Le nouveau président américain, Donald Trump, a souligné à plusieurs reprises, lors de sa campagne électorale ainsi que dans son discours d’investiture, que sa priorité en politique étrangère est l’éradication de ce qu’il a appelé « le terrorisme de l’islam radical », représenté en premier lieu par l’Etat Islamique (EI). Cette position est en parfaite harmonie avec les convictions des deux principaux responsables de la nouvelle Administration : Michael Flynn et Steve Bannon, respectivement conseillers pour la sécurité nationale et pour la stratégie à la Maison Blanche, qui estiment que « l’extrémisme islamiste » est une menace existentielle pour l’Occident. James Mattis, secrétaire à la Défense, considère lui aussi que les Etats-Unis doivent lutter contre l’« islam politique ». Flynn et Mattis, anciens généraux qui avaient servi en Afghanistan et en Iraq, sont des partisans de la manière forte et recommandent l’usage massif de la force militaire et des méthodes offensives contre les groupes terroristes. De son côté, le secrétaire d’Etat, Rex Tillerson, a indiqué le 11 janvier dernier devant la Commission des relations extérieures du Sénat que la priorité de l’Administration américaine au Moyen-Orient est la défaite de Daech et que « l’islam radical » constitue une grave menace pour la stabilité des Etats en général. Ceci montre que l’Administration Trump a tendance à associer publiquement le terrorisme à l’islam, contrairement à la position de Barack Obama, qui avait lancé une guerre limitée contre le terrorisme, et même à celle de Georges W. Bush, qui avait déclaré une guerre planétaire contre le terrorisme, à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Les deux précédentes administrations ont tenté d’éviter l’établissement du sentiment anti-américain de la part des musulmans. Un positionnement tout autre dirige la nouvelle Administration de Trump.
C’est notamment sous cet angle que Trump a décidé d’interdire l’entrée sur le sol américain de ressortissants de sept pays musulmans (Syrie, Iraq, Soudan, Libye, Iran, Yémen et Somalie) et de suspendre l’accueil des réfugiés syriens. Une décision préjudiciable à son objectif déclaré de combattre l’EI, et condamné par de nombreux pays et personnalités, y compris des responsables du Parti républicain, auquel appartient Trump, et des diplomates américains, parce qu’ils estiment à juste titre qu’elle sert les intérêts de Daech. Ce groupe terroriste a toujours défendu l’idée que l’Occident, en général, et les Etats-Unis, en particulier, mènent une guerre contre l’islam et les musulmans. La décision de Washington confirme la propagande de l’EI et encourage des jeunes désabusés à rejoindre ses rangs. Consciente de ce danger, l’ambassade américaine en Iraq a appelé l’administration à revenir sur sa décision, estimant celle-ci injustifiée sur le double plan moral et stratégique. En effet, cette décision rend plus difficile l’action des Etats-Unis contre l’EI en Iraq : comment pourraient-ils s’attendre à une totale coopération du gouvernement, de l’armée et des milices iraqiennes au même moment où ils infligent une punition collective à l’ensemble des Iraqiens, considérés comme des terroristes potentiels ? Il suffit de voir les réactions des hommes politiques iraqiens pour se rendre compte de l’ampleur du problème. Washington devrait aussi s’attendre à des complications avec l’Iran, très présent dans les combats contre Daech aussi bien en Iraq qu’en Syrie, les deux fiefs de l’EI dans le monde arabe.
La stratégie anti-Daech de l’Administration américaine sera principalement fondée sur l’usage massif des armes et relayée par une coopération militaire et de renseignement avec les pays arabes et le Moyen-Orient soucieux de lutter contre le terrorisme, dont l’Egypte. A l’heure actuelle, Washington déploie 5 000 militaires en Iraq et 500 hommes des forces spéciales, dont des experts militaires en Syrie, qui participent à la lutte contre Daech. Il est probable que Washington augmente ses effectifs dans la période à venir, envoie des armes supplémentaires, notamment de l’artillerie, des hélicoptères et des avions de chasse, et multiplie ses frappes aériennes contre l’EI. Washington cherchera également à affaiblir la capacité de mobilisation du groupe à travers le sabotage de son réseau de communication sur Internet. Toutefois, sa décision d’interdire l’entrée des ressortissants de sept pays islamiques nuira à son action dans ce domaine.
Autre élément nouveau : le président Trump a annoncé sa volonté de coopérer avec la Russie — qui maintient une présence militaire en Syrie — pour combattre Daech. Cette nouvelle position est à l’opposé de celle de la précédente administration, qui a toujours refusé de coopérer avec Moscou. Pour Trump, Daech représente la menace la plus grave à la sécurité de son pays. Ce qui justifie à ses yeux la nécessité de mettre de côté ses litiges avec Moscou, malgré la crise en Ukraine et l’intervention militaire russe en Syrie, en faveur de Bachar Al-Assad. Contrairement à la position d’Obama, qui a cherché activement le départ du président syrien, Trump ne se soucie guère du sort du régime de Damas.
Si vaincre l’EI est la priorité absolue de Washington en ce moment, ce dernier a l’intention de sévir ultérieurement contre les groupes islamistes en général. Tillerson a indiqué dans son témoignage devant le Sénat que la défaite de Daech permettra à Washington dans une prochaine étape d’oeuvrer pour l’affaiblissement des autres groupes appartenant à « l’islam radical », comme Al-Qaëda et les Frères musulmans. La Maison Blanche favorise le classement de ces derniers comme « organisation terroriste étrangère », ce qui se traduira par son interdiction aux Etats-Unis. Le conseiller en politique étrangère de Trump, Walid Phares, avait annoncé le 13 novembre que le président soutient une telle mesure. Washington avait par le passé imposé des sanctions à des Frères musulmans qu’il accusait de soutenir le terrorisme, mais s’est abstenu de déclarer « organisation terroriste » la confrérie, avec qui il maintenait des contacts. Cette politique est fortement critiquée par un courant puissant, auquel appartient Trump, au sein du Parti républicain .
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