Le retour de Musharraf ne fait pas l'unanimité au Pakistan.(Photo : Reuters)
Alors que le pays assiste à une grave flambée de violence, le Pakistan entre dans une nouvelle phase politique, puisque des élections historiques sont prévues pour le 11 mai. Cependant, les partis pakistanais craignent que cette nouvelle vague d’attentats ne perturbe les rassemblements politiques, voire la tenue même de ce scrutin-clé pour la consolidation de la démocratie dans ce pays de 180 millions d’habitants, abonné aux coups d’Etat depuis sa création en 1947. La liste des attentats perpétrés récemment rend incertain le sort de ce scrutin. Dimanche, un attentat à la bombe a tué 2 personnes et en a blessé 6 près d’un rassemblement électoral. Samedi, un attentat au nord-ouest du pays a tué un policier et fait 6 blessés.
Par ailleurs, une bombe a explosé le même jour devant les locaux d’une ONG militant pour les droits des femmes à Peshawar. Vendredi, un grave attentat contre le convoi d’un haut responsable de la police pakistanaise a fait au moins 12 morts et 30 blessés en plein coeur de Peshawar, grande ville du nord-ouest à la lisière de l’Afghanistan. Déjà, les autorités pakistanaises estiment que plus de 35 000 personnes sont mortes à la suite d’attentats dans le pays depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis. De peur que ces violences ne perturbent le scrutin historique du 11 mai, l’armée pakistanaise a intensifié cette semaine ses opérations au nord-ouest du pays pour repousser les talibans.
La campagne électorale bat son plein
La campagne électorale a démarré cette semaine au Pakistan. Pour l’heure, les législatives devraient se jouer comme souvent entre les deux grands partis traditionnels pakistanais, le Parti du Peuple Pakistanais (PPP) du président Zardari et la Ligue musulmane du Pakistan (PML-N) de Nawaz Sharif. Le PPP et la PML-N auront chacun besoin de l’appui de tiers parti pour former le gouvernement, estiment les analystes, qui s’attendent également à ce que le Mouvement pour la justice, parti de l’ancienne star du cricket Imran Khan, gagne des sièges. Certains sondages donnent l’avantage au parti de Sharif face à celui de Zardari, plombé par le mauvais bilan de son gouvernement en matière économique, sécuritaire et énergétique, et par des accusations de corruption. La très probable nécessité de devoir former une coalition pour pouvoir gouverner laisse le jeu ouvert. Samedi, Nawaz Sharif a entamé sa campagne en affirmant être favorable à un dialogue avec les talibans, et accusant le gouvernement d’être responsable de cette détérioration de la sécurité pour avoir fait « marche arrière » dans ses « engagements » pris avec les insurgés.
Le dernier protagoniste qui est entré sur scène cette semaine est l’ancien président Pervez Musharraf, qui est rentré la semaine dernière au pays après 4 ans d’exil. Très probablement impliqué dans le meurtre de l’ancienne première ministre, Benazir Bhutto, Musharraf a comparu vendredi devant la justice pakistanaise qui a prolongé la liberté sous caution de l’ancien président pour lui donner la chance de participer aux élections. « Je vais participer à ce scrutin historique pour aider à la démocratisation du pays », a affirmé Musharraf.
Quant au père de la bombe nucléaire musulmane, Abdul Qadeer Khan, il ne sera pas candidat aux élections, mais militera au sein de sa formation politique et en faveur de ses alliés. Sa formation Tehreek-e-Tahafuzz Pakistan (mouvement pour sauver le Pakistan) — jugée proche du parti de Nawaz Sharif — peine à s’imposer sur l’échiquier politique pakistanais.
Autre première historique qui caractérise le scrutin du 11 mai, les partis politiques pourront participer aux élections dans les sept zones tribales semi-autonomes qui bordent l’Afghanistan. Or, les talibans pakistanais ont fait de ces régions démunies et reculées leurs bastions. Ils ont appelé au boycott du scrutin et ont déjà assassiné plusieurs personnalités politiques ces derniers mois. Il reste aux autorités pakistanaises à annoncer dans les prochains jours la composition du gouvernement intérimaire chargé de gérer les affaires du pays jusqu’au 11 mai.
Dans un pays aux forces de sécurité débordées, où les armes abondent, miné par les attentats talibans et les fortes rivalités politiques, ethniques et religieuses, le spectre de la violence hante les partis à l’approche des élections, plus de 5 ans après l’assassinat de la chef du PPP, Benazir Bhutto.
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