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Syrie : Un nouveau round hypothétique

Samar Al-Gamal, Mercredi, 18 janvier 2017

Les Russes, en collaboration avec la Turquie et l'Iran, pèsent de leur poids pour un nouveau processus de négociations autour de la Syrie dans la capitale kazakhe. Quels en sont les contours et les chances ?

Syrie : Un nouveau round hypothétique
(Photo : Reuters)

Le mot-clé semble être la bataille d’Alep. Après cinq ans de guerre civile, le régime de Bachar Al-Assad, soutenu par son allié russe, a marqué une victoire provoquant la chute de ce fief rebelle et poussant l’opposition à une nouvelle table de négociation où le départ de Bachar n’est plus à l’ordre du jour. Genève qui, depuis des années, se positionne comme siège des pourparlers entre le régime de Damas et ses opposants sous la houlette de l’Onu ou encore des Etats-Unis, cède désormais la place à une ville beaucoup plus à l’est, reflétant un nouvel équilibre des forces où la Russie prend les devants.

Astana, la capitale du Kazakhstan, accueille le 23 janvier de nouveaux entretiens à la recherche d’une issue à la crise syrienne qui perdure. Ce nouveau meeting est le fruit d’une entente turco-russe en coordination avec l’Iran. Alors qu’ils étaient au bord du conflit en novembre 2015 après qu’un avion bombardier russe eut été abattu par les forces turques, Moscou et Ankara parlent désormais d’une seule voix. Elles ont préparé ensemble un accord sur un cessez-le-feu en Syrie et qui est entré en vigueur le 29 décembre, de quoi encourager les belligérants à se retrouver avant le nouveau round de négociations parrainées par l’Onu et qui seront organisées à Genève le 8 février. L’accord sur le cessez-le-feu, quoique fragile puisqu’il ne concerne pas l’organisation djihadiste de l’Etat islamique, est le premier signé par 7 groupes armés, dont le puissant Ahrar Al-Cham, fort de 62 000 combattants (lire page 4). La Coalition Nationale Syrienne (CNS), la principale formation de l’opposition en exil, ainsi que le Haut Comité des Négociations (HCN), qui regroupe une grande partie de l’opposition syrienne, ont exprimé l’espoir que la rencontre d’Astana renforcera la trêve conclue, dont l’une des clauses exige l’ouverture de pourparlers pour trouver une solution au conflit.

Terrain propice ?

Syrie : Un nouveau round hypothétique	Syrie : Un nouveau round hypothétique
Les ministres russe, iranien et turc des Affaires étrangères, réunis à Moscou le 20 décembre 2016. (Photo : AFP)

Le vice-premier ministre du gouvernement provisoire à l’exil, Waguih Gomaa, estime que la conférence d’Astana pose les fondements d’un règlement politique et pacifique en Syrie. Il estime que le terrain est propice maintenant, car la Russie, qui soutient Bachar, veut passer de la solution militaire à un processus politique. Il s’agit d’une « déclaration de la volonté (des parties au conflit, ndlr) de lancer des négociations de paix sur le règlement syrien », avait déclaré le président russe.

Engagée militairement depuis septembre 2015 en Syrie, la Russie a complètement bouleversé la donne en partant au secours de Bachar qui était en véritable difficulté face aux rebelles. Mais Moscou veut désormais alléger son dispositif militaire en Syrie. « Le ministère russe de la Défense a commencé à réduire les forces militaires déployées pour la Syrie », ont annoncé les médias russes la semaine dernière, citant le chef d’état-major, le général Valeri Guérassimov. Cette mesure s’appliquera en premier au groupe aéronaval autour du porte-avions, Amiral Kouznetsov, dont les objectifs « ont été atteints », selon le commandant des forces russes en Syrie. « L’idée principale des Russes au début était de réunir des chefs militaires des différentes parties à Astana pour consolider la trêve, mais les Turcs ont poussé pour donner à la réunion un aspect politique », explique un haut diplomate égyptien qui a servi en Syrie. Ankara a ainsi réussi à amener Moscou à reconnaître implicitement l’opposition syrienne qu’elle a toujours qualifiée de « terroriste ».

La donne Bachar

Le même diplomate estime aussi que le discours autour d’une victoire politique de Bachar Al-Assad est peu fiable. « Bachar est certes inquiet de voir ses alliés coordonner son sort avec ses ennemis. Il craint de se retrouver acculé », ajoute-t-il.

Les diplomates proches du dossier syrien placent le rapprochement turco-russe dans un contexte plus large. « Dans leurs discussions avec la Russie, les Turcs ne posent pas le départ de Bachar comme préalable, mais ceci ne veut pas dire qu’ils y ont renoncé », explique un diplomate qui a requis l’anonymat. Les rebelles sont effectivement sous forte pression militaire. En effet, toutes les tentatives pour imposer le départ de Bachar Al-Assad se sont brisées face à la réalité sur le terrain. Les cinq premières villes du pays, à savoir, Damas, Alep, Lattaquié, Homs et Hama, sont désormais sous le contrôle du gouvernement

En position de faiblesse, les groupes armés avaient à choisir entre une fuite en avant ou une négociation avec le régime. Ils semblent avoir opté pour la deuxième solution. De quoi expliquer l’ambiguïté sur l’ordre du jour de la rencontre. « La date des négociations peut changer à tout moment et il n’est pas clair de toute façon pourquoi ces parties vont se retrouver », se demande un haut responsable au ministère égyptien des Affaires étrangères. « Est-ce pour consolider la trêve et préparer le terrain aux négociations de Genève ou pour établir une feuille de route en vue d’une solution au conflit ? », s’interroge le diplomate qui doute de l’efficacité de la rencontre d’Astana.

Les pays arabes en marge

Il affirme pourtant que Le Caire appuie toute initiative pour instaurer une trêve en Syrie. Cela dit, l’Egypte et le reste des pays arabes semblent d’ailleurs exclus de ce nouveau processus. Ils ont été absents de l’accord tripartite turco-russo-iranien sur le cessez-le-feu en Syrie et n’ont pas non plus jusqu’à cette heure été invités à la future rencontre. Le secrétaire général adjoint de la Ligue arabe, Hossam Zaki, a déclaré que « cela nous attristerait », si un règlement de la crise syrienne se réalisait sans participation arabe (lire article page 5).

Les Syriens, eux, préfèrent s’appuyer sur la Turquie. L’opposition a ainsi tenu une rencontre dans la capitale turque pour prendre la décision de participer aux pourparlers d’Astana. Au total, 27 des 31 groupes d’opposition ont convenu de former une délégation unique pour les représenter. Une dizaine de groupes rebelles avaient suspendu leur participation aux préparatifs des négociations, accusant le régime de violer la trêve en vigueur. Le haut diplomate égyptien appelle à ne pas placer tant d’espoir sur la réunion kazakhe, même si les Russes semblent confiants. D’après lui, « il faudrait atteindre la conclusion d’une plus grande transaction quelque temps après l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche ». Les pourparlers se tiennent, en effet, le premier jour de la prise de fonctions de l’Administration Trump.

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