Après une année marquée par un certain recul de l’Etat Islamique (EI) dans ses fiefs (en Syrie, mais surtout en Libye et en Iraq), mais aussi par une multiplication des attaques terroristes revendiquées par l’EI à travers le monde, notamment en Europe, la question est désormais de savoir quelle est la menace réelle que représente cette organisation pour l’année à venir. D’ores et déjà, selon un rapport rendu public dernièrement, et avec le retour des djihadistes de l’EI, Europol, l’office européen de police, a dit craindre l’importation, sur le Vieux Continent, de modes opératoires terroristes en vigueur en Iraq et en Syrie.
D’après Ahmad Ban, spécialiste des mouvements islamistes, « l’EI est en perte de vitesse dans le monde arabe. Cela est devenu clair en Syrie, en Iraq et en Libye, cela ne signifie pas pour autant la fin du mouvement terroriste ». Ban explique que « la stratégie de l’EI, telle que citée par Mohamad Al-Adnani, porte-parole de l’EI et responsable des attentats à l’étranger avant sa mort le 30 août dernier, repose sur le fait que parallèlement à sa faiblesse à l’intérieur, l’EI doit augmenter son action à l’extérieur. L’objectif étant de prouver que l’organisation existe toujours, que sa capacité de nuisance n’a pas disparu, et qu’elle est toujours capable de recruter de nouveaux membres ».
En effet, estime l’expert, s’il est difficile aux djihadistes ayant fui les principaux fiefs syrien, iraqien et libyen d’y retourner, la menace se trouve désormais en Europe. Aujourd’hui, ce sont les Européens qui craignent plus que tous l’avènement d’attentats terroristes en Europe. Première cause, la libération de Syrte des mains de l’EI. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, cette libération pose un certain nombre de problèmes. D’abord, où vont aller les djihadistes ayant fui cette ville ? Une question qui préoccupe les Européens, notamment à cause de la proximité géographique de la Libye et du nombre important de djihadistes européens. Selon Kamal Habib, expert dans les affaires des groupes islamistes, « il existe à peu près 5 000 membres de l’EI ayant des nationalités européennes qui ont été en Syrie, en Iraq et en Libye, et qui peuvent retourner en Europe après leur échec dans les pays arabes. La plupart de ces membres font partie de la deuxième et de la troisième génération des musulmans qui ont émigré à l’Europe. Souvent marginalisés, ils sont recrutés facilement par les groupes terroristes. Leur retour en Europe fait craindre une nouvelle vague d’attentats islamistes ». En effet, cité par le journal algérien Liberté, Gilles de Kerchove, coordinateur de l’UE contre le terrorisme, estime que 50 % des ressortissants ou résidents européens ayant rejoint les rangs de l’EI seraient encore en Iraq et en Syrie actuellement, ce qui représente entre 2 000 et 2 500 personnes. Cependant, Kerchove estime que la possibilité de « retours massifs dans le court terme en cas de pertes majeures de l’EI » en Iraq et en Syrie de ces djihadistes européens est « floue ».
Cela dit, les Européens prennent la menace très au sérieux, notamment après l’attentat de Berlin, le 19 décembre dernier, commis par un djihadiste tunisien. Or, le défi est grand, et c’est un véritable cercle vicieux : une radicalisation islamiste qui va de pair avec une poussée de l’extrême droite et une islamophobie généralisée en Europe. Moustapha Kamel Al-Sayed, professeur à la faculté de sciences politiques et économiques de l’Université du Caire, estime ainsi « qu’à leur retour, les djihadistes ne risquent pas d’être réintégrés dans ces sociétés européennes, au contraire, ce qui peut constituer un véritable danger ».
Pourtant, malgré cette menace, les pays européens n’ont pas tous la même politique à l’égard de ces djihadistes revenus de pays comme la Syrie ou l’Iraq. De même, Kerchove recommande d’élaborer une « approche complète » et de généraliser les échanges d’informations et de bonnes pratiques entre les Etats membres. Il recommande aussi de « renforcer le dialogue avec la Turquie », ce qui est loin d’être acquis dans le contexte actuel. « Ce retour des djihadistes sur notre sol doit être le premier sujet de préoccupation. Pas seulement pour les mois qui viennent ! Mais pour les cinq, les dix prochaines années », avait affirmé, le 7 novembre dernier, Manuel Valls, l’ancien premier ministre français.
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