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Orphelinats: Derrière les murs, des crimes sexuels

Dina Darwich, Mardi, 09 avril 2013

Les abus sexuels contre les enfants de ces établissements se multiplient. Les histoires rapportées par les victimes suscitent l’effroi, mais le silence commence à s’effriter. Des mesures doivent être prises pour faire face au phénomène.

orphelins

« je te fais cadeau de mon corps pour seulement 10 L.E.». Telle est la proposition faite par un enfant de 14 ans à Salah S., nouveau responsable d’un orphelinat situé dans le quartier huppé d’Al-Tagammoe Al-Khamès, près du Caire. Salah, 27 ans, n’en revient toujours pas. Comment pouvait-il faire l’objet d’une telle proposition dans cet orphelinat qui compte 53 enfants ? Plus tard, il apprendra que de tels échanges avaient eu lieu au 4e étage entre des orphelins et des personnes chargées de leur éducation. Cet étage qui sert de débarras a servi d’abris à ce genre d’abus sexuel. Là, certains gamins ont dû accepter d’être abusés sexuellement en échange de quelques L.E. « En assumant la responsabilité de l’institution, j’ai constaté que les gamins qui avaient subi de telles expériences avaient perdu tout sentiment de culpabilité surtout que le crime est commis par une personne en qui ils ont entièrement confiance et qui, en principe, est pour eux un exemple à suivre », avance Salah, qui a décidé de se débarrasser des vieilleries du 4e étage et d’installer des caméras pour mieux surveiller le lieu.
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La proposition de cet enfant a soulevé le doute sur un dossier épineux. Un dossier qui risque de toucher des milliers d’enfants vivant en orphelinats, selon l’Unicef. D’après Amira Hossam, responsable au sein de l’ONG Wataniya et qui oeuvre dans le domaine du développement des orphelinats, il n’existe pas de chiffres exacts sur ce type de crime, mais tous les indices laissent à croire que ce phénomène gagne de l’ampleur. Les faits rapportés par le personnel des orphelinats et par certains enfants victimes d’abus sexuel le confirment. Certains journalistes sont également tombés par hasard sur des histoires d’abus sexuel, en visitant ces foyers d’accueil. Autre indication : les plaintes présentées par des activistes au sein d’ONG ou même par le personnel des orphelinats pour dénoncer ces pratiques odieuses. « Les abus sexuels sur des orphelins sont en recrudescence. J’ai entendu plein d’histoires de ce genre lors de ma visite dans plusieurs orphelinats situés dans la capitale », avance Amira Hossam.
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Dans une autre salle de l’établissement, le silence règne. Une vingtaine d’enfants observent attentivement un dessin animé. Celui-ci raconte l’histoire de la petite Salma qui, dans son quotidien, parvient à faire la distinction entre les regards, les gestes et les sourires bienveillants et ceux qui sont pervers. « Il s’agit de donner à ces enfants quelques conseils pour se protéger dans l’orphelinat, surtout que le personnel change constamment », confie la directrice du lieu qui a requis l’anonymat. Après la diffusion du film, c’est le débat.Une petite de 4 ans raconte comment son parrain l’a emmenée chez lui et lui a demandé d’enlever ses vêtements puis a commencé à caresser son corps. « Est-ce normal ? », s’interroge la petite de son air innocent. Un autre enfant de 5 ans a du mal à retenir ses larmes. Son front est couvert d’hématomes et ses bras sont marqués de morsures. Quand la directrice commence à le questionner, il finit par avouer que le psychologue chargé de la surveillance du dortoir abusait de lui. Ce pervers a même menacé de le tuer, au cas où il divulguerait son secret.
Très peu de plaintes
Ces enfants servent-ils de proie à des obsédés sexuels ? Ces criminels savent qu’un orphelin n’a personne pour défendre ses droits. Ce qui aggrave la situation, d’après Amira Hossam, c’est que la plupart des responsables des orphelinats ne portent pas plainte à la police afin de ne pas ternir la réputation de l’établissement, car les dons pourraient alors diminuer. Il n’y a donc que très peu de plaintes. Ces orphelinats se contentent alors de renvoyer la personne adulte impliquée dans l’affaire.
« Dans ce genre de situation, on se retrouve face à un choix difficile. On n’a pas le droit d’emmener l'enfant victime d'abus sexuel autre part pour protéger d’autres orphelins, car ce vice est difficile à éliminer chez certains gamins. De même, il est impossible de le remettre au ministère des Affaires sociales pour des raisons bureaucratiques. Même si les cas sont rares, il arrive que l’on dépose ces profils dans un orphelinat à Guiza réputé pour accueillir des cas pareils. Conséquence : l’état de l’enfant va empirer », confie Salah.
Un problème non réglé
Quant à l’adulte qui a commis ce crime, il arrive souvent, selon Amira Hossam, que le directeur le renvoie. Mais le problème n’est pas définitivement réglé. « A cause du manque de personnel dans les orphelinats, la personne congédiée trouvera du travail dans un autre orphelinat surtout que la plupart des gestionnaires ne cherchent pas à s’informer sur les raisons pour lesquelles l’employé a été renvoyé », rapporte Azza Abdel-Hamid, directrice de l’ONG Wataniya. Elle cite même le cas d’une personne qu’elle connaissait et qui est impliquée dans une telle affaire, rencontrée lors d’une visite dans un autre orphelinat. Azza Abdel-Hamid propose donc d’établir une liste noire des personnes impliquées dans des abus sexuels, de la faire circuler dans tous les orphelinats et au ministère de la Solidarité sociale pour les empêcher d’être recrutées ailleurs. Une démarche qui pourrait ne pas mettre fin à ce phénomène, mais qui obligera forcément ces personnes à réfréner pendant un temps leurs pulsions.

Le drame de Mahmoud

Il se souviendra toute sa vie de ce jour où on a abusé de lui. Mahmoud, 16 ans, est traumatisé. « De mon corps, ils ont fait un festin. Aujourd’hui, tout le monde m’évite comme la peste. Alors moi, je me venge de la vie », dit-il, en essayant d’expliquer la raison pour laquelle lui aussi abuse sexuellement de ses camarades. Le regard hagard, Mahmoud semble perdu et marqué par ces souffrances qu’il a endurées. C’est un enfant trouvé. Il a été mis dans un orphelinat alors qu’il avait à peine un an. « D’un foyer à l’autre, j’ai connu toutes les souffrances. Et lorsqu’on a abusé de moi pour la première fois, le psychologue qui a commis ce crime a trouvé une justification. Il a dit que ce n’était pas un crime de commettre un tel acte sur moi puisque j’étais le fruit d’un adultère », dit-il. Aujourd’hui, Mahmoud se trouve dans un orphelinat à Guiza réputé pour accueillir des enfants ayant fait l’objet d’abus sexuels. Là, il doit montrer ses griffes pour s’imposer. « Je me sens totalement perdu. Dans l’autre orphelinat, je me sentais parfois coupable, mais ici, cela reprend de plus belle. Je ne peux plus maîtriser mes instincts de pervers », conclut-il.
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