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Daech perd du terrain mais ...

Ahmad Eleiba, Jeudi, 30 mars 2017

Les préparatifs se poursuivent pour libérer Raqqa et Mossoul de l'emprise de Daech. Mais on est encore loin de l'éradication totale de l'organisation terroriste.

Daech perd du terrain mais ...

La guerre anti-Daech à Mossoul s’accélère, et on parle déjà de la chute imminente de cette organisation en Iraq. Le groupe djihadiste est également en difficulté à Raqqa, son bastion syrien. Mais peut-on parler réellement de la fin de Daech ?

En Iraq, l’offensive de l’armée iraqienne sur Mossoul ne signifie pas la fin de l’organisation terroriste même si les forces iraqiennes ont déjà mis la main sur les bureaux de Daech, ses stocks d’armes et même la mosquée d’où Abou-Bakr Al-Baghdadi, le numéro un de l’organisation, avait proclamé le califat en Iraq et en Syrie. Les prémices de la bataille de Raqqa ne permettent pas non plus de tirer des conclusions définitives. Des points d’interrogation persistent en ce qui a trait à la distribution des rôles entre les puissances internationales qui participent à la bataille, avec notamment des rivalités importantes entre la Turquie et les Kurdes. Il y a aussi le fait que la Coalition internationale anti-Daech est divisée sur les priorités à adopter en Iraq et en Syrie. Une conférence a été organisée par la coalition la semaine dernière, à Washington, avec la participation de 68 pays. Le niveau de participation à l’échelle européenne et régionale, mais aussi au niveau de l’Otan, suggère que l’objectif principal de la plupart des participants était d’explorer la politique iraqienne et syrienne de la nouvelle Administration Trump.Au cours de cette conférence, le secrétaire d’Etat américain, Rex Tillerson, a révélé les grandes lignes d’un plan d’action ambigu face à Daech. « Les Etats-Unis ont l’intention d’intensifier la pression militaire contre l’organisation terroriste en Iraq et en Syrie, tout en instaurant dans ces deux pays des zones temporaires de sécurité pour les réfugiés et les déplacés », a déclaré Tillerson. Et d’expliquer que son pays aidera également les réfugiés à regagner leurs maisons dans une phase ultérieure. Le responsable américain a également passé en revue la politique anti-Daech de l’Administration Obama qui « a permis de libérer 62 % des territoires contrôlés par Daech en Iraq et 30 % des territoires que l’organisation contrôlait en Syrie, dont des villes-clés ». Toujours selon lui, cette politique a réussi à « réduire de 90 % le nombre d’étrangers qui ralliaient l’organisation terroriste ». Ces déclarations signifient que, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la stratégie de la nouvelle Administration n’est pas très différente de celle de l’Administration précédente, et ce, malgré les critiques acerbes lancées par Trump contre son prédécesseur.

Au bout du compte, Trump a opté pour la stratégie d’Obama mais en tapant un peu plus fort. Juste une intensification des frappes militaires. Mais il n’y a rien de clair pour l’après-libération de Mossoul et Raqqa. Amr Abdel-Moeti, spécialiste des Etats-Unis au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, estime que « la principale différence entre l’approche de l’Administration Trump et celle de la précédente administration réside dans la militarisation de la politique antiterroriste ». Selon lui, les militaires sont plus influents au sein de l’Administration Trump. Il dénombre particulièrement trois personnalités, à savoir le secrétaire à la Défense, le secrétaire à la Sécurité intérieure, et le conseiller de la sécurité nationale. Ce qui se traduit par plus d’influence des militaires sur la politique étrangère de Washington, selon le chercheur. Cela a été visible dans le déploiement massif des Marines et des Rangers il y a deux semaines dans la ville syrienne de Manbij pour séparer les combattants kurdes et turcs. Des hommes de ces corps d’élite ont également été déployés aux alentours de Raqqa, note le chercheur.En Iraq, cette stratégie s’est révélée être contre-productive. Les pertes au sein de la population civile, notamment au cours de la dernière bataille de Mossoul, se comptent par dizaines, selon les estimations locales. D’autres rapports parlent de 3 000 victimes civiles tombées sous les frappes aléatoires menées par les forces iraqiennes et américaines depuis le début des combats. Le ministre iraqien de la Défense a promis d’ouvrir une enquête pour élucider les faits.

Des sources affirment l’arrêt des combats dans cette ville suite à une vague de protestations contre le nombre de victimes civiles, ce qu’a nié Ihsan Al-Chamri, conseiller politique du premier ministre iraqien. Selon Al-Chamri, « la guerre continue et la fin de Daech en Iraq est une affaire de temps ». Toujours d’après le même responsable, le premier ministre, Haider Al-Abadi, aurait obtenu une importante assistance militaire américaine dans le cadre de la guerre anti-Daech, en plus d’une assistance humanitaire destinée aux déplacés et à la reconstruction. Mais cette efficacité militaire en Iraq n’existe pas en Syrie.

Ni le Hezbollah, ni l’Iran

L’analyste politique kurde, Mohamad Raslan, affirme pourtant que les préparatifs de la bataille de Raqqa sont en cours. Les forces démocratiques syriennes se déploient sur des points stratégiques autour de la ville avant de la prendre d’assaut.

D’après Raslan, les forces américaines ont coupé court à la participation de toutes les autres forces. Autrement dit, ni le Hezbollah, ni les Iraniens n’auront un rôle dans cette bataille. Ainsi, Raslan estime que la bataille ne durera « pas plus de trois jours », expliquant que les combattants de Daech comptent surtout sur les voitures piégées et les snippers. « Les commandants étrangers de Daech ont déjà quitté Raqqa en direction de Deir ez-Zor, et l’organisation ne semble avoir aucun commandement militaire pour diriger la résistance », ajoute-t-il. Pourtant, selon la Russie, la libération de Raqqa ne sera pas une « promenade militaire ».

Par ailleurs, l’idée — que Trump avait laissé entendre durant sa campagne électorale de rejoindre les Russes dans leur bataille en Syrie — n’est plus de mise. Selon le Washington Post d’ailleurs, les Américains pourraient déployer quelque 1 000 militaires supplémentaires dans le nord de la Syrie dans les prochaines semaines pour doubler ainsi la présence militaire américaine dans le pays. Mais rien n’est confirmé pour autant. Ce qui est sûr dans la phase actuelle c’est que l’organisation Daech est en perte de vitesse, mais il n’y a toujours pas de stratégie pour la mettre à terre et éviter sa résurrection.

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