« Je n’arrête jamais de rêver, j’ai encore plein d’idées et de projets à réaliser pour mes compagnies et pour le tourisme en général ». C’est ce que dit John Georges Siokas, surnommé Yanni par ses proches, avec un trop plein d’enthousiasme. Ce Gréco-Alexandrin porte dans son coeur les deux pays. C’est l’une des figures de la communauté grecque d’Alexandrie, il a été président de leur association pendant 6 ans, et aujourd’hui encore, il n’hésite pas à rendre service à ses concitoyens. Outre son rôle au sein de cette communauté, John est aussi un homme d’affaires hors pair.
Né en 1969, il est l’enfant unique d’une famille grecque, dont le grand-père, boulanger, est arrivé à Alexandrie en 1912, lors des guerres des Balkans. Il fait donc partie de la 3e génération. Son père, Georges, qui a fait des études en économie, a travaillé comme fonctionnaire dans une grande compagnie de transport maritime. Un domaine qui a fasciné non seulement le père mais aussi le fils. C’est après la nationalisation du Canal de Suez et le départ d’Egypte du propriétaire de cette société que le père s’est associé à un autre Grec. Tous deux sont ainsi devenus les propriétaires de cette compagnie.
En 1978, après une période difficile de guerres, cette compagnie a connu un véritable essor au point de devenir une entreprise internationale. C’est aussi pendant cette période que la famille a acquis la nationalité égyptienne et que John termina ses études secondaires. Bien qu’il ait eu l’opportunité de poursuivre ses études supérieures en Grèce (il était le premier de sa promotion), il a choisi de rester en Egypte, au sein du noyau familial, et d’étudier le génie à l’Université d’Alexandrie. Ambitieux, John avait la ferme volonté de réussir et surtout de réaliser ses ambitions. Après sa graduation, il a travaillé dans plusieurs usines de plastique jusqu’au jour où il a ouvert sa propre usine. « C’est le domaine dans lequel je voulais évoluer, mais un jour, mon père m’a demandé d’accompagner un groupe de touristes, et là, j’ai été captivé par le monde du tourisme. J’ai alors décidé de m’y engager ».
Commencer au bas de l’échelle
Cependant, son père ne lui a pas facilité la tâche et le traitait non pas comme le fils du propriétaire mais comme n’importe quel travailleur. John a donc commencé au bas de l’échelle comme un simple employé et a dû travailler dur pour s’affirmer professionnellement. Ce n’est qu’au début des années 1990 qu’il se lance, seul, dans le tourisme. Aujourd’hui, il est l’un des plus grands noms dans ce domaine à Alexandrie. Mais ce n’est pas tout. C’est un vrai businessman. Il continue de posséder des actions dans la compagnie fondée par son père, possède sa propre compagnie (720 paquebots) qui a une antenne en Grèce, et une chaîne de restaurants. « Ce qui me rend triste, c’est que tous les responsables du tourisme en Egypte ignorent l’importance du tourisme de croisière et du transport maritime. Or, un avion ne peut ramener qu’une centaine de touristes alors qu’un paquebot des milliers de passagers », explique-t-il.
Très compétent dans son domaine, Siokas voit que l’Egypte, avec ses potentiels touristiques, peut devenir un véritable leader dans ce domaine. « La Grèce accueille 20 millions de touristes pour un pays de 10 millions d’habitants. Mon rêve est que l’Egypte atteigne le seuil des 180 millions de touristes par an ». Le mot-clé qui a fait sa réussite, comme lui-même le dévoile, c’est mettre la main dans la pâte comme tout le monde. Pour lui, ses travailleurs sont tous indispensables. Il est le patron de 610 employés et ouvriers, et dit n’avoir renvoyé aucun, ni baissé leur salaire : « En ce qui concerne mon personnel, je ne peux le sacrifier quelles que soient les conditions. Tout d’abord, parce que ces personnes ont beaucoup donné lors des moments de prospérité et puis le travail va sûrement reprendre un jour. En plus, ce n’est pas facile de recruter de nouvelles personnes ». Depuis son jeune âge, on l’a toujours appelé le khawaga, mais pour John, ce n’est qu’un titre rappelant son origine. Autrement, il mène une vie comme tout autre Alexandrin tout en gardant sa spécificité de Grec. « Je ne peux jamais oublier le jour où tous les membres de ma famille se sont retrouvés dans la maison de mon père, après des dizaines d’années de séparation. L’émotion était si forte, elle reflétait les véritables sentiments de la diaspora grecque ». Les enfants de John, qui font partie de la quatrième génération grecque vivant à Alexandrie, sont dispersés dans les quatre coins du monde soit pour étudier ou travailler. « Ce sont les nouvelles règles de la mondialisation qui obligent les gens à émigrer pour améliorer leurs conditions de vie », conclut-il.
Lilika Pandelis : Je suis toujours à la recherche de la force qui me permet d’aider les autres
Très jeune, à quatre ans à peine, Lilika perd son père. Dès lors, elle apprend à endosser de nombreuses responsabilités. Au fil des années, elle devient la personne sur qui on peut toujours compter, et ce parcours l’a amenée à devenir la présidente de l’Association hellénique scientifique, Ptolémée premier. Bien qu’elle ait un frère et une soeur, sa mère a toujours compté sur elle. Erini Lilika Pandelis a toujours vécu à Alexandrie. Son père, originaire de l’île de Chios, est venu s’installer dans la perle de la Méditerranée dès l’âge de 13 ans au début du XXe siècle. Il rêvait de vivre dans la ville d’Alexandre le Grand et du poète Cavafy. Avant de mourir, il réalise son rêve, celui de devenir l'un des noms grecs les plus célèbres de la ville. Il a longtemps travaillé dans le commerce des matériaux de construction, possédait des immeubles, des garages, une station de service, des dizaines de voitures, et plusieurs felouques. « Je n’ai jamais compris pourquoi ma mère m’avait choisie pour gérer des affaires d’adultes. Peut-être parce qu’elle a découvert que je portais le caractère et la personnalité de mon père qui était tenace, audacieux et plein de volonté », déclare Lilika. Très jeune, la jeune femme s’est retrouvée responsable des clés, de la gestion des affaires familiales et a vite été au courant des importants secrets de famille. Elle s’est adonnée corps et âme à la gestion des affaires de son père jusqu’à présent. Une grosse responsabilité qui ne l’a pas empêchée de réaliser son propre rêve, celui de devenir dentiste. Après avoir achevé ses études secondaires dans deux écoles d’Alexandrie, une française et une anglaise, Lilika est partie étudier 2 ans en Grèce (lors de la guerre de 1967 et celle de 1973).
Aujourd’hui séparée de son mari et mère de trois enfants vivant tous loin d’elle, sa détermination et son courage n’ont pas affaibli. Bien au contraire, ses problèmes personnels, en plus de ses responsabilités à l’égard de l’héritage de son père, l’ont poussée à devenir une experte en droit, sans avoir fait d’études particulières dans ce domaine. « Lorsque j’ai senti que je pouvais perdre un procès devant les tribunaux, je me suis mise à lire et à faire des recherches pour apprendre le droit et approfondir mes connaissances dans ce domaine », explique Dr Lilika, car c’est bien comme cela que tout le monde l’appelle, aussi bien les Egyptiens que les membres de sa communauté. Sociale, bien éduquée et maîtrisant quatre langues, elle s’intéresse aux problèmes privés ou publics et est présente un peu partout : au tribunal, au commissariat, à la Bibliothèque d’Alexandrie, dans la Cathédrale. Lilika est très appréciée et ses qualités personnelles, ses connaissances juridiques et sa nature entreprenante l’ont amenée à devenir présidente de l’Association hellénique scientifique, Ptolémée premier, fondée il y a plus de 109 ans. Cette association s’intéresse aux sciences, à l’art et à la culture et joue un rôle important dans la vie sociale et culturelle de la diaspora grecque d’Alexandrie. L’association continue encore aujourd’hui à organiser régulièrement des colloques et des conférences qui rassemblent des experts et des membres de la communauté grecque ainsi que ceux des autres communautés. Bien qu’elle ait une vie chargée de responsabilités, Lilika ne s’est jamais plainte de son rythme de vie. Au contraire, pour elle, cette suractivité est une source d’inspiration et d’énergie : « Je suis toujours à la recherche de la force qui me permet d’aider les autres ».
« Personnellement, j’ai voulu protéger de l’expropriation et de la négligence les propriétés de mon père acquises à la sueur de son front. Et du côté public, je suis toujours présente pour soutenir ceux qui ont besoin d’aide », conclut Lilika. Celle-ci a des rêves plein la tête pour l’association qu’elle préside et qu’elle considère comme une rescapée de cette Alexandrie cosmopolite d’antan, où vivaient ensemble des gens de plusieurs nationalités qui transmettaient la science et les cultures au monde entier.
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