Kenyatta est le premier président du Kenya inculpé par la CPI. (Photo: Reuters)
Après avoir recueilli 50,07 % des votants au premier tour de la présidentielle, Uhuru Kenyatta a été déclaré ce samedi président du pays, par la Commission électorale indépendante. Fils de Jomo Kenyatta, premier président du Kenya (1964-1978), Kenyatta, 51 ans, a reçu 6 173 433 voix des 12 330 028 bulletins, c’est ainsi qu’il a franchi d’environ 8 400 voix la barre des 50 % des votants, pour l’emporter dès le premier tour du scrutin de lundi 4 mars, marqué par une participation record de 85,9 %.
Accusé de crimes contre l’humanité pour son rôle présumé dans l’organisation des violences consécutives au scrutin de fin 2007, Kenyatta est le premier inculpé de la CPI à devenir chef d’Etat. La Cour de La Haye a déjà inculpé le président soudanais, Omar Al-Béchir, en 2009, mais celui-ci était alors au pouvoir depuis 20 ans.
Dans une référence apparente à cette situation politique et juridique inédite, Kenyatta a assuré que son pays « continuera de coopérer avec toutes les nations et les institutions internationales, conformément à (ses) obligations ».
Kenyatta a déjà assuré qu’il ne se déroberait pas à ses obligations devant la CPI même en cas d’élection. Son procès doit s’ouvrir le 9 juillet et pourrait durer au moins 2 ans. Son vice-président, William Ruto, doit comparaître à partir du 28 mai à La Haye, également à propos des violences de 2007-2008. « Les élections ne changent pas la donne en ce qui concerne la CPI, car il n’existe pas d’immunité devant la Cour », a réagi le porte-parole du tribunal, Fadi Al-Abdallah.
Par ailleurs, l’accusation de la CPI n’est pas la seule entrave qu’affronte Kenyatta ; Raila Odinga, son principal rival, n’a, lui, pas encore reconnu sa défaite. Crédité de quelque 800 000 voix de moins que son adversaire (43,31 % des votants), Odinga a dénoncé des irrégularités massives et assuré que ces résultats vont être aussitôt contestés en justice. Mais le premier ministre sortant qui, à 68 ans, a enregistré sa troisième et probable ultime défaite présidentielle, a assuré « faire confiance » à la Cour suprême pour annuler l’élection. Il a cependant appelé ses partisans au calme pour éviter une répétition des affrontements sans précédent ayant suivi sa précédente défaite en décembre 2007. « La violence maintenant pourrait détruire ce pays pour toujours », a-t-il indiqué. La défaite d’Odinga, il y a 5 ans, avait plongé le pays dans plusieurs semaines de violences avec plus de 1 000 morts et plus de 600 000 déplacés. Le président sortant Mwai Kibaki, 81 ans, avait été proclamé à ce temps vainqueur, à l’issue d’un dépouillement entaché de soupçons.
Kenyatta était alors un soutien-clé de M. Kibaki, issu comme lui de la communauté kikuyu, la plus importante numériquement — 17 % des 41 millions d’habitants. Mais contrairement à l’explosion de violences de 2007, aucun trouble particulier n’avait marqué l’annonce de la victoire de Kenyatta.
Régler les différends dans le calme
En outre, ces élections ont été bien accueillies par la communauté internationale. L’Union européenne et les Etats-Unis ont félicité les Kényans pour leur vote pacifique et appelé les deux parties à régler leurs différends dans le calme, via les procédures prévues par la Constitution. « Ces élections sont une occasion historique pour le peuple kényan de se rassembler et de construire un avenir meilleur », a déclaré le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, dans un communiqué publié samedi. A Londres, le secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères en charge de l’Afrique, Mark Simmonds, a exhorté toutes les parties à faire preuve de patience et de retenue, à accepter la défaite ou à porter leurs différends devant la justice. « J’appelle toutes les parties à préserver le climat pacifique et démocratique qu’il nous a été donné de constater jusqu’à présent », a-t-il ajouté dans un communiqué, se disant confiant dans le fait que tout différend serait réglé « équitablement et rapidement » par les tribunaux de l’ancienne colonie britannique, indépendante depuis un demi-siècle.
S’exprimant au nom des 27, la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, a félicité « ceux qui ont été élus avec succès » et les Kényans qui ont montré leur « solide engagement en faveur de la démocratie en se rendant en grand nombre » aux urnes. « Une façon de montrer qu’il n’y a pas de place pour la violence dans le nouveau Kenya », a-t-elle dit.
Sur le continent, le président sud-africain, Jacob Zuma, a été l’un des premiers à féliciter chaleureusement M. Kenyatta. « Nous souhaitons féliciter le nouveau président et lui dire bien joué », a déclaré M. Zuma, ajoutant que l’inculpation du nouveau chef d’Etat pour crimes contre l’humanité par la CPI n’affecterait pas les relations entre les deux pays.
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