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L’association des Frères musulmans », un nom que l’on entendra désormais sur la scène politique égyptienne. Conformément à la loi 84/2002 sur les ONG, cette association a été créée pour remplacer la soi-disant confrérie autrefois «
interdite mais tolérée » sous Moubarak. Les procédures de cette autorisation sont critiquées de la part des politologues aussi bien que les juristes. Plusieurs interrogations ont émergé sur la scène avec en tête de liste celle concernant la source de financement des Frères musulmans. Une interrogation qui est restée sans réponse, même sous le régime de Moubarak.
Suite à la proclamation de cette association, les Frères seront donc obligés — et pour la première fois de l’histoire — de dévoiler leurs comptes et leur financement, au moins devant les autorités concernées, conformément à la loi sur les ONG. Celle-ci rend obligatoire le contrôle par l’Organisme central des comptes des fonds et comptes des associations et institutions civiles. C’est à cause de cette condition que les dirigeants de la confrérie ont fortement contesté la loi sur les ONG lors de sa promulgation en juillet 2002.
Même après la révolution du 25 janvier, les Frères musulmans parlent d’un autofinancement, venant « des poches des membres de la confrérie et des donations privées », comme l’avait confirmé Ahmad Abou-Baraka, porte-parole du Parti Liberté et justice, bras politique de l’association, refusant tout contrôle externe. Il rejette les accusations quant au financement étranger, notamment des pays du Golfe comme le Qatar et l’Arabie saoudite, assurant qu’elles sont infondées : « Celui qui a des preuves que nous recevons des financements de l’étranger doit les présenter ».
Il faut le dire, ce dossier a longtemps été tenu secret et il le restera d’ailleurs encore longtemps puisque la ministre de la Solidarité sociale, Nagwa Khalil, affirme : « Le contrôle du financement de l’association ne sera appliqué que suite à un exercice effectif de ses activités ». Des déclarations qui suscitent un débat. « Nous sommes face à un complot politique bien arrangé entre les dirigeants de la confrérie et les autorités concernées », souligne le politologue Hassan Nafea, estimant que « cette autorisation n’est qu’un nouveau scandale qui vient s’inscrire dans l’histoire noire des Frères musulmans ».
Quatre recours
Il faut rappeler que cette autorisation de constitution d’association intervient une semaine avant que la justice ne tranche quatre recours exigeant la dissolution de la confrérie, présentés en septembre dernier devant la Cour administrative par plusieurs avocats dont Chéhata Mohamad, directeur du Centre arabe de la transparence, et qui devaient être tranchés le 26 mars. Pour éviter un éventuel verdict, les dirigeants des Frères musulmans se sont précipités pour régulariser leur situation, même en détournant la loi. Les procédures l’approuvent : la ministre de la Solidarité sociale a reçu le 19 mars « une demande répondant à toutes les conditions affirmant que les activités de cette association sont semblables à toute autre ONG enregistrée ». Ainsi, elle a accordé l’autorisation de créer cette association conformément à l’article 51 de la nouvelle Constitution qui accorde aux citoyens « le droit de former des associations civiles sur une simple notification, en leur permettant de régulariser leurs positions plus tard ». Une autorisation considérée comme étant une grave violation de la Constitution, selon l’ex-député Hamdi Al-Fakharany qui vient d’intenter le 24 mars un procès contre la constitutionnalité de cette autorisation, puisque le texte constitutionnel ne peut être effectif qu’après la publication des lois.
Alors que la nouvelle loi sur les ONG n’a pas encore été promulguée, ceci rend obligatoire le respect de la loi en vigueur, selon l’article 222 de la Constitution. Dans ce contexte, selon des observateurs, la ministre aurait dû attendre la promulgation de la nouvelle loi, ou plutôt assurer que l’association répond aux conditions de la loi actuelle. Une mesure qui n’a pas été prise. « L’autorisation a été accordée sans effectuer les enquêtes de sécurité pour déterminer si les Frères musulmans font de la politique ou pas, ou même s’ils s’engagent dans des activités armées ou menaçant l’unité nationale », dénonce Al-Fakharany, ajoutant que « l’histoire des Frères renferme déjà des actes hostiles et des assassinats politiques, et qu’ils exercent des activités politiques ».
Des accusations rejetées par l’avocat de la confrérie qui affirme avoir répondu aux conditions de la loi actuelle.
Contournement de la loi
Nouveau détournement ? Il semblerait que oui. Si la loi implique que la demande de création d’une ONG n’est décidée que 60 jours après sa présentation aux autorités et que celle-là ne doit pas faire de politique, les Frères ont su bien contourner cette entrave. Ils ont eu recours à une demande déjà présentée par Mohamad Akef, neveu de l’ex-guide suprême de la confrérie, Mahdi Akef, en mai 2012, réclamant la création d’une association caritative, baptisée l’association des Frères musulmans. A l’époque, cette demande était rejetée par les membres de la confrérie, par crainte d’influer négativement sur leur popularité basée déjà sur des activités caritatives, avant les élections législatives et présidentielles. Aujourd’hui, elle devient un moyen pour régulariser leur statut. En outre, un document est présenté affirmant que Mohamad Akef serait le directeur et que ses membres n’ont jamais fait de politique.
Une fois l’association créée, elle est obligatoirement soumise à la loi 84/2002. Une loi qui présume un changement au niveau de la structure de la confrérie et de ses activités. Mais les choses iront sûrement dans le sens des Frères musulmans : une nouvelle loi est aujourd’hui en cours d’élaboration au Conseil consultatif qui assume le rôle de législateur jusqu’à l’élection d’un nouveau Parlement. Le projet de loi est confié à la commission du développement humain dont le président ainsi que près de la moitié des membres sont issus de la confrérie. Le texte en préparation accorderait déjà de larges activités aux associations et permettrait la création de bureaux à l’étranger. L’un des articles stipule aussi qu’il revient aux autorités concernées d’autoriser ou non les financements étrangers de l’organisation. Une loi qui serait, selon les spécialistes, taillée sur mesure pour les Frères musulmans.
Du pareil au même
Une association, c’est un regroupement d’au moins deux personnes qui décident de mettre en commun des moyens, afin d’exercer une activité ayant un but premier autre que leur enrichissement personnel. Les associations peuvent avoir des activités variées : promotion et pratique d’une activité (sport, activité manuelle, culturelle, etc.), défense d’une catégorie de personnes (étudiants, handicapés, victimes, usagers ...), action sociale et humanitaire (aide à domicile, soins gratuits, distribution de nourriture, garde d’enfants ...), animation d’un quartier ou d’une ville, etc.
Lorsque l’association a une envergure internationale, on parle d’Organisation Non Gouvernementale (ONG).
Une confrérie, c’est une compagnie composée de communautés regroupant des personnes associées pour une oeuvre pieuse ou charitable. Elle est destinée à favoriser une entraide fraternelle. La confrérie est en général dirigée par un grand maître, ou un guide suprême. Chaque confrérie a sa propre réglementation qui organise ses affaires intérieures.
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