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Israël dans le conflit syrien

Lundi, 03 avril 2017

Pour la première fois depuis le début du conflit en Syrie en 2011, la défense aérienne syrienne a ciblé trois avions militaires israéliens qui ont violé l’es­pace aérien du pays. Cet incident a eu lieu le 17 mars dernier, lorsque Tel-Aviv a bombardé des objectifs dans la ville de Palmyre, au centre du pays. La réplique syrienne a surpris, parce qu’il était de coutume qu’Israël attaque des objectifs non déclarés en Syrie, sans intervention aucune de l’armée syrienne, qui était occupée par les com­bats intestinaux contre l’opposition armée. Il est probable que le changement dans les rapports de force militaires sur le terrain ces derniers mois au profit du régime du président Bachar Al-Assad, surtout après avoir regagné le contrôle d’Alep, la plus importante ville syrienne, le 22 décembre dernier, ait incité Damas à riposter aux offensives répétées de l’aviation israélienne contre des cibles appartenant essentiellement aux milices chiites du Hezbollah libanais.

En réalité, l’ingérence israélienne dans le conflit syrien à travers des dizaines de raids aériens ne visait pas les parties syriennes, mais le Hezbollah, considéré par Tel-Aviv comme le bras armé de l’Iran en Syrie. C’est ainsi que les raids israéliens ciblaient certains dirigeants militaires du Hezbollah et des convois transportant d’armes avancées four­nies par Téhéran et Damas. Celles-ci entendaient par leur action soutenir la position du Hezbollah sur l’échiquier politique libanais et renforcer sa puis­sance militaire en prévision d’un possible affronte­ment armé avec Israël. Partant de cette logique, le dernier raid israélien aurait voulu empêcher l’ache­minement vers les bases de la milice chiite au Liban d’une cargaison de missiles nord-coréens en prove­nance de l’Iran. Tel-Aviv est convaincu que les menaces essentielles à sa sécurité proviennent de l’Iran et de son allié le Hezbollah, dont la présence militaire massive en Syrie inquiète les dirigeants israéliens. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a récemment souligné que « l’Iran est à l’origine de plus de 80 % des problèmes sécuritaires essentiels d’Israël ». Les dirigeants israéliens consi­dèrent effectivement que le danger de l’Iran dépasse de loin celui des Palestiniens et du mouvement Hamas, à cause de son potentiel militaire et écono­mique ainsi que de l’extension de son influence dans plusieurs pays arabes ces dernières années. Ils y voient une position de force qui lui confère une plus large liberté d’action extérieure. Israël estime en outre que le changement de la situation sur le terrain au profit de Damas, grâce à l’intervention militaire russe depuis septembre 2015, profitera à Téhéran et au Hezbollah. Il craint que l’influence de ces deux alliés de Damas ne se transforme en une présence militaire permanente à proximité de sa frontière nord, au Golan. Une présence qu’il croit devoir se muer en actions militaires hostiles dans une région qui était restée calme depuis la guerre d’Octobre 1973.

Israël a observé ces derniers mois un renforce­ment de la présence de milices chiites sur le Golan syrien. Il s’agit notamment du « mouvement Hezbollah Al-Nujaba ». Cette force paramilitaire chiite iraqienne est née en 2013 et a participé à la lutte contre l’Etat islamique en Iraq, au sein des milices chiites de « mobilisation populaire », for­mées et armées par la République islamique. Une partie des combattants du Hezbollah Al-Nujaba se sont rendus en Syrie en 2013, où ils ont participé à la bataille d’Alep, aux côtés de Damas. Ils ont annoncé la formation d’une « brigade de libéra­tion du Golan » en mi-mars. Tel-Aviv croit que Téhéran est derrière ces évolutions et que des éléments des Gardiens de la Révolution islamique iraniens, bénéficiant de la faiblesse du pouvoir syrien, se sont infiltrés dans le Golan pour y bâtir une présence militaire permanente. Il était cepen­dant impossible qu’Israël poursuive ses raids contre le Hezbollah sans l’accord tacite de la Russie, depuis l’intervention militaire de celle-ci en Syrie, fin septembre 2015. Un assentiment que Netanyahu a pu obtenir lors de sa visite à Moscou, intervenue quelques jours après l’envoi par la Russie de ses forces en soutien au régime de Damas. Cet accord était nécessaire pour empêcher tout accrochage entre les chasseurs israéliens et russes dans l’espace aérien syrien, et pour garantir que la défense aérienne russe installée dans les zones sous contrôle de Damas ne vise pas les avi­ons israéliens.

Netanyahu a également essayé pendant sa der­nière visite à Moscou, le 9 mars, d’obtenir une promesse russe d’empêcher l’Iran et le Hezbollah de maintenir une présence militaire permanente en Syrie, après la fin de la guerre. Il est peu probable que le président Vladimir Poutine ait accepté de donner une telle promesse, car si la Russie croit qu’il faut afficher une certaine compréhension à l’égard des préoccupations sécuritaires d’Israël, notamment celle d’empêcher le Hezbollah d’ac­quérir des armes avancées qui risquent d’entraîner plus tard une nouvelle guerre avec Tel-Aviv, à l’instar de celle qui avait éclaté en 2006, elle tient aussi à préserver ses bonnes relations avec l’Iran, avec lequel elle coordonne ses activités militaires en Syrie. Certes, Moscou estime qu’il est de son intérêt de brider les ambitions hégémoniques de Téhéran au Moyen-Orient, notamment après le changement de la situation sur le terrain en faveur du régime de Damas, de peur de susciter de nou­veaux foyers de tensions ou de déclencher de conflits, mais il juge inopportun d’accorder un privilège particulier à l’allié principal des Etats-Unis dans la région.

Il est fort probable que Poutine cherche à trou­ver un point d’équilibre entre les intérêts de l’Iran et ceux d’Israël, afin de détenir le maximum de cartes régionales gagnantes. Son succès dans une telle entreprise difficile, au milieu d’une région en pleine mutation, dépend également de la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient, dont les contours ne sont pas encore totalement clairs .

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