Les 3 frères Sawirès gurent sur la liste Forbes des personnalités les plus riches de la planète.
La décision remonte au 3 mars et concerne deux poids lourds de la famille Sawirès : Nassef, PDG d’Orascom Construction Industries (OCI), et son père Onsi, fondateur de l’entreprise. Les deux hommes, actuellement à l’étranger, sont accusés de fraude fiscale et se trouvent sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire égyptien. Motif de cette décision : des taxes non payées sur une transaction boursière effectuée en 2007 par OCI et le géant français du ciment Lafarge, selon l’Organisme des impôts. Un fait contesté par les responsables d’OCI.
L’affaire remonte à 2007 lorsqu’OCI vend l’une de ses filiales, Orascom Building Materials Holding (OBMH), à Lafarge à travers une transaction boursière dont le montant s’élève à 15 milliards de dollars. Les gains sur les capitaux générés par la transaction, qui a eu lieu deux mois à peine après l’entrée de la filiale d’OCI en Bourse, s’élèvent à 12 milliards de dollars (l’équivalent de 68,6 milliards de L.E. à l’époque). Mais OCI ne paie pas d’impôts sur la transaction car, en vertu de l’article 50 de la loi de l’impôt sur le revenu promulguée en 2005 : « Les gains perçus par les personnes morales résidentes sur leurs investissements en titres inscrits sur le marché boursier égyptien sont exemptés d’impôt ».
Mais le nouveau président de l’Organisme des impôts a un autre point de vue. Pour lui, il s’agit d’un rachat de capitaux et non d’une transaction boursière. En effet, au lieu de vendre directement OBMH, auquel cas l’opération serait été taxée, OCI l’a cotée en Bourse et l’a vendue sous forme d’actions à Lafarge, évitant ainsi de payer des impôts. C’est ce qu’affirme le président de l’Organisme des impôts.
« L’administration publique de lutte contre la fraude fiscale a découvert la réalité de cette transaction. Il s’agit en apparence d’une vente d’actions cotées en Bourse et bénéficiant d’une exemption fiscale. Mais un examen attentif des documents liés à cette transaction montre que le groupe français Lafarge a racheté la société holding et toutes ses filiales », a-t-il affirmé dans un long communiqué de presse.
Règlement de comptes ?
Face à ces accusations, la famille Sawirès dénonce un règlement de comptes à caractère politique. « Ma famille me reproche d’être la cause de ce problème parce que j’ai critiqué les Frères musulmans », affirme Naguib Sawirès, frère de Nassef et aîné de la famille, dans une interview télévisée. Lors de son discours du 6 octobre 2012, le président Mohamad Morsi a fait référence à la famille Sawirès en affirmant qu’ils « doivent payer leurs taxes ». « Mais quelles taxes ? Il y a certainement une erreur quelque part », s’est interrogé Naguib.
La transaction entre OCI et Lafarge avait soulevé des interrogations à l’époque en raison du montant exorbitant des sommes non taxées. OCI a même été soumise à un examen fiscal pour la période 2007- 2010 par l’Organisme des impôts et la transaction a été acceptée. Mais l’Organisme des impôts réclamait quand même à OCI 4,7 milliards de L.E. d’impôts sur une partie de la transaction (22 milliards) qu’il estimait faire partie d’un échange d’actions (et non d’une transaction boursière) taxé par la loi. En effet, quelques mois après la fameuse transaction, les Sawirès ont racheté des actions dans des sociétés Lafarge, ce que l’Organisme des impôts a considéré comme une partie d’un échange.
La société, pour sa part, a rejeté cet argument et a présenté des documents prouvant qu’il n’y a pas eu d’échange d’actions mais un rachat. « Cela ne faisait pas partie de la transaction. La famille Sawirès a voulu simplement racheter des actions un peu plus tard », affirme une source d’OCI.
A présent, le ministère des Finances réclame à OCI 14,4 milliards de L.E. (dont les 4,7 milliards susmentionnés) pour la totalité de la transaction. « Alors que le différend avec l’Organisme était sur le point d’être réglé au sujet des 4,7 milliards, OCI a eu la surprise en octobre 2012 de recevoir une lettre du président de l’Organisme des impôts lui demandant de négocier une annulation de l’examen fiscal de 2007-2010 et de procéder à un nouvel examen du dossier de la vente et ceci en contravention de la loi des impôts », affirme OCI dans un communiqué de presse répondant à celui de l’Organisme des impôts.
Pas de fondement juridique
Selon OCI, les procédures de l’Organisme des impôts n’ont pas de fondement juridique. « Nous avons tout révélé sur la transaction depuis le début », affirme le communiqué d’OCI. Il ajoute que la compagnie n’a rien caché dans sa déclaration fiscale. « Le gouvernement veut imposer une taxe sans fondement juridique. C’est une interprétation à travers laquelle l’Organisme veut imposer une taxe d’effet rétroactif et sans base juridique réelle », selon le communiqué.
Acquisition ou vente en Bourse ? « Les deux avis sont corrects. Oui, en vérité c’est une acquisition, mais OCI a pris avantage au maximum des failles de la loi qui lui ont permis de vendre ses actions en Bourse sans être taxées. La situation juridique de la société est correcte à cent pour cent. Elle n’a rien fait d’illégal », estime Waël Ziada, directeur des recherches à EFG-Hermes. Hani Guéneina, économiste en chef chez Pharos Holdings, est du même avis. « OCI a trouvé une faille juridique qu’elle a exploitée. Dans d’autres pays si un investisseur fait la même chose, on l’applaudit malgré cela et on change vite la loi pour que d’autres ne suivent pas l’exemple », argumente-t-il. Il ajoute que la loi n’a pas été assez précise. Elle a simplement exonéré d’impôts les transactions en Bourse.
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