La bataille de Mossoul et la lutte contre l’Etat Islamique (EI) semblent avoir tellement pris le dessus ces dernières semaines, qu’elles ont omis, voire accentué, l’un des problèmes majeurs de l’Iraq de l’après-Saddam, à savoir les luttes confessionnelles. En focalisant sur la guerre menée actuellement pour libérer la ville iraqienne de Mossoul des mains de l’EI, et ce, dans une bataille où participent des forces aussi différentes qu’aux intérêts opposés, l’après-Mossoul a été mis de côté, le temps d’en finir avec Daech. Ou peut-être pas tant que cela. L’après-Mossoul se prépare en sourdine par ceux qui veulent tirer le maximum de profits de la situation actuelle. Preuve en est la loi que le parlement iraqien a votée samedi dernier et qui légalise les milices chiites prenant part à la bataille de Mossoul. La loi, approuvée par 208 des 327 parlementaires, confère aux milices chiites le statut de «
force gouvernementale ». Selon le texte, les milices chiites forment désormais un groupe «
indépendant » au sein des forces armées iraqiennes, et elles devront répondre aux ordres du premier ministre. Les milices chiites devront donc se soumettre aux mêmes règles militaires que les membres de l’armée à quelques exceptions près. Ils bénéficieront des mêmes salaires et pensions que les autres soldats, mais doivent, théoriquement, se tenir à l’écart de toute forme de militantisme politique.
Rien ne garantit toutefois cette dernière disposition, car par cette loi, les milices chiites, et plus généralement les chiites, se voient dotés des pleins pouvoirs. Ce qui ne manque pas de susciter les craintes et les critiques de la minorité sunnite qui, déjà, s’estime politiquement marginalisée. D’ailleurs, les politiciens de confession sunnite ont aussitôt rejeté la législation, soutenant que celle-ci met en lumière la « dictature » exercée par la majorité chiite en Iraq en dépit des promesses du gouvernement de faire preuve d’inclusion. L’un des trois vice-présidents iraqiens, le sunnite Ossama Al-Nujaifi, a fait valoir que la majorité « n’a pas le droit de déterminer le sort de tous les autres », estimant que cette loi « va à l’encontre des principes de l’Etat », qu’elle « déstabilise l’équilibre des organes de sécurité », et qu’elle « concrétise la création de forces parallèles, à l’instar d’autres pays, ce qui fragilise l’Etat iraqien ».
En revanche, du côté des chiites, les réactions ont été plutôt positives, à l’image de celle de l’ancien premier ministre, Nouri Al-Maliki, accusé d’être en partie responsable des tensions confessionnelles en Iraq en raison de la politique ouvertement anti-sunnite qu’il a adoptée lorsqu’il était au pouvoir. Maliki a déclaré sur sa page Facebook : « Cette loi rend justice à nos combattants après tous les sacrifices qu’ils ont faits et qu’ils continuent à faire pour libérer notre pays ». Les autres dirigeants chiites, eux, ont été plus modérés. Le mouvement sadrite (du nom du jeune leader Moqtada Al-Sadr) a transmis au président iraqien et au président du parlement un document visant à réformer l’ensemble des milices. De son côté, le haut politicien chiite, Amar Al-Hakim, a voulu se montrer plus rassurant, faisant valoir que plusieurs lois doivent être prochainement présentées par le premier ministre, pour calmer les craintes des sunnites. « La loi (votée samedi) crée un climat compatible à l’unité nationale », a-t-il déclaré. Les sunnites n’en semblent pas convaincus.
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