Nous avons un pape, de Moretti.
« On fait des films pour aller au-delà de la réalité », telle était la réponse du cinéaste italien Nanni Moretti, à la suite de la projection de son film au Festival de Cannes il y a deux ans. Et ce, pour justifier son recours à un thème trop rare à l’époque, et jamais réalisé depuis 700 ans : celui de la démission d’un pape. Le cinéaste ne savait pas à l’époque que son film serait aujourd’hui considéré par d’aucuns comme une oeuvre prémonitoire.
En fait, Habemus Papam, le film de Moretti, sorti en 2011, s’avère comme le premier abordant le thème de la démission d’un pape. Elu comme le meilleur film au Festival de Cannes 2011, il mérite bien d’être vu au moins une fois.
Cette fiction emprunte son titre aux premiers mots prononcés par les cardinaux, suite à leur décision en conseil, lors de leur allocution solennelle aux fidèles chrétiens pour présenter le pape à la population. Car l’expression « Habemus Papam » en latin signifie « Nous avons un pape ».
Dans son scénario, le réalisateur italien présente un pape qui, comme l’a fait récemment le pape Benoît XVI, refuse de mener à bien la charge qui lui est confiée. Il présente donc cette vacance du siège de Saint-Pierre, suite à laquelle la tâche des cardinaux électeurs du nouveau pape s’avère dure, puisque aucun cardinal ne se sent prêt pour une telle succession. Finalement les votes se concentrent d’après l’intrigue du film sur le cardinal Melville, incarné par le talentueux français, Michel Piccoli. Un évêque âgé et simple, qu’on le pressent comme un bon « pape de transition ».
Après une élection qui n’est pas encore rendue publique, on peut voir au cours des événements le monde attendant que la fumée blanche sorte de la cheminée, signe de l’élection du nouveau pape.
Le conclave mène à bien sa mission et le nouveau pape est élu, mais la nouvelle n’est pas révélée, pour que le cinéaste nous emmène dans un huis clos où l’on voit le nouveau pape évaluer l’importance de sa charge. Il semble étouffer dans sa soutane comme sous le poids de cette nouvelle responsabilité. Il s’isole, il doute, et se sent dépassé et angoissé face aux responsabilités qui l’attendent. Ceux qui l’entourent lui font consulter le médecin et un psychanalyste — joué par Moretti lui-même — mais rien ne change.
Loin de toute similitude des situations, et de tout parallélisme visé par Moretti entre son cardinal fictif Melville et l’ancien pape Benoît XVI, le film témoigne d’une réalité, celle des délires psychologiques d’un homme sur le point de franchir le cap de la papauté, en lançant indirectement la question : qui peut avoir envie de devenir pape ? Et il excelle avant tout à permettre aux spectateurs de mieux comprendre l’élection pontificale et de se faire une idée du statut que peuvent avoir les cardinaux. Moretti rappelle — à la fin de son film — à chacun des membres de la société sa responsabilité, pour mieux vivre ensemble.
Autre prémonition cinématographique ? Le hooliganisme, sujet difficile, avec la violence qui se déplace des stades vers la rue et des endroits plus discrets, a été en fait bien traité par maints films. A titre d’exemple, citons le film britannique The Football Factory (la fabrique du foot) sorti en 2004 et réalisé par Nick Love, ou les deux tomes du film Hooligans signés Lexi Alexander. Dans ces deux derniers, comme est le cas en Egypte actuellement, on peut voir une histoire de vengeance et un combat dit pour la dignité, à la suite de la mort d’orgue de « Green Street Hooligans ». Plusieurs membres de la société West Ham et de nombreux membres du groupe Millwall finissent en prison, suite à la guerre qui s’est déclenchée entre les groupes de supporters hooligans (Ultras) et ceux qu’ils considèrent comme criminels.
Il est vrai qu’il s’agit d’une fiction, mais on retrouve quand même quelques similitudes avec la réalité : rébellion dans les rues, doctrines politiques à base sportive et un début d’action et de violence dont on ignore les limites.
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