km à l’ouest de Raqqa, représente une ligne de défense stratégique pour la « capitale » de l’EI. Les FDS « sont désormais à quelques centaines de mètres de Tabqa », ville proche du plus grand barrage de Syrie, situé sur l’Euphrate, a indiqué à l’AFP Rami Abdel-Rahmane, directeur de l’Ob­servatoire Syrien des Droits de l’Homme (OSDH). Une source mili­taire des FDS a affirmé que les « affrontements sont à leur paroxysme » et que les combattants anti-djihadistes « tentent de pénétrer par l’est et l’ouest de la ville ». Début avril, les FDS étaient déjà parvenues à encercler la ville, se positionnant à quelques kilomètres de Tabqa. La ville était un important quartier géné­ral des leaders de l’organisation ultra­radicale et abritait sa plus importante prison, où auraient été incarcérés des otages occidentaux. La bataille de Tabqa fait partie de l’offensive « Colère de l’Euphrate » lancée en novembre dernier par les FDS pour reprendre Raqqa. Avec le soutien aérien de la coalition internationale menée par Washington et des conseillers au sol, elles sont parvenues à couper les principaux axes de com­munication de la ville avec l’extérieur. Les Etats-Unis ont même déployé une batterie d’artillerie des Marines en Syrie pour soutenir cette offensive.

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