Al-Ahram Hebdo : La suspension des livraisons d’hydrocarbures saoudiens a-t-elle eu de lourdes conséquences sur le marché égyptien ?
Ahmad Qandil : Les hydrocarbures livrés par la compagnie nationale pétrolière saoudienne, Aramco, (700 000 tonnes de produits pétroliers par mois) étaient payés à des taux préférentiels. Autrement dit, l’Egypte payait ces produits à long terme avec un taux d’intérêt d’environ 1,5 % seulement. Des conditions d’achat très favorables pour le pays, puisque l’acquisition de ces hydrocarbures n’avait pas de grand impact sur le budget annuel. C’est pourquoi la décision inattendue d’Aramco de suspendre la livraison de ces produits a été perturbante pour le pays. Mais de façon générale, l’Egypte a les capacités de combler ce déficit sans que cela vienne déséquilibrer le marché.
— Quelles sont les alternatives dont dispose Le Caire ?
— L’Egypte a lancé des appels d’offres sur les marchés internationaux pour importer la quantité de pétrole dont le pays a besoin. De hauts responsables égyptiens se sont également entretenus avec d’autres pays arabes « frères » comme le Koweït, les Emirats arabes unis, l’Iraq et la Libye. Plusieurs accords ont déjà été signés et sont sur le point d’être appliqués.
— Pensez-vous que ces nouveaux accords permettent de subvenir aux besoins pétroliers du pays ?
— N’importe quelle démarche permettant d’acquérir de nouveaux partenaires est un pas en avant pour notre sécurité énergique, et celle-ci passe avant tout par la diversification des partenaires. L’Egypte ne doit pas dépendre d’une seule source pour subvenir à ses besoins en hydrocarbures, et nous travaillons actuellement à cette diversification.
— A votre avis, qui sera le grand gagnant de ces accords, l’Egypte ou ses partenaires étrangers ?
— Cela dépendra de chaque contrat. Dans le passé, le domaine pétrolier était extrêmement corrompu, ce qui influençait les bénéfices réels du pays. Aujourd’hui, nous connaissons les erreurs à ne pas répéter et nos négociateurs font tout leur possible pour réussir à obtenir des clauses favorables à l’Egypte. A noter que les députés étudient également les articles de ces contrats avant qu’ils ne soient signés.
— Qu’en est-il des récentes découvertes dans le secteur ?
— Ces dernières années, plusieurs champs pétroliers et gaziers ont été découverts, et leur production participe déjà à combler une partie des besoins en hydrocarbures du pays. Le gouvernement égyptien prévoit l’arrivée à une autosuffisance en gaz naturel d’ici 2020. Et les investissements effectués dans les énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, devraient jouer un grand rôle dans les prochaines années également.
— Pensez-vous que ce projet d’autosuffisance soit réalisable ?
— Je suis optimiste concernant la période à venir. Le gouvernement égyptien travaille très dur sur ce dossier. Cependant, nous avons un problème de transparence et de communication interne. Les différents appareils de l’Etat cachent beaucoup d’informations concernant les capacités de production ou les clauses des contrats aux experts et aux députés, ce qui pose de réels problèmes.
— Comment évaluez-vous le plan de réforme des subventions des produits pétroliers ?
— Au départ, le gouvernement voulait appliquer le système de la carte intelligente pour rationaliser les subventions avec l’objectif qu’elles soient destinées à ceux qui en ont vraiment besoin. Mais en fait, ce système n’est pas du tout « intelligent ». Il a déjà été appliqué dans le domaine du pain et il a totalement échoué, notamment à cause des problèmes de corruption.
— Quelle solution reste-t-il alors ?
— D’après moi, la solution qui sera d’ailleurs rejetée par beaucoup d’experts est d’annuler les subventions à l’énergie et d’utiliser l’argent ainsi économisé dans la lutte contre la corruption qui touche ce domaine. Mais pour le moment, la réforme des subventions des produits pétroliers est toujours en train d’être étudiée.
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