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Gaza au bord du gouffre

Amira Samir, Mardi, 31 janvier 2017

Les habitants de la bande de Gaza se sentent pris au piège du blocus imposé par Israël et ses effets économiques, sociaux et politiques.

Gaza au bord du gouffre
Les Gazaouis n'ont accès à l'électricité que 4 heures par jour. (Photo : AFP)

Ces derniers jours, les rues de la bande de Gaza (gérée par le mouvement Hamas) ont été le théâtre d’une série de manifestations contre la pénurie d’électricité. En effet, depuis la fin de 2016, le courant est coupé près de 20h par jour. L’unique centrale électrique de Gaza a été confrontée à des pénuries de carburant à cause d’une « querelle » entre certaines organisa­tions palestiniennes. En Cisjordanie, l’Autorité palestinienne, (dominée par le parti Fatah, rival du Hamas) qui gère les achats de carburant en provenance d’Israël, demande au Hamas la valeur de plusieurs factures impayées ainsi que celle des taxes imposées sur le combustible.

En fait, la bande de Gaza, quasiment coupée du monde extérieur, dépend des importations d’électricité en provenance d’Israël et d’Egypte. « 70 % des foyers ou environ de ce territoire ne paient pas leurs factures d’électri­cité, soit parce qu’ils sont trop pauvres, soit parce que la collecte de l’argent est défaillante », indique un communiqué de l’Onu. De son côté, le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza depuis 2007, met en cause Israël, et la hausse de la demande causée par l’hiver. Il impute la crise à de nombreux autres facteurs, dont aussi la destruction des tunnels passant sous la frontière avec l’Egypte à travers lesquels transitait le combustible. Selon l’AFP, les manifestations ont été dispersées par force par les forces de sécurité du Hamas. Comme solution temporaire de ces difficultés d’approvi­sionnement, le Qatar s’est engagé, la semaine dernière, à verser à l’Autorité palestinienne plus de 12 millions de dollars pour l’achat de carbu­rant pour Gaza. Ainsi, l’Autorité de l’électricité de la bande a annoncé qu’elle fournirait prochai­nement de l’électricité par intervalles de 8 heures par jour.

En fait, le blocus israélien de la bande de Gaza, qui dure depuis plus de 10 ans, com­plique la situation. Cette centrale électrique, bombardée maintes fois lors des guerres des Gazaouis avec Israël, ne produisait pas déjà assez d’électricité avant la crise actuelle. Cette pénurie d’électricité s’ajoute à une crise huma­nitaire permanente et à des difficultés écono­miques. Tributaires pour les deux tiers de l’assistance internationale, les deux millions d’habitants de ce territoire souffrent de plu­sieurs crises. Et la situation humanitaire s’est aggravée ces dernières années, notamment après la deuxième moitié de 2013, la fermeture presque totale du terminal de Rafah et la dété­rioration des relations avec l’Egypte sur fond de sa crise avec les Frères musulmans. « Le blocus est plus ancien de l’autre côté de la frontière avec Israël depuis dix ans. Les trois guerres d’Israël avec la bande de Gaza, entre 2008 et 2014, ont semé la mort de milliers de personnes et la destruction des constructions et de l’infrastructure. La vie des Gazaouis ne cesse de se dégrader. Ils ont vécu les pires processus de destructions dans l’histoire de leur territoire. Et le processus de reconstruc­tion de Gaza, adopté par plusieurs pays et organismes internationaux, est très lent », explique Ossama Mégahed, chercheur au Centre des études d’Al-Ahram. Ceux-ci ne peuvent pas sortir facilement de la bande de Gaza et commercer avec le monde extérieur, même vers les marchés palestiniens de Cisjordanie. Pêcheurs et agriculteurs ne peu­vent pas accéder à leurs zones, et ils sont fré­quemment la cible de tirs israéliens.

Invivable d’ici à 2020

L’économie de Gaza est ainsi dévastée, avec un taux de chômage parmi les jeunes de plus de 45 %, soit le plus élevé au monde. Les besoins humanitaires restent encore considé­rables et les aides internationales ne sont pas suffisantes. Selon l’Onu, cette enclave de Gaza risque de devenir « invivable » d’ici à 2020. « C’est une crise qui inquiète pour ses consé­quences sanitaires. Des cas d’enfants morts de froid ont déjà été relevés, même si les décès n’ont pas été confirmés à ce jour », indique à l’AFP Nikolai Mladenov, l’émissaire de l’Onu pour le processus de paix au Moyen-Orient, en exprimant sa profonde inquiétude. Le Hamas et l’Autorité palestinienne se rejettent mutuel­lement la faute. Un texte voté par le Conseil de l’Europe (prônant la défense des droits de l’homme au sein de l’Union européenne) et publié le 25 janvier accuse Israël d’être respon­sable de la crise humanitaire à Gaza et d’y tuer systématiquement et illégalement des civils. La fermeture du terminal de Rafah a également ses effets négatifs. Mais la réconciliation du Hamas avec l’Egypte aura sans doute ses résul­tats. Ce samedi, l’Egypte a décidé la réouver­ture du passage pour 4 jours consécutifs. Elle n’a pas encore décidé la réouverture à titre permanent de sa frontière avec la bande de Gaza. Certains politologues et experts égyp­tiens estiment que ce n’est pas le temps de parler d’une ouverture à titre permanent à la lumière des attaques terroristes au Sinaï. D’autres s’opposent à ce point de vue. « Il ne faut pas lier l’ouverture du terminal aux attaques terroristes en Egypte. Plusieurs tun­nels entre l’Egypte et Gaza ont été détruits en coopération avec le Hamas », estime Ahmad Kamal, chercheur au Centre régional des études stratégiques.

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