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Hani Nasira : Une défaite à Raqqa constituerait un violent tremblement idéologique pour Daech

Samar Al-Gamal, Jeudi, 30 mars 2017

Hani Nasira, expert des groupes djihadistes, estime qu'il est encore prématuré de parler de la fin de Daech en dépit de son recul dans certaines villes.

Hani Nasira : Une défaite à Raqqa constituerait un violent tremblement idéologique pour Daech

Al-Ahram Hebdo : Il semble que le groupe Daech ait enregistré une baisse au niveau des opérations sur le terrain en Libye, en Iraq et en Syrie. Sommes-nous déjà proches de l’anéantissement de ce groupe ?

Hani Nasira : Il serait peu précis de se précipiter de parler de la fin du groupe, d’autant plus que l’origine de chaque organisation est une idée, un contexte, un sol fertile pour sa croissance, et Daech comme Al-Qaëda sont des réseaux à perspective mondiale qui sont passés d’un simple groupe à un cas. En dépit du recul du groupe à Mossoul en Iraq ou en Syrie, il est actif en Libye, en Egypte et dans d’autres régions. Même au Bangladesh et en Indonésie, ses cellules dormantes sont plus actives et des individuels s’activent à Londres, Paris, Bruxelles et d’autres capitales du monde. Ainsi, le fantasme et le discours sur les fins ne sont pas corrects, même la victoire militaire contre le groupe est peut-être une seule étape.

— Pourquoi les batailles de Raqqa et Mossoul acquièrent-elles cette importance ?

— Raqqa est la capitale de l’émirat « daechien » et se trouve au pays du Levant, qui représente selon la croyance de Daech la bataille de la fin du monde où les croyants vaincront. Ainsi, ce symbolisme rend la bataille d’une grande importance même pour les adversaires du groupe. Une perte à Raqqa constitue un violent tremblement idéologique, surtout après la chute de Dabeq, et frappera en profondeur l’attrait du groupe.

Mossoul est la deuxième plus grande province iraqienne et la première dominée par l’organisation avant d’annoncer son califat, et sa chute signifie la fin de son fief et son origine iraqienne et représente une chance pour son agonie.

— Quel sera le sort de Daech en cas de défaite dans ces deux villes ?

— Il ne fait aucun doute que l’organisation passera par une confusion et perdra ses fiefs et plusieurs de ses dirigeants et de ses membres. Mais le plus dangereux est qu’il se dirigera vers des régions plus fragiles et plus molles, mais plus sécurisées pour lui et où il est encore soudé comme la Libye, ou la côte du désert en Afrique ou encore le Sinaï. C’est pourquoi il ne faut pas se satisfaire d’une victoire temporaire devant un groupe qui n’accepte pas la défaite.

— Comment est dirigé le groupe en ce moment après la disparition du gouvernement qu’il avait formé et le meurtre de ses dirigeants ?

— Il est dirigé par Al-Baghdadi, et quelques-uns qui lui sont proches. Le groupe a toujours, depuis sa première expérience quand il s’appelait Al-Qaëda en Iraq, perdu des dirigeants, mais a réussi à survivre et le scénario de la succession était clair. Quelques formes de son gouvernement sont encore actives mais cachées car Daech, contrairement aux autres groupes djihadistes, tient à l’image d’un Etat, et se concentre sur l’objectif de la prise du pouvoir plutôt que l’objectif de l’épuisement ou l’attrition.

— Comment l’Etat islamique a-t-il changé sa stratégie de confrontation, notamment dans le Sinaï ?

— Daech, comme d’autres organisations du terrorisme mondialisé, se caractérise par cette haute capacité d’adaptation et d’exploitation des conditions et des failles. Ainsi, les membres du mouvement se sont déplacés dans le Sinaï au milieu des civils en ciblant les coptes et en continuant son approche de cibler les agents de sécurité et leurs collaborateurs, ce qui conduit à des impacts médiatiques d’ampleur. Sans doute, nous devons élaborer une stratégie de sécurité en fonction de cette capacité à développer et non pas la nier, d’autant plus que le réseau de l’organisation comprend d’anciens experts militaires en Syrie et en Iraq, ce qui lui a donné la capacité de comprendre son adversaire.

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