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Al-Azhar: Soukouk, la pomme de discorde

May Al-Maghrabi, Lundi, 15 avril 2013

Al-Azhar rejette la loi sur les soukouk dont plusieurs articles contredisent la charia. Cette loi reste une source de friction entre les Frères musulmans et le conseil des grands oulémas qui fait valoir son droit de regard cité dans la Constitution.

Al-Eriane
Al-Eriane : Al-Azhar a un avis consultatif et non contraignant selon la Constitution.

Malgré ses va-et-vient entre le Conseil consultatif, la présidence et l’institution d’Al-Azhar, le projet de loi sur les soukouk n’est toujours pas conforme à la charia. Le conseil des grands oulémas d’Al-Azhar, auquel l’article 4 de la nou­velle Constitution donne un droit de regard sur les lois islamiques, en a décidé ainsi. Selon de nombreux analystes, cette loi est depuis plusieurs mois à l’origine d’un bras de fer entre le régime des Frères musulmans et Al-Azhar.

Al-Azhar décrie la loi comme étant « inconstitutionnelle » face aux tentatives des Frères musulmans de la faire adopter en force, sans nouveau passage par l’insti­tution sunnite. Celle-ci tient à conserver son droit de regard constitutionnel sur le projet de loi. Selon le rapport diffusé cette semaine par le conseil des grands oulé­mas, envoyé au président Morsi et au Conseil consultatif, les modifications apportées à cette loi n’ont pas changé sa non-conformité à la charia.

Al-Azhar s’oppose à 4 articles jugés non conformes à la charia et portant atteinte à la souveraineté de l’Etat, en autorisant la possession par des étrangers de biens nationaux. L’article 20 est l’un d’eux. Al-Azhar y voit une tentative de la marginaliser. L’article prévoit la création d’un organe chargé de donner une opi­nion religieuse sur les soukouk. Cet organe sera formé par le ministre des Finances. Selon le conseil des grands oulémas, la formation de cet organe revient à ignorer Al-Azhar, ce qui est en contradiction avec l’article 4 de la Constitution stipulant qu’Al-Azhar doit être consulté sur tous les sujets relatifs à la charia.

Le conseil des oulémas recommande dans son rapport l’interdiction de la vente de ter­rains et de biens immobiliers publics en contre­partie de soukouk. Il a de même souligné la nécessité d’inclure à la loi un article interdisant toutes sortes de transactions sur les infrastruc­tures nationales comme le Canal de Suez et les sites touristiques. Al-Azhar s’oppose de sur­croît farouchement aux articles relatifs aux biens des Waqfs. Il réclame leur modification de façon à interdire tout usage de ces biens sauf à des fins caritatives. Le recours à l’arbi­trage international en cas de conflits sur les accords conclus basés sur la loi des soukouk représente pour Al-Azhar une autre atteinte flagrante à la souveraineté de l’Etat et à ses intérêts.

Pour Ahmad Omar Hachem, membre du conseil, il est impos­sible d’obtenir l’ap­probation d’Al-Azhar sans effectuer les amen­dements recommandés par le conseil des oulé­mas. « Loin des calculs politiques, Al-Azhar ne tient qu’à la conformité de la loi à la charia. En tant que plus importante institution religieuse du monde islamique, Al-Azhar endosse la responsabilité reli­gieuse et patriotique de protéger les biens publics appartenant aux prochaines géné­rations et empêcher qu’ils ne soient gas­pillés », explique Hachem. Pour lui, la balle est dans le camp du gouvernement, qui doit maintenant effectuer les amende­ments demandés par l’institution reli­gieuse.

Lors de la séance consacrée à la discus­sion de la loi, les Frères musulmans se sont opposés à sa soumission à Al-Azhar. Ils se justifient par le fait qu’Al-Azhar, en tant qu’institution religieuse, ne doit pas inter­venir dans la législation. Essam Al-Eriane, vice-président du Parti Liberté et justice, estime que la Constitution accorde à Al-Azhar un avis consultatif et non contrai­gnant. Pour surmonter la crise, le Conseil consultatif avait décidé de contourner l’ob­jection d’Al-Azhar en supprimant le quali­ficatif « islamique » aux soukouk. Une manoeuvre qui a accentué les tensions.

Le rejet par Al-Azhar du projet de loi sur les soukouk n’est pas le premier épisode de la dégradation des relations entre Al-Azhar et les Frères musulmans. Ces derniers avaient déjà accusé le cheikh d’Al-Azhar, Ahmad Al-Tayeb, d’avoir soutenu le can­didat Ahmad Chafiq lors de l’élection pré­sidentielle de 2012. Le conflit s’est pour­suivi lors de la rédaction de la nouvelle Constitution, notamment en ce qui concerne le statut et l’indépendance d’Al-Azhar.

Pour apaiser la tension, le président Morsi, critiqué à maintes reprises pour sa violation de la loi et de la Constitution, n’a pas hésité à renvoyer le texte modifié à Al-Azhar, voulant éviter de courir à nouveau le risque de voir la loi invalidée par la Cour administrative, comme cela a été le cas avec la dernière loi électorale. C’est ce qui explique pourquoi Al-Azhar est consulté, même si le qualificatif « islamique » a été retiré aux soukouk.

En marge du débat, les indices montrent que le véritable combat entre les Frères musulmans et Al-Azhar semble tourner autour de l’indé­pendance de ce dernier. Al-Azhar affiche, en effet, une résistance inébranlable face aux ten­tatives de frérisation.

Que dit la Constitution ?

L’article 4 de la Constitution donne à Al-Azhar le pouvoir de juger de la conformi­té des lois avec la charia. Il stipule que « l’avis du conseil des érudits d’Al-Azhar soit pris en considération dans les questions liées à la charia islamique »

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