Surplombant le lac Ain Al-Sira, au coeur de la première capitale islamique de l’Egypte, Al-Fostat, le Musée National de la Civilisation Egyptienne (MNCE), avec son toit en forme de pyramide, a été partiellement inauguré après presque 8 ans de retard, pour des raisons budgétaires en premier lieu, puis le déclenchement de la révolution du 25 janvier 2011.
La collection en bois montre la diversité de cet art à travers les époques. (Photo : Nasma Réda)
Le musée, qui s’étend sur une superficie d’environ 1 000 m2, comprend une réception, des laboratoires, un théâtre, une salle de réunion, un magasin de cadeaux, et plus important, la salle d’exposition temporaire. Intitulée « L’Artisanat égyptien à travers les siècles », cette première exposition temporaire relate l’histoire et le développement de l’artisanat égyptien à travers les époques.
Au cours des 6 derniers mois, les travaux se déroulaient d’arrache pieds pour respecter la date d’ouverture. « Ce musée est mon bébé. Depuis 2014, j’ai pris sa responsabilité et j’ai décidé de réaliser ce rêve, à savoir assister à l’inauguration de ce grand et important projet », explique Khaled Al-Anani, ministre des Antiquités. « Je suis très heureux et fier de dire qu’une partie de mon rêve est maintenant devenue réalité », ajoute-t-il. « C’est un pas important vers l’achèvement du musée et un exemple de coopération internationale fructueuse », a déclaré, pour sa part, Irina Bokova, directrice de l’Unesco, qui a assisté à l’inauguration de l’exposition, soulignant que les origines de ce musée remontent au début du XXe siècle, lorsqu’à l’époque, la communauté internationale s’est engagée à sauver les monuments de la Nubie. « L’idée du MNCE est révolutionnaire, car elle introduit une nouvelle manière de penser à notre héritage. Nous avons besoin de cet esprit aujourd’hui et de cette audace pour répondre aux nouvelles menaces contre le patrimoine et contre l’humanité », a poursuivi Bokova lors de l’inauguration.
Le lin était l'une des branches de l'industrie textile en Egypte Antique. (Photo : Nasma Réda)
Selon le directeur du musée, Mahrous Saïd, le thème de l’artisanat choisi pour la nouvelle exposition est particulièrement pertinent. « La zone où est situé le musée a longtemps été un carrefour de l’artisanat : du travail du bois, textile, fabrication de bijoux et de poterie, etc. Quatre activités artisanales sont exposées différemment au MNCE avec un coût de 40 millions L.E. », affirme Saïd.
Deux étages et 420 pièces
Une seule et grande salle expose, sur deux étages, une collection de 420 pièces antiques soigneusement sélectionnées dans les musées du Caire, dont le Musée égyptien (près de 128 pièces), le Musée d’art islamique de Bab Al-Khalq, le Musée copte au vieux Caire et le Musée du textile. 113 pièces proviennent des entrepôts du MNCE. « L’exposition n’a pas utilisé toutes les pièces apportées des différents musées. Celles qui n’ont pas été utilisées retourneront à leurs musées d’origine », indique Elham Salah, chef du secteur des musées. Mais, d’après elle, cette exposition peut durer un an ou plus.
L'or domine les vitrines de bijouterie. (Photo : Nasma Réda)
Bien que l’inauguration ait commencé par une seule exposition temporaire, le MNCE est une entité beaucoup plus grande, avec des galeries riches couvrant différents thèmes en plus d’un centre de recherche scientifique et d’un centre culturel.
« C’est un musée exceptionnel, la muséologie de l’exposition temporaire est elle aussi exceptionnelle. La vitrine à l’entrée annonce les prochaines expositions par des artefacts en cuivre et un michkah (lampe) en verre », souligne Al-Anani. « L’Egypte possède l’une des traditions de poterie les plus anciennes au monde. Elle remonte à 8 000 ans av. J.-C. », explique, pour sa part, Mahrous Saïd. Les jarres et les pots en poteries exposés ont été découverts à Nabta Playa, dans le désert nubien et dans les oasis du désert occidental. Pendant les périodes néolithique et prédynastique, l’artisanat a continué à s’étendre à d’autres centres de population tels que Merimda Beni Salama à Fayoum, Deir Tasa en Haute-Egypte et à Maadi, au Caire. « Parmi les objets de poterie les plus importants et les plus distingués figurent ceux de l’époque prédynastique », affirme Salah, ajoutant que, en dépit de leurs formes simples, ces pièces ont été professionnellement et habilement fabriquées, cuisinées, colorées et décorées. Non loin des vitrines, un film documentaire tourné à Fayoum explique les étapes de fabrication des ustensiles en poterie.
Habits en lin et chariot guerrier
Toujours au premier étage, les vitrines en forme de U montrent les outils de fabrication des habits en lin. « Les pharaons ont tissé des vêtements et des jupes remarquables », explique Mahmoud Mabrouk, concepteur de la muséologie de cette exposition. La pièce-maîtrise de ce secteur remonte à la XVIIIe dynastie, scellée par Touthmôsis IV (1479-1425 av. J.-C.). Ce fragment de tissu en lin fait partie d’un cadeau offert à la mère du pharaon.
Une collection distinguée de poterie est exposée. (Photo : Nasma Réda)
Sous une lumière forte et directe, la réplique du chariot guerrier de la XVIIIe dynastie est placée au centre de cette salle temporaire. D’après Mabrouk, « la fabrication de ce chariot était un grand défi pour les menuisiers d’aujourd’hui ». La vitrine de la collection en bois renferme des lits funéraires, des chaises, tabourets, des tables et des coffres trouvés dans les tombes égyptiennes anciennes. Tandis que le reste des objets en bois incrusté des époques coptes, mamelouke et ottomane occupent une partie du deuxième étage. « Les bijoux remontant au Moyen Empire sont placés par ordre chronologique. La beauté de ces pièces a forcé le concepteur de la muséologie à comparer cette collection à d’autres faux bijoux de nos jours fabriqués dans différents coins du pays », souligne Mahrous. Les visages des statuts de femmes du Sinaï, de Siwa ou de la Nubie ornent les vitrines de cet étage.
Le circuit se termine par cette collection. Mais la cérémonie d’inauguration a continué au théâtre avec une danse de tahtib. Cet art qui a été récemment inscrit sur la liste du patrimoine immatériel de l’Unesco. « J’espère que chaque visiteur pourra profiter de l’exposition et suivra les futurs projets du MNCE », conclut Al-Anani.
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