
Christophe Thiers, directeur du Centre Franco-Egyptien des Etudes des Temples de Karnak (CFEETK).
Al-Ahram Hebdo : Quel est votre programme pour 2017 ?
Christophe Thiers : La préservation et la mise en valeur des monuments de Karnak sont au coeur des préoccupations de l’équipe franco-égyptienne depuis la création du CFEETK. Le nouveau programme quadriennal poursuivra les grands projets déjà initiés lors du précédent programme, avec une attention particulière accordée à la publication des résultats des dernières campagnes. Dans le temple de Ptah, il s’agira de poursuivre les investigations archéologiques concernant la dernière enceinte datant de l’époque ptolémaïque et d’étendre les fouilles dans le secteur résidentiel datant de l’époque romano-byzantine. Celui-ci, situé à l’arrière du temple, témoigne de l’installation des premiers chrétiens à Karnak. Les premières données permettent déjà d’envisager une publication concernant ces vestiges jusqu’à présent peu étudiés à Karnak. De même, le programme épigraphique sera poursuivi dans l’Akh-menou en collaboration avec l’Université de Tübingen. Comme pour les « magasins nord », la restauration de ces parties du temple se poursuivra. Le programme d’étude et de relevés épigraphiques du dromos occidental du Sphinx, Pinedjem Ier, devrait être achevé au cours de la saison 2017. En outre, le travail de restauration et d’anastylose est intimement lié aux programmes scientifiques du Centre dont il constitue la dernière étape. Le nouveau projet de reconstruction concerne l’anastylose des murs est et ouest de la cour du VIIe pylône (cour dite de la Cachette). Près de 250 blocs ont été inventoriés, restaurés et consolidés en 2016. C’est une étape essentielle à la reconstruction qui sera initiée en 2017.
— Quel est le bilan de l’année passée ?
— En 2016, les travaux archéologiques ont essentiellement porté sur le complexe de Ptah, situé en bordure septentrionale du domaine d’Amon-Rê. Les fouilles ont été faites aux abords méridionaux et orientaux du temple. L’édifice antérieur, en briques crues, rasé lors de la construction de la chapelle de Thoutmosis III, a pu être appréhendé. A l’est, une zone d’habitation de l’époque romaine et byzantine a été mise au jour. Un ouvrage sur l’ensemble des inscriptions hiéroglyphiques du temple de Ptah et un relevé photographique après restauration ont été publiés par l’IFAO en janvier 2016. De même, les relevés épigraphiques de l’Akh-menou (en collaboration avec l’Université de Tübingen) et des « magasins nord » de Thoutmosis III se sont poursuivis par le collationnement des fac-similés réalisés ces dernières années. Le vaste programme de restauration de ce secteur s’est poursuivi dans le vestibule du sanctuaire d’Alexandre le Grand. Les relevés épigraphiques de la chapelle-reposoir de Philippe Arrhidée et du VIIIe pylône ont été achevés, permettant de publier l’étude de ces deux monuments courant 2017. Débutée en 2015, l’étude des inscriptions de Pinedjem Ier gravées sur les sphinx de l’allée centrale de Karnak s’est poursuivie. Le reste des relevés épigraphiques et des études en cours se poursuivent. Dans le cadre de ce programme, plusieurs sphinx ont été restaurés et consolidés par l’équipe de restauration du Centre. Au Musée en plein air, les travaux d’anastylose de la chapelle en calcite de Thoutmosis III ont été achevés. Après un nettoyage final, la chapelle a désormais ouvert ses portes aux visiteurs. Elle a été officiellement inaugurée par le ministre des Antiquités le 24 septembre 2016. Le projet Karnak a, quant à lui, rendu accessible un grand nombre de documents des archives du CFEETK et des textes hiéroglyphiques associés. Cet outil permet d’effectuer des recherches sur l’ensemble des textes. Les résultats des travaux anciens et récents du CFEETK ont fait l’objet de plusieurs articles et de communiqués scientifiques. Trois volumes de la collection « Travaux du CFEETK » sont parus en 2016. Et le volume 15 des Cahiers de Karnak est paru au Caire en 2016 dans le cadre d’un partenariat avec le ministère égyptien des Antiquités.
— Est-ce que d’autres missions travaillent sur le site de Karnak ? Si c’est le cas, comment coopérez-vous ?
— Oui, il y a d’autres missions. La plupart travaillent dans le cadre des programmes scientifiques du CFEETK auxquels nous fournissons une aide logistique et technique comme la mission de l’IFAO qui travaille sur les fouilles des chapelles osiriennes. Traditionnellement, d’autres missions travaillent également sur ce site, comme la Chicago House/ARCE, qui se concentre sur le temple de Khonsou.
— Comment sélectionnez-vous les secteurs de fouilles ?
— Ce choix dépend de la problématique de recherche et est influé par différents facteurs (choix d’un temple, d’un secteur, etc.). Mais bien souvent, il nous arrive de découvrir des choses bien différentes de ce que l’on imaginait au départ.
— Depuis la création du CFEETK en 1967, quel projet considérez-vous comme le plus marquant ?
— Il est très difficile de répondre à cette question. Beaucoup de programmes ont donné des résultats majeurs. Mais je dirais probablement que les premiers travaux de 1967, qui ont débuté par la fouille de l’allée des sphinx devant le premier pylône, et puis de la grande cour, ont été les plus marquants. A cela j’ajouterais la gigantesque entreprise de reconstruction du môle ouest du IXe pylône qui a demandé plus de 30 ans de travail au centre (1967-1998).
— Qu’en est-il de la Cachette de Karnak ? Quels travaux y sont menés ?
— L’étude des centaines de statues découvertes par Georges Legrain en 1903 est toujours en cours. Une base de données a été créée par l’IFAO. Et depuis 2016, le CFEETK travaille sur la reconstruction des murs de la cour de la Cachette.
— Avez-vous découvert une nouvelle cachette ?
— Entre décembre 2014 et janvier 2015, nous avons découvert une cachette du côté Est du temple de Ptah qui ne renfermait qu’une quarantaine d’objets et de statues en pierre et en bronze. Parmi eux, des amulettes en métal (alliage cuivreux et plomb) représentent la déesse Osiris assise ou debout, ainsi qu’un babouin et la déesse Mout debout. Nous avons également trouvé des objets en fritte émaillée, dont une statuette de babouin et une autre de chatte, trois récipients globulaires, une petite plaquette quadrangulaire et la partie supérieure d’une stèle portant le nom du dieu Ptah. Parmi les objets en pierre se trouvaient une statuette de la déesse Mout assise, consacrée par un certain Nespaoutytaouy, père divin et prêtre d’Amon-Rê, ainsi qu’une statuette de facture relativement grossière représentant deux Osiris assis côte à côte. Ces objets remontent à la Basse Epoque, plus précisément, à la Troisième Période intermédiaire. Mais cette cachette reste évidemment beaucoup plus modeste que celle découverte par Legrain !
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