Al-Ahram Hebdo : Vous avez prévu 3 projections : Djassa a pris feu, Boul fallé et Espoir voyage. Pourquoi avoir choisi ces films en particulier ?
Philippe Lacôte : L’idée de centrer ma programmation sur les films de l’Afrique de l’Ouest est née du fait que le directeur du festival, Ahmad Al-Attar, m’a expliqué que le cinéma de cette région est tout à fait méconnu en Egypte, en comparaison avec le reste de l’Afrique noire. J’ai voulu montrer un petit aperçu de ce qui se passe là-bas aujourd’hui.
Djassa a pris feu est un film de fiction tourné comme un documentaire. Boul fallé est un documentaire dans lequel on trouve une approche cinématographique tirée du film de fiction. Et Espoir voyage est un documentaire dans le sens classique du terme. Ce sont des films que j’aime et qui ont connu un grand succès dans différents festivals.
— Y a-t-il un rapprochement entre l’Afrique de l’Ouest telle qu’elle est présentée dans ces trois films et l’Egypte de l’après-révolution ?
— Au départ, je me suis demandé quels étaient les films dans lesquels les jeunes Egyptiens pourraient se retrouver. Boul fallé c’est l’histoire d’un mouvement politique très particulier dont le programme repose sur le sport et la musique et qui a amené la démocratie au Sénégal. La jeune réalisatrice sénégalaise, Rama Thiaw, a vécu tout cela.
Le point commun dans tous ces films c’est que les réalisateurs sont à l’intérieur de leurs sujets. Lonesome Solo vient du quartier où se déroule Djassa a pris feu. Et Michel Zongo raconte l’histoire de son frère dans Espoir voyage. Ces films racontent quelque chose sur l’espoir de la jeunesse africaine d’aujourd’hui et sur les frontières. J’ai voulu sélectionner des films entre le documentaire et la fiction.
— Vous avez produit Djassa a pris feu et Boul fallé. Qu’est-ce qui vous intéresse dans ce genre de films ?
— Ce qui m’intéresse en tant que producteur est de montrer l’Afrique de l’Ouest maintenant, de dévoiler l’Afrique qui n’est pas un continent très riche et qui n’a pas d’industrie du cinéma comme l’Egypte. Tout territoire a son économie, et il faut s’y adapter. Faire du cinéma en Afrique dépend beaucoup de l’Europe, notamment pour le financement. C’est un long processus.
Aujourd’hui, on a besoin de créer plus rapidement, dans une économie qui nous correspond et qui nous rend moins dépendants de l’étranger. Ce qui est intéressant aujourd’hui en Afrique c’est le réel. Comment est la rue, comment elle vit ... Le souci n’est pas une écriture parfaite, mais une urgence à témoigner. On n’essaye pas de produire une belle image. On cherche à donner une énergie et le sentiment d’un lieu.
Il y a aujourd’hui des cinéastes et des producteurs qui s’appuient sur ce qu’on vit au quotidien : les décors qui sont dans la rue, les gens qui sont dans la rue. Ils mettent des histoires dedans et arrivent à sortir des films qui sont tournés un peu plus rapidement .
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