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Gambie : Le coup de force de la CEDEAO

Sabah Sabet avec agences, Lundi, 23 janvier 2017

Sous la menace d’une intervention militaire et suite à une forte pression internationale, l'ex-président gambien, Yahya Jammeh, a finalement accepté de céder le pou­voir à Adama Barrow, le prési­dent élu le 1er décembre.

Gambie : Le coup de force de la CEDEAO
Le départ de Jammeh a fait déclencher des manifestations de joie à Banjul. (Photo:AFP)

Après six semaines d’in­quiétude et de crainte que la crise politique ne vire au conflit armé, les médiations, ou plutôt les pressions internationales, ont évité de justesse que la Gambie ne sombre dans le chaos. Ainsi, après avoir refusé de quitter le siège présidentiel, l’ex-président gambien, Yahya Jammeh, est finalement parti samedi soir, pour s’exiler en Guinée équatoriale via la Guinée, après avoir cédé le pouvoir à Adama Barrow, le prési­dent élu dont il contestait l’élection. Des proches et collaborateurs de M. Jammeh ont aussi quitté Banjul samedi soir, mais dans un avion mauritanien.

Cette sortie, qui a mis fin à six semaines de crise politique, a déclenché des manifestations de joie à Banjul. Elle a surtout apaisé les tensions, alors qu’une intervention militaire africaine pour contrer Jammeh à céder le pouvoir était déjà à l’ordre du jour. Dans une déclara­tion lue en son nom samedi soir sur la télévision d’Etat GRTS, l’ex-pré­sident a souhaité bon vent à son successeur, élu le 1er décembre, mais dont il avait contesté la victoire après l’avoir félicité dans un premier temps. « J’ai décidé aujourd’hui en conscience de quitter la direction de cette grande nation, avec une infinie gratitude envers tous les Gambiens », a-t-il déclaré. « En tant que musul­man et que patriote, j’estime qu’il n’est pas nécessaire qu’une seule goutte de sang soit versée », a-t-il affirmé.

En fait, ce départ a été obtenu à l’issue d’intenses et longues discus­sions avec les présidents mauritanien Mohamed Ould Abdel-Aziz et gui­néen Alpha Condé, engagés dans une ultime médiation par la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO, 15 pays dont la Guinée, mais pas la Mauritanie), alors que la Cédéao brandissait en même temps la menace d’un recours à la force. Dans un communiqué, M. Condé « s’est félicité de l’issue heu­reuse de la crise en Gambie, qui a permis par le dialogue d’éviter un bain de sang ». L’accord conclu pré­voit le départ de Yahya Jammeh de Gambie pour un pays africain avec toutes les garanties pour sa famille, ses proches et lui-même. Dans une déclaration commune publiée peu après le départ de l’ex-président, la Cédéao, l’Union africaine et l’Onu ont annoncé garantir les droits de Yahya Jammeh, y compris à revenir dans son pays, saluant sa « bonne volonté » pour parvenir à un dénoue­ment pacifique de la crise. Les trois organisations veilleront à le sous­traire, avec les siens, aux tentatives de « harcèlement » et de « chasse aux sorcières ». Elles se portent éga­lement garantes des propriétés de l’ex-président, de sa famille, des membres de son régime ou de son parti, selon le texte.

Avant même que cette ultime médiation ne porte ses fruits, le pré­sident élu, Adama Barrow, fort du soutien africain et international, a prêté serment jeudi dernier à l’am­bassade gambienne à Dakar, ville où il est accueilli depuis le 15 janvier à la demande de la Cédéao. Et pendant que M. Barrow prêtait serment, une opération baptisée « Restaurer la démocratie » avait été lancée par la Cédéao pour forcer le départ de Jammeh. L’opération avait débuté à partir du territoire sénégalais, dans lequel la Gambie est totalement enclavée à l’exception d’une étroite façade côtière, après le vote unanime d’une résolution au Conseil de sécu­rité de l’Onu. Puis, elle a été suspen­due suite à l’accord de dernière minute. Et c’est sans doute cette opération et les risques qui auraient pu s’ensuivre qui ont obligé l’ex-président à partir, d’autant plus que l’armée l’avait, elle aussi, lâché. Jammeh s’est donc trouvé encerclé aussi bien à l’intérieur de son pays qu’à l’extérieur. Il n’avait plus d’autre choix d’autant plus que le coup de force de la Cédéao était béni par la communauté internationale.

La crise en Gambie, ce pays anglo­phone de moins de deux millions d’habitants, a éclaté le 9 décembre, lorsque Jammeh a refusé de recon­naître les résultats de l’élection pré­sidentielle du 1er décembre, dont Adama Barrow a été déclaré vain­queur. Pourtant, une semaine aupa­ravant, il avait félicité M. Barrow pour sa victoire. De multiples initia­tives ont ensuite été prises pour le faire changer d’avis, notamment par la Cédéao, sans succès, jusqu’à la médiation de vendredi dernier.

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