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Les pauvres payent le prix

Dahlia Réda, Lundi, 15 avril 2013

Les impôts sur les acquisitions et les dividendes ne verront finalement pas le jour. Une orientation perçue par les économistes comme une consécration du libéralisme au détriment des classes défavorisées.

Les pauvres
Les investisseurs ont bien accueilli l'annulation des taxes sur les acquisitions. (Photo: Reuters)

La commission économique et financier du Conseil consultatif (Chambre haute du Parlement) a finalement décidé de renoncer aux 10 % d’impôt sur les acquisitions, les offres d’achat dépassant 50 % de la valeur boursière et les dividendes distribués aux actionnaires. L’annulation « sera discutée d’ici un mois maximum et il est prévu qu’elle soit approuvée », déclare Gamal Hechmat, représentant du Parti Liberté et justice et membre du Conseil consultatif. Paradoxalement, cette loi n’est pas entrée en vigueur.

L’Organisme des impôts, qui réclamait il y a deux mois à Orascom Construction and Industries (OCI) un impôt sur la vente de l’une de ses filiales, cherchait à donner l’impression que le texte avait été validé. Le gouvernement égyptien avait pris pour cible OCI pour le règlement rétroactif d’un impôt de 14,7 milliards de L.E. sur la vente de sa branche ciment au français Lafarge en 2007.

« C’était le début de la mise en oeuvre de cette politique visant à satisfaire les revendications du FMI qui sollicitait une véritable réforme du système d’imposition afin de combler le déficit budgétaire et d’obtenir le prêt de 4,8 milliards de dollars », note Gamal Hechmat Abdallah Chéhata, conseiller du ministre des Finances, a surpris le marché, le 8 avril, en revenant sur la volonté de faire passer cet impôt. Il justifie ce renoncement par le fait que le secteur boursier a beaucoup souffert ces deux dernières années. « La Bourse souffre d’une pénurie de liquidités et d’une vague de ventes », note Chéhata. Il affirme que le montant qu’aurait dû rapporter cet impôt pourra être facilement remplacé par d’autres sources de revenus : « Le gouvernement a plusieurs choix pour compenser la perte de ces recettes, mais nous ne sommes pas encore prêts à les faire connaître ».

Ce retournement a été mal perçu par les économistes qui aspiraient à ce que le régime mette en place de nouvelles règles garantissant plus de justice sociale.

Beaucoup estiment que le régime islamique soutient le libéralisme. Cet impôt aurait été susceptible de rapporter entre 3 et 4 milliards de L.E. par an, d’après Moustapha Abdel-Qader, viceprésident de l’Organisme des impôts. « Je suis contre l’annulation de cet impôt. L’investisseur qui procède à une acquisition en Egypte, s’il ne paye pas l’impôt ici, il le paiera dans son pays. Alors pourquoi l’exempter ? », s’interroge Abdel-Qader. Hani Tawfik, PDG de Naeem Holding pour l’investissement, estime que les motifs derrière la volonté de mettre en place cet impôt étaient avant tout politiques et que le gouvernement visait à obtenir un soutien populaire. Alia Al-Mahdi, professeur d’économie, estime que ce revirement est une consécration du capitalisme « favorisant les intérêts des institutions financières accomplissant les acquisitions, au détriment de plus de 25 % de la population qui vit en dessous du seuil de pauvreté ».

Elle accuse par ailleurs le gouvernement de privilégier les intérêts des pays du Golfe. « Les rachats de BNP Paribas et de EFG-Hermes par les Emirats arabe unis et le Qatar devraient se faire prochainement », remarque-t-elle. Ces acquisitions auraient alors été soumises à cet impôt.

Elle souligne qu’aucune autre alternative ne pourra compenser la mise en place de cet impôt. « Pour compenser les recettes perdues, le gouvernement n’aura d’autre choix que le lancement des soukouk qui représenteront une sorte de crédits dus au gouvernement, d’accepter des dons d’autres pays ou d’imposer de nouveaux impôts indirects qui entraîneront une hausse des prix ! », s’insurge-t-elle .

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