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Trump et une nouvelle ère mondiale

Mardi, 24 janvier 2017

Le discours inaugural prononcé par le 45e président des Etats-Unis au cours de la cérémonie d’investiture, vendredi 20 janvier 2017, était, si l’on s’attelle à le décrire, vraiment étrange. De coutume, les dis­cours présidentiels inaugurant un nouveau mandat sont caractérisés par leur aspect réconciliateur et sont plutôt conçus comme des tentatives de remé­dier aux plaies causées par la bataille électorale. Le président nouvellement élu oeuvre alors à rallier ses supporters comme ses détracteurs en leur offrant de s’unir autour des perspectives d’un ave­nir commun. Au contraire, le discours inaugural de Trump était offensif, pointant du doigt les institu­tions au pouvoir qu’il n’a cessé d’accuser de servir des intérêts privés au détriment de ceux du peuple américain. Ce ton menaçant a marqué son discours de la première à la dernière minute.

D’habitude, le discours inaugural est la première occasion où le président élu prend la posture d’un chef d’Etat et où il lui incombe de jouer le rôle d’équilibriste et de faire preuve de grande sagesse qui s’avère être une exigence de son nouveau poste. Dans de tels cas, un discours plus modéré et plus raisonnable vient céder la place aux mots enflammés des campagnes électorales. En effet, cette fois-ci, le discours s’est voulu être le prolon­gement naturel des discours précédents lorsqu’il était en campagne électorale et était ponctué par les mêmes émotions et le même langage populiste. A tel point qu’on avait l’impression qu’il s’adresse à ses électeurs à l’intérieur d’un complexe électo­ral et non pas à partir du siège du pouvoir au Capitole à Washington, devant des milliers de personnes venues de partout.

C’est Trump en personne qui a rédigé son dis­cours. Ce qui prouve qu’il est l’expression franche et directe de la vision que Trump avait proposée tout au long de sa campagne électorale et qui s’est raffermie davantage. Après l’annonce de la vic­toire de Trump, les observateurs s’attendaient à voir un quelconque changement de sa part, d’au­tant plus que la vision qu’il avait transmise lors de sa campagne était non traditionnelle jusqu’à frôler la bizarrerie. Mais contrairement aux attentes, rien n’a changé.

Certains assistants et conseillers de Trump avaient d’ailleurs fait des déclarations selon les­quelles le nouveau locataire de la Maison Blanche s’attellerait à la tâche dès le premier jour de son investiture et qu’il aura des comptes à faire au peuple américain et n’attendrait pas les 100 pre­miers jours comme il est de coutume.

Tout ceci rend le discours de Trump unique parmi tous les discours d’investiture américains.

Le ton de Trump nous rappelle les réactions occidentales critiquant de manière acerbe les dis­cours populistes de nos leaders arabes. Ils les considéraient comme le reflet d’une arriération imminente de notre tiers-monde. Aujourd’hui, il s’agit de l’inverse, et nombreux sont ceux qui, dans notre monde arabe, reprennent le même refrain à l’encontre des discours populistes éma­nant de l’Occident. Mais, rappelons-nous que c’est ce discours populiste qui lui a valu cette victoire inattendue aux urnes et qui l’a propulsé à la Maison Blanche. Trump a également fermement tenu à répéter son attachement au rôle de l’Etat dans l’économie et à l’encouragement de l’indus­trie nationale allant à l’encontre du principe du marché libre, qui est une composante essentielle de l’idéologie du Parti républicain. Cette politique économique était critiquée dans notre monde arabe à chaque fois qu’il y avait des tentatives de l’adop­ter pour protéger nos industries nationales. Il est donc temps qu’on arrête de reprendre aveuglément les idées occidentales et d’adopter des lignées qui seraient plus conformes à notre intérêt national. Peu importe si elles ne recueillent pas le consente­ment de l’Occident.

Les contradictions de Trump ne font que s’am­plifier, la plus imminente étant celle de sa politique « protectionniste » qui va à l’encontre de l’idéolo­gie du Parti républicain, d’autant plus qu’il n’a pas obtenu à cet égard l’approbation des députés de son parti au sein des deux chambres législatives. Il se trouve donc dans une impasse, car il ne pourra se passer de l’incontournable majorité républicaine du Congrès pour faire passer et appliquer sa nou­velle politique.

La seconde contradiction est l’avertissement qu’il a brandi contre les milieux d’affaires et les businessmen qui s’enrichissent aux dépens du « citoyen oublié », alors que lui-même appartient à ce segment d’Américains qui ont accumulé les richesses ignorant les larges tranches américaines défavorisées.

La troisième et la plus dangereuse contradiction est son hostilité aux institutions étatiques à Washington auxquelles il s’est adressé en disant qu’il est temps « d’arracher leur pouvoir et le restituer au peuple ». Vraisemblablement, il visait par ces mots la Maison Blanche, le Pentagone, le secrétariat d’Etat et les institutions les supportant telles que les institutions financières, les médias et la presse. En même temps, il a exprimé sa loyauté envers Israël et la protection de ses intérêts, en lui faisant une promesse qu’aucun autre président n’a osé faire. L’on se demande cependant : comment Trump peut-il s’opposer farouchement aux institu­tions américaines gouvernantes avec à leur tête le lobby juif, et en même temps, accorder à ce dernier un soutien inconditionnel ?

Le discours inaugural de Trump était différent de ceux de ses prédécesseurs. Il augure certes une nouvelle ère non seulement aux Etats-Unis, mais également dans le monde entier.

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