Sameh Choukri, lors de sa rencontre avec son homologue, tunisien Khemaïs Jhinaoui.
(Photo : AFP)
Correspondance —
Lors de sa visite en Tunisie la semaine dernière le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choukri, a coprésidé l’ouverture de la 13e édition de la Commission de concertation politique égypto-tunisienne. Bien entendu, la crise libyenne a occupé une place centrale dans les travaux de cette commission, mais aussi lors des rencontres du ministre égyptien avec les responsables tunisiens, notamment avec le président Béji Caïd Essebsi. L’Egypte oeuvre très étroitement avec la Tunisie et l’Algérie en vue de trouver un règlement politique à la crise libyenne, et éviter plus de détérioration dans ce pays voisin. Lors d’une brève conférence de presse au siège du ministère tunisien des Affaires étrangères, à l’issue d’une rencontre avec son homologue tunisien Khemaïs Jhinaoui, M. Choukri a répondu de manière diplomatique à la question de savoir comment l’Egypte se concerte avec la Tunisie en vue d’une solution politique en Libye : « Alors que l’Egypte garde des liens très forts avec l’Est libyen, la Tunisie est plus proche des forces de l’Ouest ».
Le ministre égyptien a rejeté toute divergence entre l’Egypte et la Tunisie à propos de la Libye, affirmant que les deux pays « partagent la même vision sur le rétablissement de la stabilité en Libye ». Il a également noté que l’Egypte travaille avec les parties libyennes sans exception, l’Est, l’Ouest mais également le Sud du pays. En réponse à une question similaire, cette fois au siège du parlement, à l’issue de sa rencontre avec le chef du parlement tunisien Mohamed Ennaceur, le ministre égyptien s’est défendu contre « une prise de partie en faveur du général Khalifa Haftar », commandant de l’armée nationale libyenne. Là aussi, le ministre a insisté sur la neutralité de l’Egypte qui assure un rôle « d’intermédiaire entre toutes les parties ».
Depuis la chute du colonnel Muammar Kadhafi, en octobre 2011, l’Egypte est très présente sur la scène libyenne. Le Caire craignait que certains pays de la région connus pour leur soutien aux islamistes n'aient profité du chaos libyen et de la vacance de pouvoir dans ce pays pour s’y incruster. Le chaos qui règne en Libye a favorisé le trafic d’armes vers l’Egypte. Le Caire qui se soucie de la sécurité de ses frontières ouest, menacées à plusieurs reprises par des actes terroristes, multiplie à présent les initiatives pour régler la crise libyenne.
Multiples efforts
Le 12 janvier Le Caire avait accueilli le chef du Gouvernement d’union nationale (GNA) en Libye, Fayez Al-Sarraj. Deux semaines auparavant, le 28 décembre dernier, le président du parlement libyen, Aguila Saleh, a été également reçu au Caire. La capitale égyptienne a également accueilli les 12 et 13 décembre 2016 une conférence consacrée à la Libye. De même, avant de se rendre en Tunisie, le ministre des Affaires étrangères, Sameh Choukri, s’est réuni le 21 janvier avec ses homologues des pays voisins de la Libye en présence du chef de la mission de l’Onu pour la Libye, Martin Kobler.
Cette série de réunions a permis de concrétiser un plan pour une solution politique en Libye sur la base de l’accord de Skhirat, signé au Maroc le 17 décembre 2015 sous la houlette de l’Onu. Cela dit, la solution envisagée est susceptible d’élargir ledit accord, en permettant notamment la représentation politique de certaines parties qui ont été jusqu’ici exclues, compte tenu de la nouvelle réalité sur le terrain. Les principes convenus prévoient en outre le respect de l’intégrité territoriale de la Libye et le refus de toute ingérence dans les affaires libyennes. A ce propos, la lutte antiterroriste devra désormais se poursuivre dans le cadre de la légitimité politique afin d’éviter qu’elle ne serve de prétexte pour justifier l’ingérence de pays étrangers.
Un autre principe, souligné dans le communiqué de la conférence tenue au Caire en décembre, concerne l’armée libyenne laquelle devra rester au-dessus des divergences politiques. L’activité diplomatique des pays voisins de la Libye, ces dernières semaines, suggère un changement des alliances régionales qui ont perduré ces deux dernières années. Le Caire a commencé à s’ouvrir aux adversaires du général Haftar pour construire des ponts de communication avec d’autres formations politiques, tribales ou supratribales. De son côté, l’Algérie a accueilli pour la première fois le général Haftar le 18 décembre dernier. Par ailleurs, Le Caire et Alger semblent dépasser leur divergence quant à la participation des Frères musulmans en Libye dans les négociations politiques. Le Caire devient plus compréhensif de la position algérienne qui s’oppose à toute exclusion. La récente visite du chef de la diplomatie égyptienne à Tunis est un pas vers la tenue d’un sommet tripartite égypto-algéro-tunisien sur la Libye. Si le lieu dudit sommet est connu d’avance, étant donné la difficulté du président algérien à se déplacer, sa date reste cependant inconnue, même si des observateurs tunisiens la situent à la mi-février.
Dans ses déclarations aux journalistes, le ministre Sameh Choukri a salué l’initiative du président Béji Caïd Essebsi de tenir un tel sommet. « L’Egypte l’apprécie et s’y intéresse », a-t-il insisté. Choukri a ajouté que ce sommet nécessiterait des réunions préalables au niveau des chefs de la diplomatie des trois pays. « Les dirigeants se réuniront une fois tous les préparatifs terminés », a-t-il ajouté. Dans des déclarations à l’Hebdo le 7 janvier, l’envoyé spécial de la Ligue arabe pour la Libye, Salaheddine Jamali, avait estimé que la tenue du sommet tripartite était pour bientôt, ajoutant que les parties libyennes sont aujourd’hui prêtes à accepter des modifications sur l’accord de Skhirat. Les propos de Jamali portent à croire que le chemin est pavé pour une solution politique en Libye, surtout que les pays arabes se montrent prêts à travailler sous l’égide de l’Onu et en concertation avec son envoyé, Martin Kobler. Si le sommet tripartite se fait attendre, c’est que les pays concernés, y compris l’Egypte, sont soucieux de lui garantir les conditions de réussite. Ce qui signifie plus de temps pour des efforts supplémentaires auprès des parties libyennes.
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