Manifestations aux Etats-Unis en faveur des réfugiés et contre la politique de Trump.
(Photo : AFP)
« Où sont les Etats-Unis ? ». C’est la question que s’est posée — et qu’a vraisemblablement posée au monde entier —, l’émissaire spécial de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, à Genève, lors des pourparlers de paix sur la Syrie entamés le 23 février. Et Mistura de poursuivre : «
Je ne peux vous le dire, car je n’en sais rien ». Cette interrogation sur la volonté américaine d’oeuvrer sérieusement à trouver une solution politique à la crise syrienne inquiète certes l’émissaire onusien et l’ensemble de la communauté internationale, car ce qui a commencé par un désengagement lent et progressif à la fin du mandat de l’ex-président américain, Barack Obama, est aujourd’hui en train de se transformer en désintérêt total. «
Qu’ils aillent tous au diable », paraît être la nouvelle devise américaine au sujet de la Syrie.
Ce qui inquiète aussi, et surtout, l’opposition syrienne dite modérée, notamment ceux qui font partie de l’Armée Syrienne Libre (ASL), et qui était soutenue par Washington tout au long de ces six années de conflit. Et pour cause, les autorités américaines ont récemment annoncé qu’elles suspendraient la fourniture d’armements ainsi que le transfert de fonds qu’elles lui fournissaient. Selon les représentants des insurgés, aucune raison officielle n’a été annoncée. Deux sources au sein des autorités américaines, citées par l’agence de presse Reuters, ont de leur côté affirmé que la suspension de l’aide n’était pas liée à l’arrivée au pouvoir du nouveau président américain, Donald Trump. Cela semble pourtant invraisemblable. « Il est clair que les Etats-Unis vont arrêter de soutenir l’opposition », estime Dr Hicham Mourad, professeur de sciences politiques à l’Université du Caire. « Cela entre dans le cadre de la politique isolationniste de Donald Trump, qui ne voit pas l’intérêt que de s’investir dans des pays comme la Syrie. Il ne veut pas se mêler de la crise syrienne ou d’autres crises similaires, car il considère que la politique que les Etats-Unis ont toujours eue ne leur a rien apporté. Trump réfléchit en termes matériels, en tant qu’homme d’affaires. Il voit que ce genre d’intervention coûte cher aux Etats-Unis, et ça ne rapporte aucun bénéfice, et pour lui, le jeu n’en vaut pas la chandelle », explique l’analyste politique, qui affirme également que la suspension des aides confirme « la stratégie de retrait » de Donald Trump. « Conclusion : tout va dans le sens d’un renforcement du régime syrien ».
Contradictions
Or, il y a d’ores et déjà une certaine contradiction dans la politique américaine : d’un côté, Washington se donne comme objectif premier, voire comme seul objectif en Syrie, de combattre le terrorisme islamiste, de l’autre, il lâche ceux qui, au sein de l’opposition, sont considérés comme un rempart aux groupes les plus radicaux. En effet, selon Reuters, en janvier dernier, les forces de l’ASL ont été exposées à une attaque massive de la part du groupe Fatah Al-Cham (anciennement Front Al-Nosra, proche d’Al-Qaëda) qui a pris possession d’une partie des armements et des fonds fournis par les Etats-Unis. Pourtant, la seule certitude en ce qui concerne la nouvelle politique américaine en Syrie est bien l’intensification de la lutte contre l’Etat Islamique (EI). Cette contradiction est expliquée par le Washington Post : Selon le quotidien américain, qui cite des sources proches de l’Administration Trump, un point important du nouveau projet en cours d’élaboration de Donald Trump sur l’élimination de Daech (le président américain a donné jusqu’à la fin février au Pentagone pour voir s’il est possible d’accélérer la campagne contre l’EI), est de « limiter la participation des Etats-Unis et de se focaliser sur une lutte plus intensive contre Daech et contre d’autres groupes terroristes, sans se laisser distraire par la guerre civile en Syrie et les besoins de construction nationale ou de l’avancée de la démocratie ». En effet, confirme Hicham Mourad, « pour Trump, que le président syrien, Bachar Al-Assad, reste ou non, peu importe. Peu importe aussi la démocratie, les droits de l’homme, etc. Peu importe le conflit lui-même. Peu importe que les Etats-Unis ne soient pas influents en Syrie. La seule chose qui compte, c’est la lutte contre l’Etat islamique. Voilà la seule ligne conductrice de la nouvelle politique américaine ». Et pour cela, un changement de taille pourrait avoir lieu : une nouvelle approche de lutte contre le terrorisme supposerait une coordination avec la Russie. « Washington va coopérer avec Moscou dans la lutte antiterroriste. C’est le seul intérêt actuel de Washington, et ce, même si c’est Moscou qui joue le rôle le plus important dans cette lutte et dans le dossier syrien dans son ensemble », dit Mourad.
A part cela, le reste n’est que rhétorique. S’exprimant sur la Syrie pour la première fois depuis son entrée en fonction, le 17 février dernier à Bonn à l’occasion d’une rencontre en marge du G20, le nouveau secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, a tenté de rassurer les pays occidentaux et arabes soutenant l’opposition syrienne en parlant de la nécessité d’une solution politique à la crise syrienne. Sans plus.
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